L’UMP a donc fixé les règles de sa future primaire qui lui
permettra de choisir son candidat à l’élection présidentielle de 2017.
Une primaire qui sera «ouverte» aux candidats centristes si
ceux-ci souhaitent y participer.
Cette annonce a déjà semé la zizanie chez les leaders du
Centre, François Bayrou se déclarant opposé à toute participation, Hervé Morin
y étant totalement favorable et Jean-Christophe bottant en touche, indiquant
que cette question serait traitée plus tard…
Au-delà des conditions «techniques» d’une candidature
(parrainage, représentativité, etc.), c’est des conditions politiques qu’il
convient de discuter pour savoir si les partis centristes doivent ou non s’y
associer comme le veulent ardemment tous les responsables de l’UMP.
On connait les raisons qui militent en faveur d’une
candidature commune de la Droite et du Centre en 2017 tellement elles sont
rabâchées du côté UMP et dans les médias.
D’abord, une meilleure efficacité dès le premier tour de la
présidentielle – puis aux législatives – qui éviterait la possible absence d’un
candidat de droite au second tour, devancé par celui du PS et du FN au cas où
les voix centristes viendraient à lui manquer (ce qui permettrait alors et par
ailleurs de faire porter aux centristes l’entière responsabilité de l’échec
d’une Droite incapable aujourd’hui d’être porteuse d’une véritable dynamique
politique).
Ensuite, une meilleure efficacité dans la mise au point d’un
programme électoral commun Droite-Centre en vue d’une victoire qui semble
inexorable puis d’un contrat de gouvernement qui s’appuierait sur ce programme.
Enfin, un jeu gagnant-gagnant puisque l’UMP hériterait de la
présidence de la république en tant que parti dominant de la coalition mais les
partis centristes, eux, auraient droit à des lots de consolation importants
avec l’élection de nombreux députés et des places de choix dans le gouvernement
qui serait formé après les victoires à la présidentielle et aux législatives.
Certes, ce n’est pas rien pour les partis centristes qui ne
semblent pas à l’heure actuelle capables de faire un score conséquent à la
présidentielle et qui devront nécessairement nouer des alliances aux
législatives pour le deuxième tour.
Mais de meilleures raisons militent pour que le Centre ne
participe pas à cette primaire et qu’il en ressorte, tout comme la France,
malgré tout, gagnant sur le moyen et le long terme.
La première est évidemment celle de l’identité centriste et
la deuxième, son corollaire, celle de son indépendance.
La participation des partis centristes à la primaire de
l’UMP (qui sera rebaptisée d’ici là «Les Républicains») est une perte, et de la
première et de la seconde.
Une perte d’identité puisque les candidats centristes, pour
avoir une chance d’emporter la primaire (ce qui semble une évidence s’ils se
présentent, sinon leur présence ne sert à rien d’autre qu’à servir la soupe à
l’UMP et à faire croire qu’il s’agit d’une primaire Droite-Centre, ce qu’elle
n’est pas en réalité), devront s’adresser à une population majoritairement de
droite, donc de présenter un programme électoral sensé la séduire et non véritablement
centriste qui n’aurait guère de chance de l’intéresser.
Une perte d’indépendance parce qu’en se présentant à cette
primaire, les partis centristes acceptent donc la perte d’identité dont on
vient de parler mais aussi de s’en remettre à un parti tiers pour
l’organisation de la désignation de leur candidat et de lier leur destin à
celui de l’UMP quoi qu’il arrive.
D’où un risque évident et important de vassalisation qui
embarquera les partis centristes dans un processus de satellisation pour les
cinq prochaines années après la présidentielle.
La troisième raison est l’existence même d’un espace centriste
au-delà des échéances de 2017.
En abandonnant son indépendance (et son identité), les
partis centristes réduisent de fait leur espace politique, tant en matière
programmatique qu’électorale.
Si voter pour le Centre revient au même que de voter pour la
Droite puisque le candidat sera évidemment de Droite vu la supériorité de l’UMP
dans cette alliance totalement déséquilibrée, alors les électeurs qui feront ce
choix se demanderont pourquoi continuer à voter pour les partis centristes
d’autant que ceux-ci auront adopté un programme commun avec le parti de droite
vainqueur.
Comment, en outre, affirmer sa spécificité, autrement que
par des rodomontades ridicules et sans aucun effet genre Radicaux de gauche
face au PS, alors que l’on a décidé librement de la mettre en retrait.
Mais cela ne serait pas aussi problématique s’il ne
s’agissait que de cuisine électorale.
Car, c’est la quatrième raison et sans doute la principale,
en abdiquant d’être un pôle politique indépendant, les partis centristes abdiquent
de présenter leur projet et leur programme aux Français lors du premier tour de
la présidentielle et de celui, par la suite, des législatives.
Ils affirment donc, dès le départ, que leurs différences et
leur originalité n’existent pas et, en tout cas, ne sont pas assez importantes
pour être soumises à l’appréciation des électeurs.
Rappelons-nous tout le mal que ce comportement a fait aux
centristes lors de l’élection de 1995 où certains soutinrent Chirac et d’autres
Balladur, deux hommes de droite, deux hommes de l’UMP.
Car, en V° République, ne pas présenter un candidat à la
présidentielle, élection-phare, que l’on s’en félicite ou qu’on le regrette,
est un aveu d’inexistence politique même si cela permet de se garantir des
postes futurs.
Mais l’engagement politique n’est pas un engagement pour ceux-ci
mais pour des idées.
Si les centristes décident, dès le départ, de ne pas se
battre pour les leurs, alors à quoi servent-ils?
Bien sûr, ils prennent un risque mais celui-ci fait partie
du courage politique, essentiel à la démocratie qui, pour fonctionner
réellement, doit avoir le choix entre des projets politiques différents.
Tout cela n’empêche nullement les coalitions et les unions
pour le second tour.
Actuellement, il semble que celle qui concerne les partis
centristes se fera avec l’UMP.
Pourquoi pas?
Mais avant de s’allier avec un parti qui défend une vision
politique différente, même si elle a des proximités avec la vôtre, vous devez
aller au combat politique pour présenter cette dernière, la défendre et
convaincre les électeurs qu’elle est la bonne pour eux et pour le pays.
Quant à la crainte de voir un deuxième tour PS-FN, disons
tout de suite que les centristes doivent également avoir la même crainte qu’un
duel UMP-FN.
La démocratie perdra effectivement si l’extrême-droite se
retrouve qualifiée pour le second tour quelle que soit la configuration de
celui-ci.
Nous en sommes encore loin et, in fine, si la situation
politique fin 2016-début 2017 montrait que le FN était en capacité d’éliminer
le candidat de droite, il y aurait alors la possibilité pour l’UMP, l’UDI et le
Mouvement démocrate de s’assoir autour d’une table de négociation pour la
désignation d’un candidat commun et unique autour d’un véritable programme
électoral Droite-Centre.
Mais cette négociation n’aurait rien à voir avec l’abdication
des partis centristes à désigner leur(s) propre(s) candidat(s) et d’adopter
leur(s) propre(s) programme(s) en se fondant d’ores et déjà dans une primaire
UMP qui n’est pas la leur et ne sera jamais la leur.
Oui, à ce moment-là, ce sera une vraie négociation entre
partenaires indépendants et ayant gardé, chacun, leur dignité politique.
Et ça change tout pour les centristes et, surtout, pour le
Centrisme, ce pourquoi les partis centristes se battent… ou sont sensés se
battre!
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC
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