A voir et à entendre la joie des communistes («un vrai
bonheur» pour Pierre Laurent, secrétaire général du PC), des gauchistes («un
moment historique», «c’est admirable» pour Jean-Luc Mélenchon du Front de
gauche, «il faut comprendre la révolte grecque» pour Olivier Besancenot du NPA)
et des tenants de la gauche de la gauche («une très grande source d’espoir»
pour Benoit Hamon) après la victoire de Syriza – une coalition de partis
d’extrême-gauche ainsi que de déçus du Pasok, le parti socialiste dirigée par Alexis Tsipras – lors des
législatives grecques, mais aussi la satisfaction de l’extrême-droite de
Nicolas Dupont-Aignan («le bonheur en Grèce») à Jean-Marie Le Pen («même sens
que le combat que nous menons») en passant par Florian Philippot («belle
espérance»), on peut mesurer le problème populiste et extrémiste qui menace
l’Europe d’autant que la troisième formation désormais la plus importante au
Parlement d’Athènes est Aube dorée d’obédience nazie.
Et n’ayant pas obtenu la majorité absolue, Syriza devrait
s’allier à une formation de droite radicale nationaliste et anti-européenne,
les «Grecs indépendants».
La boucle est donc bouclée et voilà un moment bien
préoccupant pour les tenants d’une démocratie républicaine libérale que sont
les centristes.
Ainsi que pour les tenants d’une Europe unie et forte,
capable d’être une puissance économique et politique du XXI° siècle.
Bien évidemment, il faut relativiser cette victoire dans un
petit pays de l’Union européenne d’un peu moins de onze millions d’habitants et
qui vit au-dessus de ses moyens depuis son indépendance en 1822.
Néanmoins, la déferlante Syriza pose aussi la question de
savoir où en est la gauche française, notamment le Parti socialiste qui,
soi-disant, est en train de faire sa mue et de laisser ses oripeaux idéologiques
pour épouser le réel et s’essayer au réformisme pragmatique prôné par le
Centrisme.
Moins dithyrambiques que leurs amis communistes ou
d’extrême-gauche, les responsables socialistes, gênés aux entournures, ont cependant
salué la victoire d’une formation de gauche à l’image du premier secrétaire du
Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis («la victoire d’un parti de gauche
est toujours une bonne nouvelle pour le Parti socialiste»), du député Julien
Dray («l’ensemble de l’Europe devra entendre ce que dit le peuple grec») ou du
secrétaire national à l’Europe, Philip Cordery (qui «se félicite de la victoire
des forces de gauche en Grèce» ce qui est «une bonne nouvelle pour le peuple
grec»).
Car, au même moment, ironie de l’histoire, où une gauche
radicale populiste, démagogique et irresponsable connaît la victoire en Grèce,
le gouvernement de gauche en France présente au Parlement sa loi Macron, du nom
du ministre de l’économie, sensée démontrer le tournant social-libéral et donc
responsable du socialisme à la française incarné également et surtout par
Manuel Valls.
Une loi Macron qui veut libérer l’économie française de ses
carcans avec des mesures souvent intelligentes – même si elles ne vont pas
assez loin dans la réforme – pendant que le programme de Syriza, lui, tourne le
dos allègrement à la réalité en promettant de raser gratis comme au bon vieux
temps des 110 propositions de François Mitterrand en 1981.
En Grèce, le réveil sera sans doute aussi difficile voire
plus (la situation de la Grèce étant autrement plus dégradée) qu’il le fut en
France lorsque Mitterrand du prendre le tournant de la rigueur en 1983.
D’autant que le risque de la déception pourrait ouvrir une
voie royale à Aube dorée, le Parti nazi auprès duquel notre Front national semble
être bien timoré!
En France, il est
évident que les partis centristes ne peuvent s’allier de quelque manière que ce
soit à une gauche française à la mode «Syriza», archaïque, populiste,
démagogique, anti-européenne et antilibérale.
En revanche, ils peuvent trouver nombre de points communs à
une gauche «Macron-Valls».
Encore faut-il que cette ligne politique s’impose au PS, ce
qui n’est pas gagné pour l’instant, et que les compromis que Manuel Valls et
Emmanuel Macron vont devoir consentir à l’aile gauche de leur parti ne tuent
pas toutes les bonnes intentions qui se sont fait jour depuis un an.
C’est d’ailleurs à cette capacité de continuer sur la voie
de la réforme en refusant la facilité d’une fuite en avant que propose Syriza
qu’il sera possible aux centristes de discuter d’une alliance gouvernementale
éventuelle avec cette nouvelle gauche libérale française qui semble en train de
se constituer.
Car ce n’est pas le flou artistique centriste qui empêche
aujourd’hui des rapprochements et la constitution d’un axe central
Valls-Lagarde-Bayrou-Juppé mais bien les multiples adresses du Parti socialiste
où l’on tient des discours contradictoires dont certains sont totalement
antinomiques avec les valeurs et les principes du Centre.