Quand on voit la réaction des archéo-gauchistes qui parlent
de succès de la «révolution néolibérale-conservatrice» (sic!) à propos des 60%
obtenus par la motion A en vue du prochain congrès du Parti socialiste, du 5 au
7 juin prochain à Poitiers, on ne peut s’empêcher de penser que cette victoire
des sociaux-démocrates et des sociaux-libéraux défendant la politique de
François Hollande et de Manuel Valls est une bonne nouvelle pour la politique
française mais, peut-être aussi, pour les centristes.
Depuis des années, sans doute depuis l’opposition des
archaïques et des modernes dans les années 1970, cristallisée dans l’opposition
entre François Mitterrand et Michel Rocard, le Parti socialiste a été incapable
de s’adapter à la société dans sa réflexion et dans sa phraséologie.
Du coup, à chaque fois qu’il parvenait au pouvoir, il
faisait en grande partie le contraire de ce qu’il prônait quand il était dans
l’opposition.
Non pas par machiavélisme ou par incompétence, pas plus que
par trahison programmée de son électorat mais, avant tout, parce que la réalité
s’imposait tout simplement à une idéologie qui refusait avec entêtement de la
prendre en compte.
Par petites touches, l’évolution vers la responsabilité –
mot qui apparaît désormais dans les textes du parti –, les socialistes ont
commencé par infléchir leur discours pour qu’il corresponde à cette réalité
tant refoulée mais aussi à une pratique du pouvoir.
On en a vu les prémisses avec Lionel Jospin en 1995 puis
avec Ségolène Royal en 2007.
On l’a perçu dans certains propos de François Hollande pendant
la campagne de 2012 et on a enfin entendue une parole, surtout une action
politique libérée qui commencent à être dépoussiérées d’une vision antilibérale
d’un autre âge depuis l’arrivée à l’Elysée du même Hollande puis de celle de
Manuel Valls à Matignon.
Ce tournant idéologique largement accepté par l’électorat
socialiste qui n’en veut pas au Président de la république et au Premier
ministre de l’avoir pris, à l’opposé de ce que croient les archéo-gauchistes,
mais de ne pas parvenir à faire baisser le chômage, à relancer la croissance et
à répartir plus équitablement la richesse, comme le montent les sondages.
Cependant, il restait la question de savoir si les militants
socialistes étaient d’accord avec ce nouveau parti et ce discours raisonnable.
Les opposants de l’intérieur et de l’extérieur à ce
«recentrage» espéraient que non et les élus «frondeurs» du PS l’affirmaient
même, attendant avec impatience qu’ils se prononcent à l’occasion du prochain
congrès du parti.
C’est chose faite.
Or, le résultat du vote des motions vient de les contredire
totalement.
Il y a désormais une identité de vue entre la majorité de
l’électorat socialiste, une majorité des militants socialistes et la direction
du parti et du gouvernement socialistes.
Et cette identité est un mix de social-démocratie et de
social-libéralisme.
Bien sûr, quand on lit la motion A défendue par le premier
secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, apparaît encore des phrases et
des mots d’un passéisme affligeant avec une attaque contre le libéralisme
économique (et même contre le social-libéralisme!).
Néanmoins, l’essentiel n’est pas là.
Si la tonalité générale de la motion est encore encombrée
d’idéologie, le texte est moins important que ce qu’il défend concrètement,
c’est-à-dire le gouvernement en place et sa politique, un gouvernement qui a
entamé une réelle inflexion vers une vision responsable débarrassée de théories
pesantes et paralysantes pour accomplir des réformes dont le pays a besoin
urgemment afin de construire un avenir progressiste.
Les centristes peuvent s’en féliciter, eux qui sont des
chauds partisans d’une démocratie républicaine apaisée où un large consensus
permet de gouverner le pays avec efficacité et humanisme en s’attaquant aux
vrais problèmes grâce à un pragmatisme responsable qui prend cette réalité en
compte pour mieux l’améliorer.
Pour autant, cette lente évolution du PS doit être confirmée
dans les années à venir.
Notamment si les socialistes se retrouvent dans l’opposition
en 2017.
Ne vont-ils pas, alors, succomber une nouvelle fois à leurs
vieux démons en revenant à une rhétorique crypto-marxiste et à un
positionnement idéologique éculé?
C’est tout à fait possible (l’UMP devient également plus
conservatrice quand elle est dans l’opposition).
Cette victoire en appelle donc d’autres.
En attendant, les rapprochements entre cette gauche moderne
et le Centre sont réels comme on a pu le voir dans nombre d’initiatives du
gouvernement Valls dont la loi Macron, par exemple.
Cela ne veut pas dire qu’une coalition Gauche-Centre soit à
l’ordre du jour dès à présent.
En revanche, cela signifie clairement que l’option d’une
alliance Droite-Centre ne peut plus être considérée comme exclusive sans
discussion et négociation des centristes à droite et à gauche.
En cela, la victoire des sociaux-démocrates et des
sociaux-libéraux est une bonne nouvelle pour le Centre avant, peut-être, d’être
à la base d’une option crédible pour les partis
centristes dans leurs recherches d’alliés.
Et oui, cela est une bonne nouvelle pour le Centre.