Quand Nicolas Sarkozy affirme qu’il n’est pas immoral de
voter pour le Front national et que cela lui permet, à la fois, de faire un
clin d’œil aux électeurs qui mettent un bulletin d’extrême-droite dans l’urne
et de poser une équation scélérate FN = PS (donc PS = FN), il se trompe, une
nouvelle fois, de débat.
Non pas que la question morale soit absente de la politique,
bien au contraire, elle a été au cœur du débat philosophique depuis l’antiquité.
En schématisant, elle est au fondement des réflexions en la
matière de Platon et d'Aristote qui estiment qu’il faut une pratique et un but
moraux dans le gouvernement de la cité alors que Machiavel sera un de ceux qui
affirmeront que bien gouverner c’est tout sacrifier à l’objectif, donc, entre
autres, la morale qui nuirait à l’efficacité recherchée.
Mais, en l’occurrence, voter pour le FN n’est pas une
question de moralité ou d’immoralité, ni même se savoir si ce parti devrait
être interdit parce que non républicain ou démocratique (il ne prône pas
ouvertement la violence pour détruire la république et ne commet pas d’actes
terroristes), mais c’est une question de responsabilité et, en l’espèce, d’irresponsabilité,
qui n’est pas moins essentielle, notamment pour le Centre et le Centrisme.
On comprend bien que Nicolas Sarkozy ne veuille pas parler d’irresponsabilité
à propos du vote du Front national, lui qui courtise les électeurs du clan Le
Pen et de ses affidés.
Tout comme d’ailleurs la plupart du personnel politique qui
préfère rejeter la faute (politique) du vote FN sur le parti d’extrême-droite
et l’immoralité de ses positions permettant ainsi cet extraordinaire mystification
de dédouaner les électeurs de leur choix.
Car, soyons clairs, sans électeurs le FN n’existerait pas ou
serait un petit groupuscule sans importance.
En démocratie, c’est bien le bulletin de vote qui légitime l’existence
d’un parti politique.
Dès lors, celui qui en choisit un FN lors d’un scrutin porte
la responsabilité de faire exister ce parti et – avec tous les autres qui font
pareil et qui sont de plus en plus nombreux – de le faire progresser.
En cela leur vote est irresponsable parce qu’il est une
attaque directe contre les valeurs de la démocratie républicaine.
Mais il est aussi irresponsable, comme l’est le vote pour l’extrême-gauche,
parce que les propositions du FN en matière économique, sociale, de politique
étrangère (notamment européenne), culturelle, sécuritaire, etc. sont
globalement dangereuses, non seulement, pour la démocratie républicaine mais
pour la France, sa puissance et son développement.
Quant à savoir s’il est moral, il faudrait demander à chaque
électeur du Front national, quelles ont été ses raisons personnelles vis-à-vis
de la moralité, sachant qu’un acte immoral, comme l’explique le philosophe Eric
Blondel, est celui qui est réalisé contrairement à la morale établie ou à la
morale de celui qui l’accomplit et qui fait que ce dernier se conduit mal,
fait le mal ou fait du mal.
Alors oui, monsieur Sarkozy, voter FN n’est pas immoral dans
son principe, c’est irresponsable.
Mais c’est une faute de votre part d’avoir fait entrer la
question morale dans la qualification de ce vote en dédouanant ainsi ceux
qui font la force du parti d’extrême-droite, ses électeurs.
En leur envoyant un signe irresponsable.
Car, si leur vote n’est pas immoral, vous lui donnez donc l’appellation
de «moral» (je ne pense pas que vous voudriez le qualifier d’amoral!), vous
faites en sorte de lui donner une fausse légitimité en ayant évité d’appeler un
chat un chat.
Voilà de la politique politicienne que les centristes ont
raison de dénoncer.
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