L’axe central qui regroupe des hommes comme Manuel Valls,
François Bayrou, Jean-Christophe Lagarde, Jean-Pierre Raffarin ou encore Alain
Juppé, allant de la gauche modérée à la droite modérée pourrait bien devenir
l’axe incontournable de la vie politique française dans les années à venir.
C’est dire s’il attise les appétits et amène de plus en plus
d’ambitieux à s’en revendiquer afin de se l’approprier ou d’avoir une part du
gâteau.
De même, chacun y vient avec sa propre définition ou son
propre positionnement politique ce qui fait que cet axe central a encore, pour
l’instant, des contours flous qui devraient s’éclaircir au fil du temps s’il
doit aboutir, évidemment, à une coalition en bonne et due forme de tous ceux ou
d’une grande partie de ceux qui s’en revendiquent.
Ce qui semble acté c’est que cet espace politique encore
informel regroupe des libéraux venus de tous les horizons politiques qui
prônent des réformes profondes tout en mettant en avant une modération dans la
pratique politique, cette fameuse «médiété» chère au philosophe grec Aristote
qui voyait en elle la plus grande vertu.
Mais tous ne viennent pas avec la même vision politique et beaucoup
avec comme principale ou seule motivation de se placer au bon endroit au bon
moment.
En outre, pour certains d’entre eux, il s’agit de centrisme.
Pour d’autres, de gaullisme. Pour d’autres encore, d’un socialisme libéral.
Toutes ces pensées politiques différentes sont certainement
solubles en une alliance mais ont de nombreuses divergences que seule la lutte
contre la radicalité et l’extrémisme ne suffit pas à réduire à néant.
L’on peut aussi y voir un simple opportunisme, en tout cas,
la volonté de préempter cet axe central en devenir pour ses ambitions présentes
et futures.
Ce pourrait être le cas pour trois des figures les plus
médiatiques de celui-ci, Manuel Valls, François Bayrou et Alain Juppé.
Personne ne remet en cause leur proximité avec le centre de
la vie politique et leur attachement aux valeurs libérales, même si elles
peuvent être à géométrie variable.
Néanmoins, personne ne peut nier que ces trois personnalités
ont des parcours politiques différents et que des questionnements légitimes
peuvent se faire sur leur attachement à cette centralité qu’ils revendiquent.
Manuel Valls, formé en tant que rocardien, reste, par
exemple, attaché à une égalité qui n’est pas seulement des chances et issues de
la méritocratie mais qui renvoie à toutes les luttes de la Gauche au cours du
dernier siècle.
Alain Juppé, venu du néo-gaullisme est, lui, un homme
souvent attaché aux pouvoirs étatiques face à la société civile et où le
pouvoir central conservent de très importantes prérogatives face aux pouvoirs
locaux.
François Bayrou est certainement celui qui a le plus de
légitimité à se trouver sur cet axe central mais également celui qui suscite le
plus grand nombre d’interrogations!
Démocrate-chrétien et centriste revendiqué à l’UDF, il entame
un virage social-démocrate lors de la création du Mouvement démocrate après les
présidentielles de 2007 puis un virage gaulliste pour les présidentielles de
2012 avant de revenir vers le centre-gauche puis de se positionner au
centre-droit et à revenir aux alliances avec la Droite.
Actuellement, il est difficile de définir très exactement le
lieu politique de Bayrou et ce qu’il prône.
Et même si c’est le cas également pour Valls et Juppé, les
nombreux allers-retours du président du Mouvement démocrate troublent quelque
peu son image.
En outre, que ce soit pour Juppé ou Bayrou, tout comme la
social-démocratie, le gaullisme n’est pas central même si c’est ce qu’aurait
voulu le faire croire le Général de Gaulle en quête d’un consensus national
extrêmement large qu’il n’a pu en fait réaliser que pendant une courte période
à la Libération.
Bien sûr, que ce soit pendant la Deuxième guerre mondiale, à
la Libération ou lors de son retour aux affaires en 1958, il est vrai que des
gens de gauche et du Centre l’ont rejoint.
Mais il est tout aussi vrai que le gaullisme a été
principalement un mouvement de droite ce que les présidentielle de 1965 ont
démontré avec éclat (avec François Mitterrand et Jean Lecanuet) puis les
événements de mai 1968, sans parler de ce qui s’est passé ensuite avec les
héritiers revendiqués du gaullisme, Georges Pompidou, Jacques Chirac et même Nicolas
Sarkozy.
Par ailleurs, on voit bien que c’est au nom d’un large
rassemblement que Valls, Bayrou et Juppé se positionnent sur l’axe central.
Mais ils confondent alors souvent une sorte d’union
nationale ad minima (tous les modérés contre les extrémistes de chaque côté) et
cet axe central.
Ce faisant, ils participent à lui donner ses contours flous
actuels.
Dès lors, il faudra sans doute attendre les projets
politiques – qui tardent mais comme toujours –, plus sûrement les programmes
électoraux en vue de la prochaine élection présidentielle (et les éventuelles
négociations sur ceux-ci en vue de rapprochements) des personnalités qui
veulent rassembler autour de l’axe central pour savoir si, au-delà de discours,
de postures et de proximités affirmées, il y a possibilité de contrat de
gouvernement pour 2017, voire pour 2022.
Ou s’il n’y avait là qu’opportunisme même si, au-delà de
celui éventuel des différents protagonistes, l’axe central a bien une véritable
existence politique.
Mais il se pourrait, comme souvent dans la politique, qu’il
n’y ait pas d’hommes ou de femmes capables de l’incarner.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC