Depuis les élections
municipales de 2014 et, surtout, les élections départementales de 2015, la
pression de l’UMP pour que l’UDI se range à ses côtés dans toutes les élections
à venir s’est accentuée.
On comprend fort bien l’intérêt de l’UMP pour une alliance
électorale dès le premier tour qui devrait permettre aux candidats de la Droite
(et, subsidiairement, du Centre) d’arriver en tête devant ceux du PS et du FN,
en particulier à la présidentielle mais pas seulement.
De même, l’UMP a pu claironner après les départementales
qu’elle était la première formation politique devant le Front national,
oubliant fort opportunément son alliée dans la plupart des cantons, l’UDI, sans
qui cela n’aurait pas été le cas…
Il ne faut pas, non plus, minimiser l’intérêt pour l’UDI
d’une telle alliance.
Que ce soit aux municipales ou aux départementales, le parti
de centre-droit (ainsi que le Mouvement démocrate de François Bayrou) est
parvenu à avoir plus d’élus qu’il n’en aurait eu en allant seul à la bataille.
Dès lors, en terme d’élus (donc de postes pour ses membres),
l’UDI s’y retrouve même s’il faut ajouter que l’UMP a besoin des voix que la
première draine pour faire passer moult de ses candidats.
Néanmoins, en termes politiques, la balance d’une telle
alliance ne penche qu’en faveur de l’UMP, parti dominant, et ramène l’UDI à une
simple succursale du parti-grand-frère.
De plus, cette alliance a une limite, elle empêche la
progression de l’UDI au-delà d’un certain niveau qu’elle pourrait dépasser en
allant seule devant les électeurs.
Sans oublier qu’elle délégitime la candidature d’un de ses
membres à l’élection présidentielle.
La négociation houleuse qui a lieu en ce moment à propos des
régionales où l’UMP fait pression sur l’UDI pour avoir des listes communes
partout alors qu’il s’agit d’une élection à la proportionnelle qui permet de se
passer d’alliances est symptomatique de la volonté de la Droite de s’accaparer
le Centre en vue de 2017 avec quelques gratifications mineures à la clé.
La question est de savoir, au-delà des déclarations du
président de l’UDI, Jean-Christophe Lagarde, si l’UDI possède les capacités de
résister à l’UMP et à ses desiderata.
Il faut pour cela quatre éléments essentiels:
1) Premièrement, l’UDI
doit être unie.
On sait que l’UDI est une confédération de partis et il
n’est pas nécessaire pour qu’elle fasse front commun face à l’UMP qu’elle se
transforme en parti centralisé.
Il faut, «seulement», que ses leaders aillent dans le même
sens.
Or, aujourd’hui, ce n’est absolument pas le cas.
Les rivalités de personnes ainsi que les ambitions
personnelles et les attentes de maroquins ministériels après 2017 ont créé un
climat détestable à l’intérieur de la formation créée par Jean-Louis Borloo.
La haine entre Jean-Christophe Lagarde et Hervé Morin ne
s’est pas éteinte après l’élection du premier à la présidence ainsi que la
partition solo de Jean-Christophe Fromantin qui oublie souvent qu’il est
encarté dans un parti.
S’ajoutent à cela les ambitions d’un François Sauvadet, d’un
Maurice Leroy, d’un Yves Jégo, d’un Laurent Hénart et de quelques autres qui ne
sont d’accord sur presque rien et surtout pas sur la stratégie électorale.
Comment faire front commun quand, par exemple, Hervé Morin
déclare qu’en tant que président du Nouveau centre il ira discuter alliances
électorales avec Nicolas Sarkozy, court-circuitant ainsi Jean-Christophe
Lagarde, président de l’UDI, sous la tutelle de laquelle se trouve le Nouveau
centre?
Comment négocier sereinement quand François Sauvadet veut des
candidatures communes dès le premier tour partout avec l’UMP alors qu’Yves Jégo
veut partout des candidatures UDI?
Comment cimenter le parti quand Hervé Morin veut se
rapprocher de François Bayrou alors que Jean-Christophe Fromantin y est
totalement opposé?
Comment donner une direction politique au parti quand, lors
de la loi Macron, une partie des députés UDI voulait voter pour et une autre
voter contre?
2) Deuxièmement,
l’UDI doit avoir un projet qui la différencie de l’UMP
L’UDI n’a pas de projet politique, ce qui fait qu’il est
très difficile quelle est sa position sur telle ou telle question.
