Emmanuel Macron est encore un OPNO (Objet politique
non-identifiable et non un OPNI, Objet politique non-identifié), c’est-à-dire une personnalité qui se joue des cases dans lesquelles on veut l’enfermer
comme tous les autres acteurs de la vie politique.
L’homme se dit de gauche mais également libéral, attaché à
réduire les inégalités sociales mais encore plus à libérer les énergies
entrepreneuriales, contre tous les clientélismes et les corporatismes
déclenchant ainsi la furie de toutes les situations acquises tant à gauche qu’à
droite.
Sa dernière «opinion personnelle» est que les fonctionnaires
devraient être rémunérés au mérite.
En quelque sorte un homme du Centre sauf qu’il ne se
présente pas comme tel et qu’il demeure fidèle à un gouvernement de gauche,
dirigé par un premier ministre de gauche sous l’autorité d’un président de la
république de gauche.
Bien entendu, il fait partie de cet axe central qui va d’Alain
Juppé à Manuel Valls en passant par l’ensemble de la galaxie centriste et qui
regroupe tous les politiques responsables et réformistes, partisans d’une
politique humaniste et équilibrée avec évidemment des nuances dans leurs
positionnements respectifs les uns vis-à-vis des autres.
Et cet OPNO séduit les Français tant à gauche qu’à droite,
ayant les plus fortes progressions dans les baromètres de popularité, faisant
de lui une personnalité consensuelle et d’avenir.
Si les centristes, par la bouche de Jean-Christophe Lagarde,
président de l’UDI, l’ont invité à rejoindre leurs rangs, les droitistes le
regardent encore avec une sorte de fascination et une réelle inquiétude.
Car voilà un ministre de gauche qui tient un discours qu’ils
pourraient tenir, fait voter des mesures qu’ils pourraient proposer et montre
que l’archaïsme se trouve tant à Droite qu’à Gauche.
Pour l’instant, l’inquiétude est mesurée car Emmanuel Macron
ne représente pas encore une menace politique en tant que telle et il n’a pas
déclaré son intention de briguer un mandat électoral, ni le poste suprême du
gouvernement ou de la république.
Mais elle existe car comment contrer un ministre important
d’un gouvernement contre lequel vous vous opposez, avec lequel vous êtes très
souvent en accord alors même que les stratégies politiques de droite et de
gauche sont de créer continuellement du clivage, souvent artificiel, pour se
démarquer l’une de l’autre.
Reconnaître Macron serait reconnaître que tous les gens de
gauche ne sont pas des irresponsables qui conduisent le pays à la faillite.
Ce serait également reconnaître qu’il y a plus de proximité
entre une grande partie de LR et la frange modérée du PS qu’avec le FN, pas
très bon en matière électorale à quelques semaines des régionales et à un an et
demi de la présidentielle et des législatives.
Cependant, le critiquer ouvertement c’est prendre le risque
d’apparaître faire preuve d’incohérence, voire d’un esprit partisan étriqué, et
de ne pouvoir justifier cette posture.
Dès lors, c’est à un étrange ballet de la Droite que l’on
assiste autour de lui, fait, à la fois, d’approbation et prédiction qu’il
échouera, prédiction d’ailleurs plus proche d’un souhait.
Emmanuel Macron, de son côté, court le risque de voir son
entreprise ruinée par son utilisation par la Droite pour démontrer que la
Gauche rejette le ministre de l’Economie, justement parce que celui-ci tient
des propos pertinents et responsables tout en voulant réformer en profondeur la
société, qu’il est un incompris de son camp.
Son instrumentalisation comme arme contre son propre camp par
le camp adverse ne peut ainsi que renforcer mécaniquement à terme l’hostilité
qu’il rencontre à gauche, surtout à la gauche de la gauche, ce qui risque in
fine de paralyser son action, voire de le conduire à une «démission» plus ou
moins forcée du gouvernement.
Tuer politiquement Macron en le couvrant d’éloges c’est, en
quelque sorte, faire d’une pierre deux coups, éliminer ce gêneur et démontrer
l’impossibilité pour la Gauche de réformer son logiciel partisan…
Cette hypothèse commence à se vérifier de par les
commentaires qu’il suscite chez les leaders des partis mais également dans la
presse de droite.
Or, là où le ministre de l’Economie est aujourd’hui le plus
utile pour le pays, est dans sa capacité transformative de son camp, dans le
fait de lui démontrer que, non seulement, la résolution des problèmes passent
par une dose importante de libéralisme mais que, déjà, une grande partie de
l’électorat du PS partage ce point de vue.
Mais on comprend fort bien que, ni à Gauche, ni à Droite, on
voit d’un très bon œil sa popularité et encore moins son éventuelle réussite
qui profiterait au Centre.
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