Une des mises en garde répétées d’Hervé Morin, de
Jean-Christophe Fromantin et de leurs amis respectifs avant, pendant et après
l’élection de Jean-Christophe Lagarde au poste de président de l’UDI a été de
dénoncer sa dangerosité sur la pérennité de la formation de centre-droit mais
aussi sur ce qu’est et doit être le Centre, pointant ses pratiques, selon eux
peu orthodoxes, voire de voyou, mais aussi une parole qui souvent dérape.
Quelques mois après son intronisation, certains éléments du
discours et des actes de Lagarde laissent penser qu’ils n’avaient pas tout à
fait tort.
L’impression que donne le président de l’UDI est double.
D’une part, celle d’une volonté d’imposer l’UDI et sa
personne dans le débat politique à tout prix.
Voilà qui n’est pas négatif si l’on pense que le parti a un
très important déficit de crédibilité dans l’opinion publique et que lui-même a
un déficit de notoriété encore plus important.
Sans oublier que le Centre est aujourd’hui incarné, pour la
plupart des gens, par François Bayrou, président du Mouvement démocrate, mais
par aucune personnalité de l’UDI depuis la retraite politique de Jean-Louis
Borloo, comme vient de le rappeler un sondage sur les personnalités qui
feraient un «bon président» où Lagarde, certes apparaît mais dans les derniers
du classement.
Dans cette optique, l’opposition frontale face à
l’extrême-droite et au FN permet de positionner l’UDI comme la formation la
plus pugnace contre leurs thèses et de donner de la visibilité médiatique à son
président, le tout dans une légitimité sur le combat contre l’extrême-droite
qui ne souffre aucune discussion.
Et puis, bousculer par une agressivité au bon sens du terme
les situations acquises, tant à droite qu’à gauche qu’à l’intérieur même des
partis centristes où certains notables locaux ont tout verrouillé au mépris de
toute dynamique, est salutaire.
D’autre part, celle d’un homme qui est dans la surenchère
systématique et dans la réaction virulente plutôt que dans l’échange
d’arguments.
Après son élection à la tête de l’UDI, on pensait qu’il
adopterait un profil plus consensuel que celui qu’on lui connaissait depuis des
années à l’UDF puis au Nouveau centre et enfin à l’UDI et qui a poussé beaucoup
de dirigeants de cette dernière à soutenir Hervé Morin pour la présidence de la
formation de centre-droit.
Pas du tout. A plusieurs occasions, Jean-Christophe Lagarde
a sur-réagi à une situation ou à une critique, faisant écho à ses humeurs
dénoncées par ses opposants ainsi qu’à son surnom de «Sarkozy du 9-3»,
«compliment» donné, entre autres, par ses «amis» (critiques) UMP du
département...
Ce fut le cas, dès sa prise de fonction de président de
l’UDI, lorsqu’il a traité sans aucune preuve de «menteur» le secrétaire général
de l’Elysée, Jean-Pierre Jouyet, lors de la polémique sur les propos tenus par
François Fillon à l’encontre de Nicolas Sarkozy, une charge qui n’avait
strictement aucun intérêt politique, ni pour lui, ni pour l’UDI, ni pour le
Centre – il suffisait qu'il dise qu'il s'agissait d'une histoire entre le PS et l'UMP – mais qui semblait être un acte d’autorité (pour s’imposer) et de reconnaissance (pour exister).
Cela a été le cas sur la loi Macron qu’il a critiqué sans
cesse et sans nuance alors qu’elle contenait, aux dires mêmes de plusieurs
membres éminents de son parti, nombre de mesures positives que prônent, en
plus, les centristes
Bien avant même de pouvoir savoir si la loi était amendable,
il a déclaré qu’il ne la voterait pas quoiqu’il arrive.
Une posture d’opposition systématique qui le renvoie à son
statut de second couteau qu’il a connu et qu’il a détesté de l’UDF à l’UDI et
qui le faisait ruer dans les brancards plus que de nécessité.
Cela vient, à nouveau, d’être le cas sur le conflit en Syrie
à propos de la visite d’un sénateur de son parti à Damas pour rencontrer Bachar
Al-Assad.
Dans le dernier cas, non seulement, il a légitimé le voyage
de François Zocchetto (en accord avec les sympathisants de son parti selon un
sondage) en expliquant même qu’il faudra un jour reparler avec le dictateur
syrien.
Mais, afin de contrer les critiques qui se sont multipliées
sur cette visite à un boucher sanguinaire, il en a rajouté plus que de mesure
en en profitant, comme l’ont noté les médias, à être le seul représentant d’un
parti républicain à critiquer la conduite de la guerre contre Daesh (ou
organisation de l’état islamique) et d’attaquer François Hollande directement
pour sa soi-disant incohérence dans sa position dans ce conflit.
Si ses efforts pour donner une exposition à l’UDI et à son
président doivent être salués, sa technique du bulldozer qui tire sur tout ce
qui bouge pour faire le buzz ou pour avoir un diplôme de bon opposant ou encore
pour être continuellement dans le rapport de force peut avoir, in fine, l’effet
inverse de celui recherché.
Car Jean-Christophe Lagarde n’est pas là pour séduire les
électeurs de la droite radicale et extrême et encore moins leurs militants.
Sa base, ce sont des électeurs qui refusent le plus souvent
une vision d’opposition basique, un manichéisme partisan et l’absence de
nuances, même s’ils sont de droite modérée et dont il doit s’attacher les votes
en montrant son sérieux et sa responsabilité.
Aujourd’hui, peut-être, nombre d’entre eux sont séduits par
un discours vigoureux qui permet au Centre de se faire – parfois – entendre.
Mais plus il sera martelé, avec les dérapages inéluctables
qu’il comporte, plus il sèmera le doute chez les Français et, surtout, les
sympathisants centristes.
Plus il continuera à adopter la stratégie médiatique d’un
Sarkozy, plus il brouillera le message du Centre.
A ce moment là, si Jean-Christophe Lagarde n’a pas changé de
style, forme et contenu compris, alors oui, il peut devenir dangereux pour
l’UDI et le Centre, ouvrant, par ailleurs, un boulevard à François Bayrou qui n’en
demande pas tant mais qui connaît bien l’homme.
Espérons qu’il saura cultiver ses qualités et corriger ses
défauts pour être un digne représentant du Centre.
Il pourrait prendre exemple sur Yves Jégo, candidat
malheureux à la présidence de l’UDI, dont les déclarations sont souvent justes
«centristement» parlant ces dernières semaines, lui qui fut un inconditionnel
de Sarkozy…
Et ça tombe plutôt bien puisque Jégo et Lagarde sont alliés
au sein de la majorité qui gouverne l’UDI.