Elle n’est pas la seule formation dans ce cas mais, en tant
que nouvelle venue sur la scène politique (2012), elle doit dévoiler son
identité alors que celles du PS, de l’UMP ou du FN, par exemple, sont mieux
connues.
Dès lors, pour la population, l’UDI n’a pas de pensée
politique propre, ce qui permet de comparer, dans ce domaine, à l’UMP.
Il faut donc que, rapidement, l’UDI se dote d’un vrai projet
politique pour dire enfin ce qui la caractérise (ce qui permettrait aussi une
meilleure cohésion interne) et ce qui la différencie, ainsi, de l’UMP.
Non seulement cela lui donnerait du poids dans les
négociations en vue d’une alliance électorale et d’un contrat de gouvernement
mais une vraie personnalité pour progresser dans son indépendance.
3) Troisièmement:
l’UDI a besoin d’un leader capable et non contesté
Jean-Christophe Lagarde a été élu président de l’UDI et son
élection n’a été que très peu contestée qu’en à sa régularité.
Ce qui n’empêche pas ses anciens concurrents, Hervé Morin et
Jean-Christophe Fromantin, de lui dénier la légitimité nécessaire pour pouvoir
diriger dans un climat sain et de confiance la confédération.
Si Yves Jégo a décidé de se rallier à Lagarde (contre un
poste de vice-président), il n’en reste pas moins vrai que l’envie de sédition
qui anime Morin et Fromantin trouve aussi une part de ses raisons dans les agissements
du président actuel du parti.
Certaines de ses méthodes et de ses comportements ainsi
qu’une certaine nébuleuse sur son vrai programme (ou son programme, tout
court), concourent à permettre à ceux qui lui conteste la présidence
d’alimenter la controverse.
Et celle-ci se retrouve dans les médias où Lagarde est
souvent décrit comme un arriviste aux pratiques politiques peu orthodoxes,
voire proches de celles de Nicolas Sarkozy…
Pourtant, sur bien des points, le président de l’UDI a posé
des jalons intéressants.
Que ce soit sur une candidature pour la présidentielle de
2017, la critique sans concession du Front national, la demande d’une dose de
proportionnelle aux législatives, une volonté affichée de ne pas céder aux
diktats de l’UMP et quelques autres points, il a joué une petite musique
centriste que l’on peut saluer.
Evidemment, face à cela, ses sorties agressives contre tout
ce qui ne lui plaît pas (et qu’il assume), son opposition systématique sans
raison politique (comment, par exemple, justifier de refuser de voter une loi
qui va dans le bon sens, comme il le dit, même si elle n’est pas parfaite?),
ont troublé son image centriste.
Il lui faut donc encore peaufiner sa personnalité politique
et publique.
Mais cela ne lui sera pas d’une grande utilité si l’UDI
implose.
Il doit donc, dans le même temps, faire ce qu’il faut pour
réduire la contestation en privilégiant, d’abord, le consensus.
Car, en tant que président, il est responsable de l’unité du
parti qu’il dirige.
4) Une alliance
préférentielle avec le MoDem
Ce qui semble étrange à beaucoup, de prime abord, c’est que
l’UDI aille chercher son alliance de base avec l’UMP alors qu’elle devrait a
priori le faire avec l’autre formation centriste de l’échiquier politique, le
Mouvement démocrate présidé par François Bayrou.
Bien sûr, l’UDI et le MoDem se sont rapprochés et ont créé
une sorte de comité de liaison appelé L’Alternative et se sont présentés
ensemble aux élections européennes de 2014 et dans certaines villes aux
municipales de la même année ainsi que dans des cantons lors des
départementales de 2015.
Mais cela ne va pas plus loin.
Or l’intérêt évident de s’allier d’abord avec le Mouvement
démocrate est de pouvoir, ensuite, avoir un poids politique beaucoup plus important
en vue d’une alliance avec un partenaire autre que centriste.
Quand on parle d’alliance entre l’UDI et le MoDem, on ne
parle pas de fondre les deux partis en une seule entité, c’est aujourd’hui
impossible.
En revanche, les deux formations se situent clairement dans
l’opposition et ont nombre de visions communes même si l’UDI penche un peu plus
à droite et le MoDem un peu plus à gauche.
On sait bien que François Bayou ne souhaite pas se lier les
mains et les pieds avec l’UDI et que du côté de celle-ci il a de nombreux
opposants déterminés comme Jean-Christophe Fromantin ou François Sauvadet.
Néanmoins, une alliance autour d’un programme électoral est
loin d’être irréalisable si les bonnes volontés existent.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC