La fameuse pratique du grand écart, «le Front national est
un parti d’extrême-droite, il n’est pas républicain et ses thèses sont
dangereuses mais ses électeurs ne sont que de pauvres brebis égarées et
trompées que l’on va remettre dans le droit chemin», est, non seulement, une
faute des politiques qui le prétendent mais également totalement
contre-productif.
Car cette stratégie de diaboliser le parti d’extrême-droite tout
en ne trouvant que des excuses à ceux qui votent pour lui, fait qu’aujourd’hui,
la «dédiabolisation» constante du vote en sa faveur donne des sondages où 30%
des électeurs s’apprêtent à mettre un bulletin FN dans l’urne des
départementales puis des présidentielles.
Beau résultat pour les stratèges politiques qui nous rabâchent
ce discours depuis des années…
De plus, il permet aux thèses d’extrême-droite d’être
légitimées, non par les discours du FN mais par l’adhésion de ses électeurs qui
auraient bien des raisons compréhensibles de se tourner vers un vote extrême.
Il est temps, enfin, de dire que les électeurs du FN sont
tout aussi responsables des paroles et des actes du parti d’extrême-droite que
ses leaders.
C’est ce que disent les principes mêmes de la démocratie
républicaine où l’électeur choisit les représentants qui sont le plus proches
de ce qu’il pense.
Dit-on des électeurs du PS, de l’UMP, de l’UDI ou du
Mouvement démocrate qu’ils ne savent pas ce qu’ils font?
Les excuse-t-on pour leur vote et tente-t-on de
déresponsabiliser leur décision en leur trouvant toutes les excuses possibles
et imaginables?
Qu’il s’agisse d’un vote d’adhésion au Front national, d’un
vote de protestation contre les partis traditionnels, voire même d’une
abstention de dépit ou de mauvaise humeur (qui gonfle le score du FN en toute
connaissance de cause), c’est bien d’irresponsabilité que l’on doit parler ici.
Et oui, cela est effrayant si l’on est démocrate.
Et oui on peut avoir «peur pour son pays» qu’il se «fracasse
contre le Front national» comme l’a dit Manuel Valls.
Que sa sortie médiatique soit aussi un coup de com et une
tentative de remotiver ses électeurs, c’est assez probable.
Qu’il n’ait pas mis directement les électeurs de FN devant
leurs responsabilités, c’est dommage.
De même, Manuel Valls serait plus crédible s’il estimait que
s’allier avec l’extrême-gauche anti-démocratique (Parti communiste compris) est
tout aussi irresponsable que de s’allier avec l’extrême-droite et que le PS se
refuse désormais à le faire.
On ne peut pas faire le tri entre les extrémistes dont le
but ultime est d’abattre la démocratie libérale.
Mais la réalité est là.
Et les centristes, qui doivent être sans répit défenseurs
intransigeants de la démocratie républicaine libérale, ne devraient pas railler
le message du Premier ministre comme ils ont été plusieurs à le faire, de
François Bayrou à Jean Arthuis, eux qui, par le passé, ont eu au sein même de
l’UDF nombre de brebis galeuses, de Jacques Blanc (Languedoc-Roussillon) à
Charles Million (Rhône-Alpes) en passant par Charlie Baur (Picardie) ou
Jean-Pierre Soissons (Bourgogne) qui se sont alliées au Front national.
Entendez-moi bien, personne ne dit qu’il faut condamner à
perpétuité du sceau de l’infamie tous ceux qui ont été un jour où l’autre,
membres, sympathisants ou électeurs du FN.
Personne ne dit que ces personnes deviennent des pestiférés irrécupérables.
Mais, tout aussi clairement, tant qu’ils sont membres,
sympathisants ou électeurs de l’extrême-droite, les humanistes et les défenseurs
de la démocratie républicaine ont le devoir de dire et d’écrire que ceux qui
permettent au FN de se trouver là où il est et peut-être encore plus haut
demain, se trompent de chemin, qu’ils sont dans l’erreur, qu’ils représentent
un danger pour la France et qu’il faut donc les combattre politiquement parlant
sans répit.
Ou alors tout est relatif, tout est identique et personne
n’est responsable.
Si c’est le cas, il faut le dire mais cela ne sera jamais la
manière de voir du Centrisme.
Centristement votre.
Le Centriste