Le tripartisme qui se met en place lentement depuis 2002 et
la présence improbable de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle
n’est qu’une étape vers une recomposition plus profonde de l’échiquier
politique qui devrait, à terme, se décliner en une «tricoalition» Droite
(droite radicale et extrême-droite)-Centre (axe central avec sociaux-libéraux,
libéraux sociaux et libéraux réformistes)-Gauche (gauche radicale et
extrême-gauche).
La France, ici, ne ferait que se fondre dans ce mouvement
plus large qui touche la plupart des pays démocratiques, à des vitesses de
changement variables.
En Allemagne, sur les flancs de la coalition centriste
CDU-SPD, il y a Die Linke, le parti de la gauche radicale et désormais l’afD
(Alternative für Deutschland), parti de la droite radicale.
Au Royaume Uni, la recomposition est moins visible même si
face à la coalition conservateurs-libéraux, on trouve désormais l’UKIP, parti
de droite radicale voire d’extrême-droite mais, de l’autre côté, le Parti
travailliste est toujours scindé en deux avec un courant centre-gauche (souvent
plus à droite que les libéraux!) et un autre gauche-gauche.
Aux Etats-Unis, la droite radicale du Parti républicain fait
pendant à la gauche du Parti démocrate alors qu’un espace central existe qui
permet à Barack Obama d’avoir été élu à la Maison blanche et fait d’Hillary
Clinton la favorite pour la présidentielle 2016, tous deux étant centristes.
Et les excès des radicaux du Parti républicain, devraient,
tôt ou tard, amener les plus modérés de cette formation à se rapprocher des
modérés du Parti démocrate.
En Espagne, on assiste à l’émergence d’une gauche radicale
avec le parti Podemos mais aussi d’un Centre avec le parti Ciudadanos face aux
conservateurs du Parti populaire et à la gauche traditionnelle du PSOE, tous
deux en perte de vitesse.
Et ce ne sont que quelques exemples parmi d’autres.
Mais ne nous y trompons pas, l’alternative gauche-droite qui
a dominé la vie politique depuis le début de la V° République n’a jamais
consisté en un bipartisme.
Deux exemples.
Ainsi, en 1978 et en 1986, la victoire de la «droite» face à
la «gauche» est celle du RPR et de l’UDF face au PS et au PC.
En 1981, la victoire de la «gauche» sur la «droite» est
celle du PS et du PC sur le RPR et l’UDF.
Ce que montre la montée actuelle du FN, c’est la possibilité
d’un match à trois qui préfigure celui qui opposera les coalitions droite
radicale-extrême-droite, gauche modérée-centre-droite modérée, gauche
radicale-extrême-gauche.
Bien entendu, des inconnues subsistent pour savoir comment
le régime de la V° République peut s’adapter à cette recomposition du paysage
politique.
Prenons le cas où la coalition centrale occupe le siège de
président de la république et possède le plus d’élus à l’Assemblée nationale
sans avoir la majorité.
Elle pourrait alors être en charge des affaires même avec un
gouvernement minoritaire face à la coalition de droite et la coalition de
gauche même si des alliances ponctuelles entre ces deux extrêmes pourraient
avoir lieu sur certaines questions mais sans doute pas sur un contrat de
gouvernement qui leur permettrait d’être une alternative.
Reste que ce pourrait être les institutions qui seraient
amenées à changer face à cette nouvelle donne politique avec l’établissement d’une
proportionnelle intégrale ou d’une dose forte de celle-ci pour les législatives
et une prime à la coalition arrivée en tête afin qu’elle puisse gouverner en
disposant d’une majorité à l’Assemblée nationale comme cela se fait dans
certains pays déjà.
Quoi qu’il en soit, l’émergence de cette «tricoalition» en France
et dans d’autres pays devrait avoir lieu mais, surtout, elle est hautement
souhaitable.
Elle permettrait enfin de clarifier le débat politique au
moment où les pays démocratiques et républicains doivent faire face à des
enjeux capitaux pour leur avenir.
Et, sans doute, «débarrassées» de leurs alibis modérés et
responsables, la droite et la gauche radicales ainsi que leurs alliés extrémistes
montreraient finalement leurs irresponsabilités et leurs clientélismes qui
conduisent, petit à petit, la France dans la pente si dangereuse d’un populisme
qui n’a jamais donné rien de bon et qui se fracasse tôt ou tard contre le mur
indestructible des réalités.
Espérons que cette recomposition ne tardera pas trop.
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