Le Front national n’a donc pas viré en tête lors du premier
tour des départementales.
Voilà une grosse satisfaction pour tous les démocrates et
les républicains dont les centristes.
Il fallait voir la hargne de Marine Le Pen après ce demi-échec
pour ne pas oublier qu’elle est bien la fille de son père et le FN un parti
d’extrême-droite au populisme dangereux.
Mais cette «défaite» – à 25,19% des voix, tout de même – n’est-elle
pas en trompe l’œil?
C’est en effet une coalition UMP-UDI-MoDem (bien que les
médias oublient de citer ce dernier parti) qui arrive en tête avec 29,4% des
suffrages.
Ce n’est donc pas l’UMP qui devance le FN – ni l’UDI ou le
MoDem – mais une alliance électorale de plusieurs partis.
Ce qui montre, déjà, que la menace de l’extrême-droite et du
populisme est toujours là, bien présente avec un quart des électeurs qui ont
voté pour elle et les 49,83% d’abstentionnistes qui en sont les associés
conscients et consentants.
Mais l’on pourra dire que grâce aux centristes, le FN n’a pu
savourer le fait d’être en tête même si l’on ne peut savoir quel aurait été exactement
le score de l’UMP si celle-ci était partie seule au combat des urnes.
Néanmoins, ce résultat, qui va permettre après le deuxième
tour aux partis centristes d’avoir de nombreux élus et de se congratuler à
nouveau d’avoir choisi la bonne recette, est aussi lourde de sens en vue des
présidentielles et des législatives.
Car c’est bien la stratégie de l’union de la Droite et du
Centre qui a porté ses fruits et qui permet d’ailleurs aux médias comme Le
Figaro de titrer sur sa une «L’UMP l’emporte» et au Monde d’écrire que c’est
une «très nette victoire de l’UMP».
Dès lors, cette victoire électorale n’est-elle pas une
défaite politique pour un Centre indépendant?
Le succès du trio UMP-UDI-MoDem prouve effectivement toute
la justesse d’une alliance dès la premier tour (dans une grande majorité de
cantons) de la Droite et du Centre.
Comment, dès lors, les leaders centristes vont-ils pouvoir
expliquer la pertinence d’une candidature autonome aux présidentielles de 2017,
sachant qu’un succès aux départementales est évidemment très secondaire par
rapport à une victoire aux présidentielles et aux législatives.
Comment donc refuser l’alliance et la coalition dès le
premier tour en 2017 et même de participer à une primaire de la Droite et du
Centre dont on sait déjà que ce dernier sera le perdant?
Le piège de la candidature unique s’est-il donc refermé sur
les centristes?
Bien sûr, ceux-ci diront que non et qu’il ne faut pas
extrapoler les résultats de ce dimanche sur ce qui va se passer dans deux ans
notamment sur le pourcentage de Marine Le Pen (qui vient d’annoncer sa
candidature pour 2017) au premier tour de la présidentielle et de la possible
élimination du candidat de l’UMP dans la foulée, s’il n’est pas soutenu par le
Centre.
Néanmoins, analysons cette victoire et ses conséquences pour
les partis centristes.
D’abord, la victoire est celle de l’UMP, parti archi-dominant
dans cette coalition.
Si les partis centristes sont allés à la bataille dans une alliance
avec la formation de droite, c’était pour bénéficier de sa force électorale, de
ses voix.
Comment dès lors refuser cette alliance aux législatives qui
suivront les présidentielles.
Et comment mieux négocier les bonnes circonscriptions sans
être alliés dès le premier tour à l’UMP aux présidentielles?
Ensuite, c’est une victoire du président de l’UMP, en
l’occurrence Nicolas Sarkozy.
Or, celle-ci lui donne une évidente et manifeste légitimité
qui lui était encore discutée après son élection sans gloire à la tête du parti
et par des sondages peu encourageants concernant sa personne.
Si cette élection est un marchepied pour le président de l’UMP,
voilà qui va poser un dilemme aux partis centristes qui ne veulent pas d’une
candidature Sarkozy en 2017, le Mouvement démocrate penchant fortement pour
Juppé et l’UDI préférant nettement ce dernier à l’ancien président de la
république mais sans doute n’importe quel autre candidat plus consensuel.
Cependant, comment dire non à celui qui vient de vous faire
gagner et qui sera peut-être en tête des sondages s’il est, comme cela semble très
probable, désigné candidat de l’UMP?
Si l’apport des voix centristes a été importante voire
déterminante dans un certain nombre de cantons, il est difficile de le savoir
exactement là où il y a eu candidature commune.
Les partis centristes ayant refusé de se compter au premier
tour de ces départementales, auront ainsi du mal à mettre en balance leur poids
électoral largement inconnu sur la table des négociations pour peser réellement
en 2017, à la fois, sur les investitures, sur le projet et le programme
politique.
Sans doute que les élections régionales où est en vigueur la
proportionnelle donneront une vue meilleure de ce poids si des listes autonomes
centristes sont présentées.
Mais les législatives ne sont pas à la proportionnelle…
Pour autant, il n’y a pas que des conséquences négatives à
cette victoire électorale.
Mettons de côté le corollaire mécanique de celle-ci, un
nombre plus important d’élus locaux et de direction de départements, et
attachons-nous aux fruits politiques.
Ainsi, les centristes en permettant à l’UMP d’être le
premier parti de France, ont du même coup augmenté leur capacité de négociation
pour les futures élections dans le cadre d’une alliance.
S’ils ne sont pas grand-chose (électoralement) sans l’UMP,
celle-ci ne peut pourtant pas se passer des partis centristes pour l’emporter
nationalement.
Ces derniers ne sont donc pas sans aucune marge de manœuvre
pour obtenir quelques concessions sur les investitures, les postes et les
programmes.
En outre, une alliance électorale permet de gagner ensemble
mais n’oblige en rien, ensuite, à un alignement total des positions des
différentes composantes sur celles du parti dominant, même si cela peut
ressembler parfois à de la tambouille politicienne…
Reste que cela est assez maigre si l’on veut bien se
rappeler que les partis centristes parlent constamment d’indépendance, de
volonté de s’affranchir du duo PS-UMP qui gouverne la France depuis plus de 30
ans, comme le rappelle constamment Jean-Christophe Lagarde, président de l’UDI,
et du vote de réformes indispensables que, ni la Droite, ni la Gauche,
clientélistes et enfermées dans leurs promesses irresponsables, sont capables
de mettre en route.
Enfin, si être un appendice de la Droite est une fatalité
pour les leaders de l’UDI et du MoDem, il faut qu’ils aient au moins le courage
de le dire à leurs électeurs.