Dans un article pour Le Figaro-vox, je reprenais les propos
de François Bayrou sur Europe 1 qui affirmait qu’il ne se rendrait pas dans un
bureau de vote lors de la primaire de l’UMP pour glisser un bulletin en faveur
d’Alain Juppé que, pourtant, il soutient publiquement.
J’estimai que cette déclaration que le président du
Mouvement démocrate n’était pas obligé de faire, montrait l’ambiguïté d’un tel
soutien et envoyait une sorte de message subliminal à ses amis de ne pas voter
pour Juppé, eux non plus.
D’autant, ajoutais-je, qu’il se verrait bien se présenter
lui-même à la présidentielle de 2017, comme il l’a dit à maintes reprises,
déclarations qu’il n’était, là aussi, pas obligé de faire.
Or, pour cela, mécaniquement, il lui faut tabler sur une défaite à la
primaire d’Alain Juppé.
C’est de la simple logique.
François Bayrou a dit et redit qu’il ne croyait pas que
Juppé pourrait battre Sarkozy lors de cette élection, autres déclarations qu’il
n’était pas obligé de faire.
Enfin, j’estimai que la démarche de François Bayrou avait
une légitimité puisqu’il affirmait jusqu’à maintenant qu’il fallait absolument
un candidat issu du Centre en 2017 pour que ce courant de pensée politique
continue à être majeur en France.
François Bayrou a estimé que le soupçon de ne pas vouloir la
victoire de son ami Juppé était insupportable.
Dans une réponse au Figaro, il affirme qu’il sera fidèle
jusqu’au bout à Alain Juppé, qu’il souhaite ardemment sa victoire et qu’il n’a
aucune arrière-pensée ou qu’il ne délivre aucun message subliminal qui
pourraient laisser croire qu’il ne souhaite pas réellement la victoire de son
ami.
Dont acte.
Mais, si tel est le cas et si Alain Juppé gagne
effectivement la primaire comme un sondage publié par Le Parisien en fin de
semaine dernière le laisse apparaître, cela aura des conséquences évidentes
qu’il nous faut pointer et analyser
maintenant.
1) François Bayrou soutiendra donc un homme qui, aussi
estimable soit-il, ne vient pas d’un parti centriste, n’a jamais été centriste comme
il s’est plu à l’affirmer à maintes reprises pour éviter toute controverse à
l’intérieur de l’UMP et qui s’est même moqué de la mollesse du Centre pour bien
marquer les esprits de son parti.
Dont acte.
2) François Bayrou avait déclaré jusqu’à maintenant que s’il
prévoyait de soutenir Alain Juppé, il faudrait d’abord que son programme soit
centro-compatible. Or, selon ses déclarations au Figaro, ce n’est plus un
préalable. Ce sera un soutien sans condition aucune.
Dont acte.
3) François Bayrou renonce donc à ce que le Centre ait un
candidat issu de ses rangs en 2017, un virage à 180° degré puisque selon lui
c’était jusqu’alors une condition sine qua non pour exister politiquement en V°
République autrement qu’en soutien et supplétif d’un grand parti et remet la
destiné du Centre à un homme en-dehors de la mouvance centriste, comme ce fut
le cas en 1995 avec Edouard Balladur (et qui reste, à ce jour, la seule
présidentielle où le Centre n’ait pas eu un candidat).
Dont acte.
4) François Bayrou estime en conséquence que le Centre n’est
pas ou plus un courant politique majeur de la V° République puisque, selon lui,
tout courant de ce type se doit d’avoir un candidat à la reine des élections,
la présidentielle et acte cette régression par son soutien indéfectible à Alain
Juppé.
Don acte.
5) François Bayrou estime également – ce qui va faire
plaisir à Jean-Christophe Lagarde et quelques autres – qu’il n’est donc plus
l’homme providentiel ou, en tout cas, incontournable et emblématique pour
représenter le Centre à la présidentielle (et donc dans toutes les autres
circonstances puisque la présidentielle est l’événement politique majeur de nos
institutions actuelles) et qu’il peut se ranger sans aucun problème d’identité
politique derrière la bannière d’un non-centriste à la prochaine
présidentielle.
Dont acte
6) François Bayrou indique qu’il est pour le rassemblement
le plus large, sorte d’union nationale ou d’unité nationale dont il a parlé à
maintes reprises, même si celui-ci semble plus limité qu’auparavant. Et,
jusqu’alors, il s’était présenté comme celui qui était le mieux à même d’en
prendre la tête. Désormais, il pense que ce rôle est dévolu à Alain Juppé.
Dont acte.
Rendons grâce, par ailleurs, à François Bayrou pour son
amitié qui est plus importante que son ambition, même si l’ambition politique
si elle se considère comme légitime doit être plus forte qu’un engagement
amical.
Enfin, il nous faut interroger l’affirmation suivante
contenue dans la réponse de monsieur Bayrou: «Dans le cas, j'espère improbable,
où la primaire choisirait une candidature qui ne me paraîtrait pas en harmonie
avec cette attente historique, je serais tout simplement un homme libre et
j'apprécierais la situation».
Si l’on comprend bien, si les électeurs de la primaire
choisissaient Bruno Le Maire ou, plus sûrement, Nicolas Sarkozy pour être le
candidat de l’UMP, François Bayrou retrouverait sa liberté.
Pourquoi faire?
Soutenir le candidat du PS? Peu probable.
Celui du Front national? Je ne lui ferai pas l’injure d’argumenter
sur cette interrogation.
Un candidat de l’UDI? Vu ce qu’il pense des capacités
présidentielles des différents candidats potentiels de ses autres amis
centristes, cela semble également peu probable.
Et sa mise en retrait pour cette élection semble encore plus
improbable.
Reste sa candidature.
Mais alors, tout ce que nous avons analysé plus haut ne
serait plus sa pensée tout d’un coup?!
Elle se rapprocherait de ce que j’ai écrit dans l’article
qui a suscité sa réponse?
Nous serions évidemment intéressés que monsieur Bayrou nous
réponde à ce sujet et nous serions heureux de le publier.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC