- Barack Obama peut-il tenir son agenda centriste?
La fin de l’année 2014 a été pour le moins paradoxale pour
Barack Obama.
Premier acte, les démocrates perdent les élections de «midterm»
(mi-mandat, c’est-à-dire entre deux élections présidentielles) et se retrouvent
non seulement minoritaires à la Chambre des représentants, ce qu’ils étaient
déjà, mais aussi au Sénat où ils étaient majoritaires depuis 2006.
Et il semble bien que les électeurs aient voulu sanctionner
un président qu’ils sentent trop éloigné d’eux en votant pour les républicains
mais, beaucoup plus, en n’allant pas voter, la participation à ces élections
étant une des plus faibles jamais enregistrées aux Etats-Unis.
Deuxième acte, Barack Obama réagit immédiatement et décide
une de mener une offensive politique, lui qui n’a plus rien à perdre puisqu’il
n’est plus concerné par aucune élection avant la fin de son mandat en 2016.
Il prend ainsi une décision pour régulariser temporairement
des millions d’immigrants clandestins devant l’inertie du Congrès en la matière
principalement due aux républicains, il fait confirmer par le Sénat encore
démocrate des dizaines de hauts fonctionnaires dont les républicains bloquaient
la nomination et il entame un processus de normalisation des relations avec
Cuba après cinquante ans de brouille et d’embargo, à la grande fureur des
républicains de la droite radicale comme Marco Rubio, sans oublier un accord
sur la lutte contre la pollution avec la Chine qui énerve une grande partie des
républicains qui nient la réalité que la pollution soit due au réchauffement
climatique.
Et il parle d’agir tous azimuts, là où il aura le pouvoir de
le faire et il a cette capacité grâce aux pouvoirs qu’il tient de la Constitution,
tout en indiquant qu’il appliquera son veto à nombre de décisions que
pourraient prendre le Congrès dominé par les républicains (dont l’abrogation de
la loi sur l’assurance santé ou l’interdiction de l’avortement, par exemple),
ceux-ci n’ayant pas assez de voix pour contrer ce veto présidentiel.
Le volontarisme d’Obama semble payer puisque le voilà en
hausse dans les sondages d’opinion (48% des Américains approuvent son action
selon Gallup à la fin décembre 2014 alors qu’au début du mois ils étaient 41%)
et qu’il prend les républicains par surprise et surtout les met en porte-à-faux
vis-à-vis des Américains en disant en substance, «je suis obligé d’agir parce
que vous n’agissez pas, mais vous pouvez toujours prendre des décisions sur les
sujets dont je me suis occupé».
Dans le même temps, la croissance économique des Etats-Unis
demeure forte et le taux de chômage est le plus bas de 1999 et le boom
économique sous la présidence de Bill Clinton à 5,6% de la population active
(même si les salaires stagnent, un des grands reproches fait à Obama par les
Américains).
Dès lors, on peut se demander si Barack Obama ne va pas être
capable de réaliser un certain nombre de politiques qui lui tiennent à cœur et
tenir son agenda centriste alors que la plupart des commentateurs l’avaient
enterré définitivement après la défaite de novembre dernier, estimant que les
deux dernières années de sa présidence serait un calvaire pour lui.
Cet agenda contient la pérennisation de sa loi sur
l’assurance santé, une revalorisation des bas revenus et une fiscalité plus
juste en faveur des classes moyennes ainsi qu’une grande loi sur l’immigration,
toutes choses qui sont à sa portée.
En revanche, il lui sera sans doute difficile de faire
passer une loi sur le contrôle des ventes d’armes à feu.
En matière de politique étrangère, la lutte contre Isis (ou
Daesh), l’organisation de l’état islamique risque d’être de longue haleine et
ne pas donner des résultats probants avant que son successeur ne soit élu même
si un large consensus existe dans la classe politique pour lutter avec tous les
moyens possibles contre le terrorisme.
D’autre part, Barack Obama sera peut-être capable de
gouverner avec l’aile la moins à droite du Parti républicain (on n’ose pas dire
la plus modérée…) et de passer ainsi un certain nombre de législations
bipartisanes.
En effet, majoritaires dans les deux assemblées du Congrès,
les républicains ne peuvent plus avoir comme excuse que le parlement, coupé en
deux jusqu’à présent, était bloqué à cause des démocrates.
Il va leur falloir prouver aux Américains, deux ans avant la
prochaine présidentielle, qu’ils ne sont pas le parti du non («no party») comme
ils ont été baptisés par les médias et qu’ils peuvent être plus préoccupés par
l’avenir du pays que par torpiller toutes les actions du président afin d’être
réélus dans leurs circonscriptions grâce aux voix des extrémistes qui veulent
bloquer Washington à perpétuité.
En outre, la bonne tenue de l’économie américaine – que les
républicains tentent actuellement de récupérer sans convaincre beaucoup de
monde qu’elle doit être portée à leur crédit – va certainement permettre de
crédibiliser l’action de Barack Obama, malheureusement trop tard pour lui et
les démocrates en terme de résultat électoral, les élections de «midterm» étant
venues un peu trop tôt.
Mais la bonne conjoncture économique, si elle continue en
2015 comme cela est prévu, pourrait bénéficier au prochain candidat démocrate à
la présidentielle qui pourrait être Hillary Clinton.
- Hillary Clinton, candidate centriste?
En 2015 on devrait enfin savoir si Hillary Clinton sera ou
non candidate à la primaire démocrate pour les élections présidentielles de
2016, même si elle pourrait attendre le début 2016 pour se déclarer afin de n’être
pas la cible trop tôt de toute la gauche du Parti démocrate et de tout le Parti
républicain.
Si peu de personnes doutent de la réalité de cette
candidature, rien n’est pourtant sûr à 100%.
Favorite des sondages, Hillary Clinton voudrait bien marquer
l’histoire en étant la première femme à devenir président des Etats-Unis.
Néanmoins, elle sait que la campagne sera rude et que les
coups bas seront nombreux tant à droite avec les républicains radicaux qu’à
gauche avec les démocrates radicaux, deux camps opposés qui se rejoignent
actuellement dans les critiques de celle qui est depuis toujours une centriste.
Elle a vécu cela en 2007lorsqu’elle a perdu les primaires
démocrates face à Barack Obama.
Reste qu’elle voudrait appliquer son programme centriste d’une
Amérique juste à l’intérieur et forte à l’extérieur.
Actuellement peu de démocrates seront capables de lui
disputer sa candidature et elle battrait tous les républicains qui lui seraient
opposés assez facilement.
Mais l’élection est dans 22 mois…
- Les républicains vont-ils se recentrer?
Pour avoir une chance de remporter les élections
présidentielles de 2016, les républicains doivent absolument se recentrer tout
en ne perdant pas leur aile radicale, voire d’extrême-droite.
Ils avaient commencé à le faire avant les élections de
mi-mandat en mettant en sourdine toutes leurs attaques virulentes contre Obama
et en adoptant profil bas sur toutes les législations controversées qu’ils
souhaitent néanmoins toujours adopter.
Mais les élections étant passées, les chefs républicains
vont devoir tenir leurs troupes pour que les extrémistes n’aient pas la
possibilité de faire adopter des mesures trop clivantes et qu’ils ne
monopolisent pas la parole dans les médias.
Cela ne va pas être aussi simple que cela puisque, dans le
même temps, les candidats à la primaire républicaine vont se déclarer les uns
après les autres et vont, sans doute, accaparer cette parole, notamment les
candidats les plus radicaux.
Dès lors, en cette année 2015, on devrait voir un étrange
ballet entre modération et radicalité dans les rangs républicains où, sans
doute, il sera difficile d’y voir clair, les choses devenant moins obscures en
2016 au moment où les principaux candidats à la candidature émergeront avant
que le candidat à la présidentielle ne soit choisi.
- Les centristes britanniques ont-ils un avenir?
Ils avaient été la bonne surprise des dernières législatives
avec un score surprenant (23% des voix), seront-ils la mauvaise surprise des
prochaines où ils plafonnent à 6% des voix?!
«Ils», ce sont les «LibDems», les centristes britanniques.
Le parti libéral-démocrate (Liberal Democrats ou LibDems)
est un parti résolument centriste, formé en 1988, issu de la fusion entre le
Parti libéral de centre-droit et le Parti social-démocrate (SPD) de
centre-gauche qui regroupait d’anciens travaillistes. Actuellement, les LibDems
ont formé une coalition gouvernementale avec le Parti conservateur de David
Cameron où leur leader, Nick Clegg, est vice-premier ministre.
Mais, au fil des ans, la popularité de ce dernier s’est
effondrée entraînant celle de son parti.
Elus sur un programme de centre-gauche avec de nombreuses
promesses de Clegg en faveur de la classe moyenne, les députés LibDems ont en
effet apporté leur soutien à un gouvernement très conservateur.
Du coup, leurs électeurs les ont quittés en masse.
Crédités de 5% à 6% des intentions de vote, seront-ils
capables d’exister après le scrutin qui devrait se dérouler avant mai prochain?
Pour certains analystes, ils pourront sans doute continuer
être le parti charnière lors d’une prochaine coalition avec les conservateurs
ou les travaillistes du fait de leur fort ancrage local qui leur garantit un
certain nombre d’élus même en cas de mauvais score.
Reste que l’existence d’un Centre britannique fort qui avait
été évoqué lors la campagne des législatives de 2010 et qui n’avait que
partiellement réalisée avec des résultats en-dessous des espérances du Parti
libéral-démocrate, semble bien loin.
Ce sera plutôt une lutte pour la survie que les centristes
mèneront dans les prochains mois.
- Renouveau du Centre en Allemagne?
En Allemagne, les centristes ont pratiquement disparu ou,
plutôt, ils se trouvent majoritairement désormais au centre-droit à l’intérieur
de la CDU, le parti démocrate-chrétien dirigé par Angela Merkel (on en trouve
aussi au Parti social-démocrate rénové et plus situé au centre-gauche qu’auparavant)
dont la ligne politique est plus à droite qu’au centre, même si la chancelière
allemande gouverne plutôt de manière modérée.
Mais il ne faut pas oublier qu’en Allemagne, c’est une
coalition droite-gauche qui est au pouvoir suite aux résultats serrés des
dernières législatives, même si c’est la CDU (et la CSU, sa branche bavaroise
nettement plus à droite) qui est arrivée en tête.
Cette grande coalition a eu paradoxalement un effet négatif
sur l’espace centriste qui s’est nettement réduit ces dernières années après
l’effondrement du Parti libéral qui était l’élément centriste des coalitions
avec la CDU ou les sociaux-démocrates du SPD.
De plus, le Parti libéral a opéré une véritable révolution
idéologique en se positionnant à la droite de la CDU…
Cependant, on pourrait voir dans les années qui viennent un
repositionnement plus au centre de la CDU (comme cela a été le cas avec le SPD
qui est dorénavant concurrencé par un parti à sa gauche, Die Linke) avec
l’apparition d’un parti de droite radicale dans le paysage politique allemand,
l’AfD qui a obtenu 7% des suffrages aux élections européennes et qui séduit de
plus en plus de conservateurs.
Ce recentrage de la CDU avec, à sa droite, un parti
résolument de droite conservatrice serait une nouveauté dans le paysage
politique du pays depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale au moment où
monte cette vague anti-islam avec les manifestations organisée par l’organisation
Pegida («Patriotes européens contre l’islamisation de l’Occident») qui est en
train de se faire un espace dans ce même paysage.
- Les centristes dans le monde face à des élections
Dans plusieurs pays auront lieu des élections législatives
où les centristes peuvent tout aussi bien tirer leur épingle du jeu que d’être
mis hors de ce jeu politique.
C’est le cas, par exemple, en Grèce, le 25 janvier prochain
où un nouveau parti centriste La rivière (To potami) espère pouvoir être
l’élément-clé d’une prochaine coalition même si les sondages ne le créditent
qu’autour de 4% à 5% des voix.
Dirigé par l'ancien journaliste de télévision Stavros
Theodorakis, il espère pouvoir être l’élément modérateur et consensuel face à
la montée en puissance du parti de la gauche radicale, Syriza, favori des
sondages.
Voulant appliquer une politique «modérée», Theodorakis a
déclaré: «Nous dirons à Syriza qu'il faut une politique pro-européenne. Le
maintien dans l'euro ne peut être remis en cause. Nous dirons à Nouvelle Démocratie
de ne pas se laisser tenter par le populisme et par une politique d'extrême
droite».
En Espagne, le parti centriste Union progrès et démocratie
tentera lors des législatives qui doivent se tenir cette année à une date
encore indéfinie, de monter en puissance eux qui n’ont actuellement que 5
députés du 350 au parlement.
Dominé jusqu’ici par deux grands partis (le Parti socialiste
à gauche et le Parti populaire à droite et actuellement au pouvoir), le paysage
politique pourrait évoluer avec le prochain scrutin national et donner plus de
visibilité à un Centre espagnol qui en manque pour l’instant.
Au Danemark, le Venstre, Danmarks Liberale Parti, le Parti
libéral centriste – premier parti danois au parlement – tentera lors des
prochaines législatives qui se tiendront au plus tard en septembre prochain de
reconquérir le pouvoir qu’il a du laisser à une coalition de gauche lors du
dernier scrutin de 2011.
En Israël, les prochaines législatives du mois de mars
pourraient voir une recomposition du paysage politique.
Pas moins de trois formations se revendiquant centristes seront
présentes.
Il y a Hatnuah dirigée par Tzipi Livni, ancien présidente du
parti centriste Kadima formé par Ariel Sharon et qui eut sont heure de gloire
avec le gouvernement d’Ehoud Olmert après la victoire aux législatives de 2006
(il fut également le vainqueur des législatives de 2009 mais c’est le Likoud de
Benjamin Netanyahou qui prit la tête d’une coalition gouvernementale de droite).
Hatnuah fait liste commune avec le parti Avoda (ancien Parti
travailliste) de Yitshak Herzog et cette alliance, baptisée «Camp sioniste» est
créditée de 24 sièges à la Knesset (parlement) dans les sondages, soit un de
plus que le Likoud.
Il y a le parti Yesh Atid de Yaïr Lapid qui était dans la
coalition gouvernementale formée par Netanyahou et qui était en nette perte de
vitesse jusqu’à une remontée dans les sondages fin 2014, début 2015 dans
lesquels il est crédité dorénavant de 12 sièges.
Enfin, il y a le parti Koulanou créé en 2014 par Moshé
Kahlon, ancien proche de Netanyahou, un nouveau venu qui se déclare de
centre-droit et qui est crédité dans les récents sondages de 7 sièges.
On devrait donc voir dans la prochaine coalition qui sera
formée au moins un parti centriste que ce soit avec la Gauche ou la Droite même
si Yesh Atid et Koulanou réfléchissent à former eux-mêmes leur propre coalition
centriste face au Camp sioniste et à Netanyahou.
Alexandre Vatimbella avec l’équipe du CREC