2015 sera-t-elle l’année transitoire où les partis
centristes se sont plus ou moins organisés en vue de la bataille de la
présidentielle et de celles des législatives de 2017 mais qui vont débuter dès
2016 avec cette accélération désormais inévitable du calendrier électoral dans
une démocratie médiatique comme la nôtre?
Peut-être bien.
Cependant, 2015 pourrait également être cette année
transitoire entre un Centre divisé en deux partis qui ne se sont pas beaucoup
parlés, c’est un euphémisme, et une possible implosion de l’UDI, pour de
multiples raisons qui tiennent à son existence même mais plus particulièrement à
propos de son positionnement face à la primaire de LR (Les républicains) et de
son alliance «naturelle» avec la Droite.
Non que celle-ci soit remise en cause mais le degré de
dépendance de la formation dirigée par Jean-Christophe Lagarde est un sujet de
débat et d’opposition entre ses leaders.
► Les centristes et les
attentats parisiens: résistance face à la barbarie
La France et Paris en particulier ont été l’objet de deux
attaques sanglantes de la part des islamistes.
Les lâches assassins qui ont tué des innocents et des journalistes
qui ne faisaient qu’exercer leur liberté de parole, ont frappé Charlie hebdo et
un supermarché casher en janvier, le quartier de la République et la salle de
concert du Bataclan en décembre.
Ils ont été téléguidés par Al Qaida et Daesh qui ont fait de
la France et de sa capitale, des cibles privilégiées pour tout ce qu’elles
représentent pour la démocratie, la république, la liberté et la laïcité dans
le monde, tout ce qui est cœur du projet du Centrisme.
C’est pour cela que, comme tous les Français, les centristes
ont réagi avec indignation et dignité, touchés au plus profond de leurs
convictions politiques mais aussi d’humanistes.
Lire aussi:
► Les partis centristes
et les élections: le piège de Nicolas Sarkozy
En 2015, pour toutes les élections, la Droite et le Centre
ont été alliés.
Ainsi pour les deux grands rendez-vous, les départementales
(22 et 29 mars) et les régionales (6 et 13 décembre).
Les victoires électorales enregistrées lors de celles-ci par
l’union entre LR (UMP en début de 2015), l’UDI et le MoDem ont permis aux
centristes de (re)constituer un tissu d’élus locaux fort important pour leurs
finances et leurs capacités électorales futures et sont, de ce point de vue, un
succès pour leur camp.
Ainsi, Jean Christophe Lagarde a pu affirmer, après les
départementales, que l’UDI était devenu le troisième parti de France en termes
d’élus, ce qui est vrai mais ne reflète évidemment pas le réel rapport de force
politique qui a plutôt consacré un tripartisme, LR, PS et FN.
De même, des accords particulièrement favorables négociés
entre Nicolas Sarkozy et Jean-Christophe Lagarde pour les régionales (c’était
nettement moins vrai aux départementales où seuls 10% des cantons avaient un
candidat d’union centriste) ont montré que si les centristes avaient besoin des
droitistes pour avoir des élus, les droitistes ne pouvaient l’emporter face à
la montée de l’extrême-droite et à la capacité plus ou moins grande de
résistance de la Gauche qu’avec les centristes.
Il s’agit donc bien d’une alliance gagnant-gagnant.
Néanmoins, on voit bien que les formations centristes n’ont
pas bénéficié à plein de l’union avec la Droite puisqu’aux régionales sur les
trois présidences de région «offertes» à l’UDI, celle-ci n’a été capable que
d’en gagner une alors que les deux autres auraient du logiquement être perdues
par la Gauche.
Ce qui a permis, d’ailleurs, à la droite de LR de reposer la
question de l’intérêt des «cadeaux» qu’avait fait Nicolas Sarkozy aux
centristes afin de se les attacher dès le premier tour de la présidentielle de
2017.
Mais il est fort possible que cette prévenance à l’égard des
centristes n’avait rien à voir avec une quelconque générosité, terme peu en
vogue dans le monde politique et en matière électorale...
En montrant, lors d’élections régionales de peu
d’importance, que les centristes – qui auraient du y aller seuls du fait même
de la proportionnelle, eux qui la réclament à cor et à cri pour les
législatives afin de ne pas être contraints à des alliances – permettaient de
faire barrage au FN tout en gagnant des sièges, Nicolas Sarkozy a voulu les
piéger pour les futures scrutins autrement plus essentiels.
Car il va être difficile, dorénavant à l’UDI de jouer la
carte de l’indépendance au risque de faire perdre à la Droite la présidentielle
et de se retrouver avec quelques députés après les législatives.
Pour le MoDem, la question est différente puisque l’existence
du parti est essentiellement basée sur l’ambition présidentielle de François
Bayrou et que ce dernier sera candidat si Nicolas Sarkozy est celui de LR, quoi
que puisse faire ce dernier en représailles.
Lire aussi:
► Les présidentielles
de l’UDI et le challenge de Lagarde
Jean-Christophe Lagarde a tenté, tant bien que mal, d’évacuer
le plus longtemps possible la question d’une candidature indépendante de l’UDI
à la présidentielle.
