Trois sondages viennent de nous rappeler une double évidence.
François Bayrou est un des hommes politiques les plus
appréciés.
Mais il n’est toujours pas perçu comme un candidat crédible
pour gagner la présidentielle.
Ainsi, dans le dernier baromètre Paris Match, il est en
deuxième position derrière Alain Juppé avec 60% de bonnes opinions.
Mais dans les deux derniers sondages sur la prochaine
présidentielle il obtient 10,5% et 12% d’intentions de vote au premier tour et
serait éliminé, là où Alain Juppé obtient 29% et 31% et virerait en tête des
prétendants avant de l’emporter.
Le président du Mouvement démocrate suscite donc la
sympathie mais pas l’adhésion en tant que possible président de la république.
De ce point de vue, tous les sondages réalisés en 2012, lors
de la précédente présidentielle, montraient qu’une majorité de Français estimait
qu’il n’avait pas la stature d’un chef d’Etat.
De nombreuses raisons ont été avancées pour tenter d’expliquer
cet état de fait.
On peut en lister les principales.
D’abord, François Bayrou serait une sorte de vieux sage de
la politique qui dénoncerait ce qui va mal mais ne serait pas perçu comme
quelqu’un capable de gouverner un pays.
Ensuite, la faiblesse de ses soutiens avec un Mouvement
démocrate sans élus et sans véritables personnalités de premier plan qui
feraient en sorte que les Français, ne sachant pas avec qui il pourrait
gouverner, estimeraient son élection comme un coup dans l’eau ou, pire, comme
vecteur d’instabilité ou de cohabitation hasardeuse.
Sans oublier que l’espace centriste qu’il affirme
représenter et être le leader n’est constitué que de partis (MoDem et UDI)
assez faibles et ne faisant pas du Centre une des forces politiques
principales.
De plus, ils ne sont même pas alliés entre eux.
En outre, son projet politique et son programme électoral
seraient, si ce n’est inexistant en tout cas largement inconnus des Français.
Enfin, son expérience politique où il n’a été ministre que
de l’éducation et président d’un petit parti, jouerait contre sa crédibilité de
chef d’un pays majeur.
On peut, sans doute, ajouter une nouvelle raison, son
ralliement à la Droite après avoir voté pour la Gauche en 2012 et avoir voulu
gouverner avec elle sans y parvenir.
Tout ceci ne serait pas contrebalancé par la popularité de
certaines de ses positions comme la nécessité de gouverner avec des majorités
plus ouvertes ou pour une meilleure représentation des choix politiques des
Français.
La question est donc de savoir si François Bayrou pourra
inverser la tendance et gagner son pari de remporter la présidentielle.
Avant d’y répondre directement, il faut parler des deux
écueils qui se dressent sur sa route.
Le premier et le plus important est qu’il aurait du être l’homme
de la situation.
Ainsi, la montée du Front national, le recentrage d’une
partie de la Droite et d’une partie de la Gauche, de Juppé à Hollande en
passant par Valls, l’envie des Français de politiques consensuelles qui regrouperaient
autour de projets des hommes et des femmes venus d’horizons divers et ayant la
capacité de faire des compromis pour le bien du pays, tout cela aurait du le
favoriser.
Pourtant c’est Alain Juppé qui en est le principal
bénéficiaire.
Et on peut même dire le seul puisque François Bayrou n’est
même pas considéré un «Juppé de remplacement».
Tous les sondages montrent qu’il ne récupère absolument pas
l’électorat de Juppé si celui-ci n’était pas candidat.
Le deuxième est qu’il est toujours dans la même situation
que lors de ses précédentes tentatives élyséennes et plus particulièrement dans
celle de 2012.
Ainsi, il plafonne autour des 10-12% d’intentions de vote et
aucun signe actuellement ne montre qu’il a changé de statut auprès de l’opinion.
Il garde, certes, un électorat centriste fidèle qui le suit
à chaque élection mais il ne parvient pas à mordre sur d’autres électorats,
tant à droite qu’à gauche.
Dès lors, il est peut-être possible qu’il puisse devancer
soit Nicolas Sarkozy, soit François Hollande au premier tour (sachant qu’il ne
pourra pas devancer Marine Le Pen en l’état actuel des sondages) mais
certainement pas les deux.
S’il mord sur l’électorat de Nicolas Sarkozy, il est peu
probable qu’’il puisse faire de même avec celui de François Hollande et
inversement.
Aujourd’hui, il est en quatrième position et tout indique qu’il
devrait y rester mais qu’il possède malgré tout une chance de passer en
troisième mais pas en deuxième.
Pour autant, François Bayrou a encore un an et demi pour
tenter de crédibiliser sa candidature, d’inverser la tendance et de mettre au
point une stratégie gagnante.
Il est sûr que cette candidature pourrait trouver une
dynamique comme en 2007 si les médias le suivent comme ce fut le cas à l’époque
mais aussi la société civile et s’il parvient à construire une coalition assez
large autour de sa personne, ce qu’il n’a pas réussi lors de ses précédentes
tentatives.
Pour cela, il faudrait qu’il devienne le pivot
incontournable de l’axe central qui se dessine de plus en plus clairement dans
le paysage politique français.
Si les soutiens d’Alain Juppé (s’il n’est pas lui-même
candidat) ou de Manuel Valls sont très hypothétiques, François Bayrou pourrait
espérer ceux de personnalités comme Jean-Pierre Raffarin ou Emmanuel Macron,
par exemple.
Cependant, s’il veut réussir dans son entreprise, il doit
absolument avoir derrière lui l’UDI.
Non pas pour sa force électorale limitée mais pour démontrer
qu’il est d’abord capable de réunir sa propre famille politique.
Une entreprise qui ne sera pas des plus aisées.
En conclusion, les chances de François Bayrou sont aujourd’hui
faibles mais une élection présidentielle n’est jamais gagnée ou perdue d’avance.
De même, ce ne sont pas toujours, loin de là, les favoris
qui les gagnent.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
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