Alors qu’il le pratiquait jusqu’à
présent sous formes d’apartés à tous ses interlocuteurs qu’il mettait dans la
confidence (sic), François Bayrou a fait, dans le magazine Valeurs Actuelles,
positionné à droite de la Droite, son coming-out pour la présidentielle de 2017.
En gros, il ne croit pas qu’Alain
Juppé pourra remporter la primaire de la Droite, d’ailleurs il lui a dit, et si
c’est le cas, il se présentera, par devoir, et il estime qu’il a une chance de
gagner.
On aperçoit bien toute la
mécanique mise au point pour préparer sa candidature.
Car, attendre la défaite de Juppé
à la primaire pour rendre crédible sa quatrième candidature, lui l’homme seul
(il se compare d’ailleurs, une nouvelle fois, au Général de Gaulle), est un
sérieux handicap quand on voit les principaux candidats pour 2017 être déjà
tous en campagne (Hollande, Le Pen, Sarkozy, Juppé, Fillon, Le Maire).
Il doit donc se déclarer sans se
déclarer!
Pour ce faire, il martèle à
nouveau qu’il soutient Alain Juppé, qu’il veut la victoire du maire de Bordeaux,
qu’il se rangera derrière lui et que rien ne viendra modifier cette allégeance.
Le fait de devoir le répéter si
souvent montre bien l’absence de crédibilité de ce serment dans l’opinion et
dans les médias.
Mais, voilà, explique-t-il pour
la énième fois, il pense qu’Alain Juppé a peu de chances de gagner (c’est
peut-être pourquoi personne ne le croit quand il affirme souhaiter que Juppé
l’emporte…).
Et que si c’est le cas, il serait
devant un dilemme impossible: pour qui voterait-il au premier tour en 2017?
Personne à part pour lui-même et
il déteste n’avoir aucun bulletin à mettre dans l’urne (même si on peut lui
conseiller le blanc pour lequel les centristes se battent depuis des années
pour qu’il soit reconnu comme un vote à prendre en compte!).
Donc, le voici «obligé» de se
présenter…
Pour se dédouaner de cette
annonce de candidature alors qu’Alain Juppé n’est pas encore éliminé, il confie
qu’il a conseillé à l’ancien premier ministre de Jacques Chirac de ne surtout
pas se présenter à la primaire qui n’est qu’un piège de Sarkozy qui va se
refermer sur lui.
Mais Alain Juppé ne l’a pas
écouté et y est allé.
Cette «faute» politique de son
«ami» lui permet d’envisager publiquement sa candidature.
En effet, il veut qu’on le
considère comme celui qui l’a averti, que celui-ci ne l’a pas écouté et que sa
défaite ne sera donc pas la sienne ou de sa faute.
Pour revenir à sa candidature, il
explique qu’il ira par devoir et non par envie.
Mais qu’on ne s’y trompe pas, il estime
avoir une chance de gagner (lui qui estimait déjà qu’il aurait du gagner en
2007).
Son analyse: Hollande et Sarkozy
se présenteront mais leur discrédit auprès de l’opinion permet l’émergence d’un
troisième homme qui ne peut être que lui.
Il les élimine donc au premier
tour et se retrouve face à Marine Le Pen au second tour et il la bat en étant
le candidat «républicain» face à la menace de l’extrême-droite comme un certain
Jacques Chirac face à Jean-Marie Le Pen en 2002.
Mais il estime aussi que même si
c’est Hollande ou Sarkozy au second tour, il a ses chances.
Comment? En récupérant
l’électorat d’Hollande s’il est face à Sarkozy, tellement celui-ci est un
épouvantail pour la Gauche et en récupérant l’électorat de Sarkozy s’il est
face à Hollande, tellement ce dernier est détesté par la Droite.
Quel que soit le cas de figure,
il serait donc le recours par dépit face à l’aversion des Français pour les
autres candidats…
Bien entendu, ce n’est guère
valorisant et on a connu victoires plus flamboyantes.
Surtout, cela a très peu à voir
avec les valeurs et les idées du Centre et du Centrisme.
Mais, Bayrou n’a pas vraiment
l’intention de se présenter comme un centriste mais plutôt comme la
réincarnation du Général de Gaulle.
Il parle ainsi de «l’impuissance
du Centre», de son «absence de caractère», d’une «tribu» qui, sans lui, «serait
morte».
Cet autosatisfaction, ce déni de
l’existence d’autres représentants du Centre qui, à l’inverse de son parti le
MoDem, sont dans des formations avec nombre de députés, de sénateurs et d’élus
locaux, démontre que l’homme n’a pas appris grand-chose de ses multiples échecs
depuis 1998 dont le principal a été, au-delà de ses défaites à répétition à la
présidentielle, d’avoir fait de l’UDF une coquille vide qui a perdu pendant sa
présidence une centaine de députés et fait revenir le Centre à ce qu’il était
avant 1978 sous la V° République, une force d’appoint.
Ce qui lui permet, en outre, de
se comparer au Général de Gaulle qui, de lui aussi, «on a dit qu’il était
seul».
A noter enfin que Bayrou, après
avoir courtisé pendant des années les électeurs de centre-gauche, fait
désormais les yeux doux aux militants de LR avec un compliment sur Sarkozy et
une attaque virulente contre Hollande.
Sans oublier cette phrase quelque peu sibylline: «Si Juppé
perd, des millions de gens m’auront vu différemment. Mon soutien me permet de
me réconcilier avec l’électorat de droite. Ils comprennent que j’étais en
avance sur mon temps».
A voir…
Toujours est-il que les propos de monsieur Bayrou sont
clairs à moins qu’ils tentent, une nouvelle fois, de changer la signification
des mots.
Quant à savoir si le Centre et le Centrisme ont quelque
chose à gagner dans cet exercice rhétorique, il est encore trop tôt pour y
répondre.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC
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