Il est ainsi parvenu à repousser le débat pour 2016 en
organisant un congrès extraordinaire pour la trancher en mars prochain.
Mais, à l’évidence, cette possible candidature a déjà créé
des tensions très fortes dans le parti et la décision quelle qu’elle soit pourrait
aboutir à l’implosion de l’UDI, une éventualité qui n’est pas exclue par
certains leaders de la formation centriste.
Tout au long de l’année 2015, alors que Lagarde parvenait
avec un certain succès à consolider son pouvoir de président après les
élections internes de 2014, la question de la candidature UDI face à la
candidature unique de la Droite et du Centre dès le premier tour de la
présidentielle, a divisé profondément le parti.
Evidemment, on a retrouvé face à Jean-Christophe Lagarde,
supposé être plutôt en faveur d’une candidature, Hervé Morin, son principal
adversaire, ainsi que François Sauvadet et Philippe Vigier, tous deux défaits
lors des régionales, ainsi que plusieurs autres personnalités du parti,
totalement opposés à ce que l’UDI se présente à la présidentielle et qui ont
voulu que le parti se range derrière LR dès le début de 2015.
Du côté des militants, une majorité d’entre eux semble
pencher en faveur d’une candidature, ce qui paraît normal tant la présence à
une présidentielle est importante pour une formation politique et son statut
auprès de l’opinion.
A noter que Laurent Hénart, allié de Lagarde, et président
du Parti radical, une des composantes de l’UDI, a farouchement défendu la
candidature indépendante de l’UDI et a pressé le président de la confédération
de se présenter.
Rappelons que le Parti radical a été, avec son président d’alors,
Jean-Louis Borloo, le créateur de l’UDI.
La volonté était, en quittant l’UMP où le Parti radical
était un parti associé, d’acquérir une indépendance que l’absence de candidature
à la présidence en 2017 remettrait en cause ou, en tout cas, amoindrirait
grandement.
Lire aussi:
► Bayrou de plus en
plus proche d’une candidature en 2017
François Bayrou ne sera pas candidat si Alain Juppé l’est.
Au-delà d’une certaine proximité politique entre les deux
hommes, le leader du Mouvement démocrate sait lire un sondage et apprécier un
mouvement populaire.
Alors que, selon les sondages de fin 2015, il obtiendrait au
mieux 12% face à une candidature de Nicolas Sarkozy (et pourrait espérer ainsi créer
une éventuelle dynamique gagnante), il ne recueillerait que 6,5% face à celle
du maire de Bordeaux sans aucun espoir de susciter une appétence pour sa propre
candidature.
Injouable donc.
Mais François Bayrou ne croit toujours pas qu’Alain Juppé puisse
gagner la primaire de la Droite.
Il est donc en réserve de la République.
Et, dans le cas de figure où ce ne serait pas Juppé, il l’a
dit et redit tout au long de l’année 2015, il prendra ses responsabilités, donc
il sera candidat.
Au-delà de son envie de se présenter une quatrième fois
consécutive au premier tour, ce qui serait un record (Mitterrand et Chirac se
sont bien présentés quatre fois mais ils ont été élus à la troisième tentative
et réélus à la quatrième), le président du Mouvement démocrate croit dur comme
fer qu’il aurait une chance de l’emporter face à Nicolas Sarkozy, François
Hollande et Marine Le Pen, en arrivant devant les deux premiers nommés lors du
premier tour du fait du rejet de l’opinion publique pour leurs personnes et en
étant ainsi le candidat républicain qui l’emporterait sans nul doute au second
tour, les Français n’étant pas encore prêts à mettre à leur tête une
représentante de l’extrême-droite (et on eut espérer qu’ils ne le soient
jamais).
Lire aussi:
► L’indépendance des
partis centristes au défi de la réalité politique
Les partis centristes ont réussi cette gageure incroyable de
s’allier aux régionales avec LR sans s’allier ensemble, sans même négocier
ensemble avant de prendre langue avec le parti de droite.
C’est dire si l’unité centriste, célébrée en grande pompe
par Jean-Louis Borloo et François Bayrou en 2013 avec la création de
l’«organisation collaborative» L’Alternative n’était qu’une vaste fumisterie et
une simple alliance électorale pour glaner quelques sièges aux européennes.
Divisés, les centristes n’ont donc actuellement aucune
chance de regrouper l’espace centriste sous leur direction et de pouvoir peser
réellement sur le paysage politique autrement que comme force d’appoint, même
si cela leur donne un pouvoir bien plus grand que leur réelle puissance
politique.
Concrètement, ils sont donc contraints à des alliances pour
exister électoralement et avoir des élus.
C’est à droite toute que l’ensemble des composantes
centristes ont choisi de se positionner en 2015 avec une alliance avec LR, tant
pour l’UDI que pour le MoDem, à la fois aux départementales et aux régionales.
Tant François Bayrou que Jean-Christophe Lagarde ont remis à
plus tard, voire aux calendes grecques, leur ambition d’indépendance pour leur
formation (Bayrou n’ayant pas la même vision pour sa personne et sa présence à
la présidentielle de 2017).
