Après les actes terroristes qui ont ensanglanté le pays, il
est réjouissant de voir pour les centristes qui ont toujours prôné le consensus
républicain et démocratique au-delà des différences politiques, que 78% des
Français, selon un sondage CSA (1) sont favorables à une union nationale pour
assurer la cohésion nationale.
Cependant, rien de très nouveau puisqu’il y a un peu moins
de deux ans, un sondage IFOP (2) donnait exactement les mêmes chiffres mais
pour des raisons plus économiques et sociales.
On peut en conclure que les Français sont à la recherche
d’une certaine unité face aux périls qu’ils sentent s’amonceler sur eux et qui
les angoissent.
Quoi de plus naturel que de vouloir s’unir pour affronter la
bourrasque.
Pour autant, doit-on souhaiter aujourd’hui la mise en place d’une
union nationale où tous les partis républicains se retrouveraient dans un même
gouvernement?
La réponse est non pour plusieurs raisons.
La première est que cette union républicaine laisserait la
voie libre aux partis extrémistes qui resteraient en-dehors et feraient donc
d’eux, mécaniquement, des recours au gouvernement uni mis en place.
D’autant que cela leur permettraient de critiquer sans
relâche et sans frein le pouvoir en place de manière encore plus démagogique et
populiste si cela est possible afin d’attirer vers eux tous les mécontents et
tous les déçus qui ne verraient plus que cette alternative pour s’opposer ou
croire en leurs promesses mensongères et leur ordre inquiétant.
La deuxième est que les dangers qui menacent actuellement le
pays, si sérieux soient-ils, ne sont pas de nature aussi extrême et gravissime
que cela nécessite une union nationale, dernier recours de la démocratie
républicaine face aux périls qui pourraient remettre en cause son existence à
court terme.
Cette démocratie républicaine doit continuer à vivre avec
ses règles tant que sa pérennité n’est pas menacée de façon radicale et qu’il
existe une possibilité, réelle et concrète, qu’elle puisse disparaître.
Que l’on comprenne bien: si demain c’était le cas – et rien
ne dit que cette éventualité ne surviendra pas – alors l’union nationale sera
une évidence et un devoir.
A l’heure actuelle c’est la cohésion sociale et le partage
des mêmes valeurs qui sont une exigence que les partis centristes réclament
depuis longtemps afin de faire vivre une démocratie républicaine apaisée et
donc plus capable de mener les réformes dont la France a besoin et d’assurer la
sécurité de tous.
C’est-à-dire d’un rassemblement démocratique responsable et
courageux où continue à vivre et à s’exprimer la pluralité des opinions, sel de
notre liberté.
De ce point de vue, les Français ont accompli un acte fort
en manifestant le week-end dernier dans toute la France par millions, tous
contre les barbares et pour la liberté de pensée, mais pas tous d’accord avec
la ligne éditoriale de Charlie hebdo mais dont ils veulent que ce magazine
puisse continuer à la suivre au nom du droit d’écrire et de dire ce que l’on
veut dans le cadre de lois démocratiques.
Evidemment, il y a eu ceux qui ont refusé de prendre part à
ces cortèges et l’on a vu fleurir sur internet toutes les attaques et les
insultes virulentes que l’on connait depuis longtemps, sachant que toutes ces
violences verbales, malheureusement, se transforment parfois en actes de
violence extrême.
Et puis l’on a vu, ces jours-ci, l’islam radical se dresser
contre la liberté d’expression et contre les valeurs occidentales, tout court
dans nombre de pays musulmans.
C’est le cas au Niger, où les enragés islamistes devrons
expliquer pourquoi ils ont brûlé des églises et des maisons de chrétiens alors
même que le Pape a rejoint leur camp en critiquant les nouvelles caricatures de
Charlie hebdo…
Et ceux du Pakistan devront nous dire pourquoi nous devrions
«respecter» leur croyance – c’est-à-dire y faire allégeance sans condition – puisqu’ils
ne respectent pas notre liberté et nous menacent de mort parce que nous
l’appliquons, ce que nous ne nous permettons pas de faire à propos de leur foi.
Et ceci est le dernier point, important, pour ne pas faire
dès à présent l’union nationale.
Quelque part ce serait donner la victoire à tous ces
illuminés et ces terroristes que de voir un pays comme la France renoncer au
débat démocratique normal face à leurs menaces.
Depuis l’indépendance des Etats-Unis en 1783, nombre de pays
ont mis en place des régimes démocratiques et républicains tout autour de la
planète parce qu’ils croient dans la liberté et dans l’humain.
Mais ils ont toujours su que l’humanisme qui préside à ces
régimes est fragile et doit être constamment protégé face à tous les périls qui
peuvent l’éliminer de la planète.
Ce fut le combat d’Abraham Lincoln lors de la Guerre de
sécession où, rappelons-le, à l’époque les Etats-Unis était le seul pays
démocratique du monde.
Ce combat ne s’est jamais terminé parce qu’il dépend de notre
volonté de le mener en portant sans cesse son étendard au-dessus des
intégrismes qui cherchent à nous asservir et nous soumettre.
Alors, oui, rassemblons-nous autour des valeurs de la
démocratie républicaine et faisons-la vivre comme elle le doit, dans la liberté,
dans la tolérance, dans la solidarité et dans le respect, dans tout ce qui est
l’humanisme universel.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC
(1) Sondage CSA réalisé du 13
au 14 janvier 2015 par internet auprès d’un échantillon de 963 personnes âgées
de 18 et plus représentatif de la population française / Méthode des quotas /
Marge d’erreur de 3 points
(2) Sondage IFOP réalisé du 26
au 27 avril 2013 par internet auprès d’un échantillon de 961 personnes âgées de
18 et plus représentatif de la population française / Méthode des quotas /
Marge d’erreur de 3 points