Dans cette rubrique, nous publions les
points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement
ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire
progresser la pensée centriste.
Jean-François Borrou est le pseudonyme
d’un journaliste proche des idées centristes et qui collabore épisodiquement à
cette rubrique. Ses propos sont les siens et non ceux du CREC.
Il parait que les quatre parlementaires, dont le président
du groupe centriste au Sénat, François Zocchetto, qui viennent de se rendre en
Syrie pour rencontrer Bachar al-Assad, le dictateur et le boucher de son propre
peuple, avaient besoin d’information sur le régime assassin de père en fils mis
en place par le clan Assad.
C’est en tout ce qu’ils ont déclaré en cœur pour justifier
leur voyage de Damas comme d’autres justifièrent, en leur temps, le leur à
Berlin.
Et c’est la même justification qu’ont reprise
Jean-Christophe Lagarde, président de l’UDI et Hervé Morin, ancien candidat à
la présidence dudit parti et ancien ministre de la Défense (pour ceux qui
auraient oublié son passage transparent à la tête de ce ministère), pour
expliquer la présence de leur ami Zocchetto à cette sympathique rencontre entre
des élus d’une république démocratique et des dirigeants d’une des pires dictatures
héréditaires.
«Ils ont le droit de s’informer sur la situation en Syrie» a
dit Morin.
«Il faudra reparler à ce régime» a affirmé Lagarde, tout en
indiquant qu’aucune action disciplinaire ne sera prise à l’encontre de François
Zocchetto.
Celui-ci, d’ailleurs, assume complètement ce voyage.
A la question posée par le quotidien Ouest France de savoir
si cela ne l’avait pas gêné d’avoir serré une main dégoulinant de sang
d’hommes, de femmes mais aussi d’enfants, voici sa réponse dont je laisse le
lecteur juge: «J’invite ceux qui sont sur cette posture qui consiste à dire aucune
relation, autrement dit à se laver les mains un peu vite de beaucoup de choses,
à réfléchir. Cette posture met tout le monde dans une impasse».
Du charabia pour justifier l’injustifiable.
Pire, monsieur Zocchetto fait de l’humour sans le vouloir
quand il précise avoir abordé la question des droits de l’homme avec monsieur Assad.
Quel courage François.
Quant au pauvre Bachar, il n’a pas du en dormir de la nuit.
Or donc, comme ces quatre parlementaires nécessiteux – dont
notre centriste précité – n’ont pas les moyens de se payer un téléviseur,
d’acheter les journaux, de se connecter à internet ou de parler à des réfugiés
syriens en France, comme ils n’ont manifestement pas accès aux rapports
gouvernementaux et des ONG sur la situation dans ce pays, voilà quelques
informations qui leur seront, espérons-le, utiles et éviteront qu’ils retournent
discuter avec leur ami de Damas.
La guerre menée contre son peuple par ce dernier (qui a
permis par la suite aux terroristes islamiques, dont ceux de Daech, de
s’implanter dans un pays ravagé par un régime qui a pu durer grâce notamment, à
l’aide de Vladimir Poutine, autre grand démocrate qui est soutenu par nombre de
parlementaires français) a fait selon des estimations sérieuses plus de 200.000
morts.
On estime que 11.000 détenus des tristement célèbres geôles
syriennes ont été assassinés. La plupart de ceux-ci étaient jeunes et leurs
corps portaient souvent des traces de tortures et de privations. Certains
avaient eu les yeux arrachés, d'autres portaient des traces de strangulation ou
d'électrocution
En janvier 2014, l'ONG mondialement reconnue, Human Rights
Watch publiait un rapport détaillé qui démontrait que le gouvernement d’Assad avait
fait raser sept districts rebelles dans les villes de Damas et d'Hama, sur une
surface correspondant à 200 terrains de football.
En février 2012, l’UNICEF estimait que plus de 500 enfants avaient
été tués et que 400 autres avaient été arrêtés et torturés dans les prisons
syriennes
En juin 2012, l'ONU dénonçait le gouvernement syrien comme étant
«l'un des pires» sur sa liste annuelle «de la honte».
L’ONU, toujours elle, dans un rapport consacré aux enfants
dans les conflits armés, affirmaient que les soldats d’Assad avaient «torturé
et exécuté sommairement des enfants», et s’étaient «servis de certains d'entre
eux âgés d'à peine huit ans comme de ‘boucliers humains’ au cours de leurs
opérations contre les rebelles».
En juillet 2012, une ONG, avait documenté plus de 100 cas de
viols et d'agressions sexuelles pendant le conflit. La plupart de ces crimes
étaient attribués aux milices loyalistes. Les victimes étaient des hommes, des
femmes et des enfants.
En novembre 2013, une autre ONG, dans un rapport sur la violence
contre les femmes dans le conflit syrien, estimait que près de 6.000 femmes
avaient été victimes de viols (y compris de viols collectifs) depuis le début
du conflit.
Sans parler de l’utilisation des armes chimiques contre des
femmes et des enfants.
Tous ces chiffres sont probablement plus élevés, un grand
nombre de cas ne faisant pas l'objet de déclaration ou ne pouvant être connus.
Je m’arrête là pour ne pas tomber dans le sordide à outrance.
Si ces informations ne sont pas suffisantes à nos quatre
parlementaires en service auto-commandé, il convient vite d’organiser une
collecte pour leur permettre d’acquérir les outils nécessaires pour s’informer
correctement tout en gardant leur dignité et en leur évitant, à l’avenir, le
ridicule affligeant de leur initiative pitoyable.
On comprend entre les lignes que ces parlementaires et
d’autres personnes en France, dont les dirigeants du Front national, ont une
certaine sympathie pour Assad, comme ils en avaient pour son père – Hafez
el-Assad – qui a bien éduqué son fils, lui qui fit des massacres à la pelle
pendant sa dictature.
Tous ces gens n’avaient en réalité jamais accepté les
sanctions contre son régime et ont pris comme prétexte la montée terrifiante et
tout autant condamnable humainement de Daech et de ses assassins imbéciles pour
tenter de redonner légitimité et respectabilité à Assad.
De même, du fait qu’il «protège» les chrétiens de Syrie de
plus en plus pourchassés et massacrés par ces islamistes illuminés, il serait
une sorte de sauveur du christianisme oriental (comme les mêmes l’ont dit à
l’époque pour le dictateur d’Irak, Saddam Hussein).
Que ces parlementaires en soient réduits à faire la
promotion d’un assassin pour combattre d’autres assassins est assez pathétique.
Même si l’on estime que la menace la plus grande et la plus
urgente à régler aujourd’hui est celle de Daech et qu’il faut l’éradiquer le
plus vite possible, comment oser s’afficher avec un homme qui serait condamné
sans l’ombre d’un doute par n’importe quel tribunal pénal international à la
prison à vie pour crimes contre l’humanité.
Par ailleurs, Jean-Christophe Cambadélis, le premier
secrétaire du PS a décidé de sanctionner Gérard Bapt, le député socialiste qui
faisait partie du voyage.
Gageons que le président du groupe centriste au Sénat en fera
de même avec le sénateur-maire de Laval, Zocchetto.
Oups! Le président du groupe, c’est Zocchetto.
Ce qui rend encore plus irresponsable son voyage.
Une dernière chose: le Centrisme, pensée s’il en est de la
démocratie républicaine libérale et humaniste, ce n’est certainement pas de se
commettre avec des régimes où ces mots valent à ceux qui les prononcent une
mort certaine.
Jean-François Borrou