La présence de François Bayrou et/ou de Jean-Christophe
Lagarde au premier tour de la présidentielle de 2017 pourraient changer la
donne mais leurs chances de succès étant limitées, il leur faudra aussi penser
aux législatives qui suivront.
Lire aussi:
► Où en est l’axe
central?
L’axe central, cette fameuse convergence de vue entre les
réformistes de droite, les libéraux sociaux du Centre et les sociaux-libéraux
de gauche, avance… en tout cas dans les déclarations de responsables politiques
ainsi que dans les médias.
Ce qui est déjà un niveau supérieur à celui de l’année 2014.
Réalité politique, allant d’Alain Juppé à Manuel Valls en
passant par François Bayrou, Jean-Christophe Lagarde ou Emmanuel Macron, que
plus personne ne nie désormais, cet axe n’est pas pour l’instant une réalité
partisane, ni électorale.
Mais elle existe dans la volonté des électeurs de voir
émerger un grand rassemblement allant de la droite modérée à la gauche modérée
en passant par les centristes, ce qui est essentiel pour sa possible existence
future, mais aussi dans celle de leaders politiques aux intentions plus ou
moins honnêtes.
Cependant aucun rapprochement concret n’a eu lieu jusqu’à
présent dans une structure quelconque ou lors des élections.
Néanmoins, il se pourrait bien, rétrospectivement, que
l’année 2015 aura été une année charnière pour une future recomposition du
paysage politique qui pourrait avoir lieu en 2017 entre le deuxième tour des
présidentielles et le premier tour des législatives en cas de victoire d’Alain
Juppé, par exemple.
Quoi qu’il en soit, la recomposition partisane serait un
bienfait pour la démocratie avec cette mise en place d’une tricoalition (droite
radicale, réformisme libéral et gauche radicale) qui correspondrait à de réels
clivages dans la conduite du pays et dans la vision de son avenir.
Lire aussi:
► La création de l’UDE:
l’écologie centriste, bis repetita?
Lorsque Jean-Louis Borloo crée l’UDI, il s’agit d’un parti
de centre-droit à la fibre écologique, ce qui correspond à ses convictions
politiques profondes.
Si, encore aujourd’hui, on trouve bien un blog du parti
dédié à l’écologie avec un programme plus ou moins détaillé, force est de
reconnaître que la formation dorénavant dirigée par Jean-Christophe Lagarde ne
s’est pas illustrée par un activisme écologique forcené, même lors de la CAP 21
qui s’est tenue à Paris à la fin de 2015.
La création de l’UDE (Union des démocrates et écologistes)
sera-t-elle de la même veine pu viendra-t-elle combler un vide?
Mise sur pied par des élus ayant quitté le Mouvement
démocrate mais surtout Europe-écologie-les-Verts en dénonçant sa dérive vers
l’extrême-gauche et les positions haineuses de Cécile Duflot pas encore remise
de son éviction du gouvernement, son positionnement politique se veut au
centre-gauche.
Ses leaders, François de Rugy, Jean-Vincent Placé et
Jean-Luc Bennahmias ont un coup à jouer même si les débuts de la formation ont
été quelque peu timides.
Lire aussi:
► Centriste de l’année:
Emmanuel Macron
Le centriste de l’année on le trouve… au Parti socialiste!
C’est évidemment Emmanuel Macron, l’homme qui se présente
comme un libéral assumé tendance de centre-gauche, qui est devenu une des
personnalités les plus populaires de la politique française et qui s’est mis en
tête de réformer la France dans un gouvernement de gauche avec un programme du
Centre.
Le fait qu’il n’est pas été viré du gouvernement malgré ses
nombreux «dérapages» qui enragent les tenants d’une gauche obscurantiste, en
dit long sur le soutien de François Hollande mais aussi de Manuel Valls même si
les médias ont beaucoup parlé de la concurrence entre le ministre de l’Economie
et le Premier ministre.
De leur côté, l’ensemble des centristes se sont trouvés
déstabilisés par les propos d’Emmanuel Macron et ont répondu par une boutade en
disant qu’il était le bienvenu chez eux.
Sans doute que ce dernier serait effectivement plus à sa
place dans une formation centriste, même avec sa fibre sociale affirmée, mais
il sera peut-être celui qui, avec Manuel Valls et François Hollande, permettra
enfin la modernisation de la Gauche de gouvernement et son ralliement au
principe de réalité chère aux centristes, ce qui pourrait ouvrir cette fameuse
recomposition politique aboutissant à la création de l’axe central.
Il sera intéressant de voir comment va évoluer le discours d’Emmanuel
Macron en 2016 et si sa popularité restera intacte.
Lire aussi:
► Autres événements
de 2015:
- Simone Veil, la personnalité politique préférée des
Français
- La démission de Jean-Christophe Fromantin de l’UDI
- La crise grecque divise les centristes français
Alexandre Vatimbella & Jean-Louis Pommery avec l’équipe
du CREC