- Mauvaise année pour Barack Obama?
Le Parti démocrate a perdu largement les élections de
midterm – celles qui se déroulent à la moitié du mandat du président des
Etats-Unis – se retrouvant minoritaire au Congrès, à la fois à la Chambre des
représentants – où c’était déjà le cas – mais avec un nombre d’élus le plus bas
depuis 1928 et au Sénat où il a perdu la majorité acquise lors de la présidence
de George W Bush.
Cette défaite était prévue ainsi que son ampleur qui est
limitée en nombre de sièges perdus même si elle est importante politiquement
parlant par la perte de la majorité au Sénat.
Le parti au pouvoir est, en effet, généralement battu lors
de ces élections de mi-mandat qui sont un défouloir pour les électeurs qui, en
outre, ne se déplacent guère en masse pour voter.
Cette fois-ci c’est même pire puisque seuls 36% d’entre eux
se sont rendus aux urnes ce qui est une des participations électorales les plus
basses de tous les temps.
De plus, les démocrates qui se présentaient pour être réélus
au Sénat avaient été élus dans des Etats plutôt républicains et avait peu de
chance d’obtenir un nouveau mandat.
En outre, les électeurs âgés votent plus à ces élections que
les jeunes ce qui favorise les conservateurs.
Immédiatement après les résultats, les commentateurs ont
annoncé que Barack Obama était le grand perdant de la consultation populaire et
qu’il était désormais un président qui n’avait plus guère de pouvoir et qui
allait passer ces deux dernières années à la Maison Blanche à se morfondre,
sans plus aucune possibilité de peser sur les événements.
Pour caractériser cette situation, les Américains utilisent
l’expression «lame duck» (canard boiteux en traduction littérale).
Il faut dire que jusqu’à ces élections qui se sont déroulées
au début du mois de novembre, le président américain avait vécu une année pour
le moins difficile.
Non pas forcément sur les résultats de son action puisque la
croissance de l’économie américaine est solide avec la création d’un nombre
importants d’emplois et une baisse importante du chômage au plus bas depuis
2009 mais sur l’image que les médias et le grand public ont de Barack Obama.
Ainsi, il apparaît comme un homme trop cérébral pour une
fonction où l’action prime souvent sur la réflexion, loin du peuple et ayant eu
de grandes hésitations notamment en politique étrangère où il a longuement pesé
le pour et le contre, ce qui a pu apparaître comme de la faiblesse.
De même, les résultats insolents à Wall Street du secteur de
la finance qui est toujours vu par les Américains comme le principal
responsable de la Grande récession de 2007-2008, ont été attribué à la
politique trop conciliante d’Obama pour les banques et autres institutions
financières alors même que le salaire moyen ne progressait guère faisant un
contraste saisissant avec l’enrichissement des plus riches ces dernières
années.
Quant à sa réforme de l’assurance maladie elle a connu des
couacs même si elle est un succès in fine mais toujours contestée par le Parti
républicain et menacée par un certain nombre de recours devant les tribunaux.
On a donc reproché à Barack Obama son manque de décision sur
la crise syrienne ainsi que sur la réponse à donner à la montée en puissance de
l’Etat islamique.
De même, la crise ukrainienne et l’agressivité de Vladimir
Poutine a joué en défaveur du président.
Cependant, la fin de l’année a connu un revirement
totalement inattendu puisque Barack Obama, débarrassé définitivement du
problème électoral où il devait concilier les demandes de l’aile gauche et de l’aile
droite du Parti démocrate afin de permettre la réélection de nombreux représentants
et sénateurs, a décidé d’agir.
Sur le plan intérieur, il a décidé, une fois les élections
passées et ayant les mains libres à nouveau d’autant qu’il ne sera pas candidat
en 2016, de prendre une décision forte en matière d’immigration en régularisant
plusieurs millions de personnes en situation irrégulière pour une durée
limitée.
En outre, il est monté au créneau pour dénoncer les
problèmes raciaux du pays après les affaires de Ferguson (Missouri) et Staten
Island (New York) où deux noirs ont été tués par la police ce qui a engendré de
nombreuses manifestations à travers le pays.
Sans oublier qu’en cette fin d’année les Américains
commencent à voir les effets de la reprise économique et qu’ils le disent
maintenant dans les sondages alors que jusqu’à présent ils estimaient que la croissance
n’était un bienfait que pour les riches et le secteur financier.
Sur le plan extérieur, sa stratégie face à Poutine a donné
de bons résultats, la Russie étant en récession et en grande difficulté
financière après l’embargo mis en place par les Américains et les Européens
suite à l’invasion de la Crimée et l’aide apportée aux rebelles pro-russes dans
les régions frontalières avec l’Ukraine.
En Irak, l’armée décomposée par la corruption endémique qui frappe
le pays a pu résister aux terroristes de l’organisation de l’état islamique
grâce aux frappes aériennes des Etats-Unis et l’envoi de conseillers
militaires.
La normalisation des relations avec Cuba annoncée en
décembre est un autre exemple de l’hyperactivité du président qui pourrait
ainsi avoir encore deux ans de véritable gouvernance, faisant taire ceux qui l’avaient
enterré un peu tôt.
Ce qui est toujours intéressant avec Barack Obama, c’est qu’il
n’a que peu dévié durant tout ce temps où il était en difficulté, de sa
politique centriste annoncée dès sa campagne électorale de 2007 et même avant
dans ses ouvrages.
Devant l’obstruction des radicaux de droite du Parti
républicain et les attaques des radicaux de gauche et des «liberals» du Parti
démocrate, il a maintenu sa ligne tant en matière économique que sociétale et
avec une vision de la politique étrangère où l’accord et le compromis valent
mieux que la guerre qui, elle, vient en dernier ressort mais ne doit jamais
être une option à être éliminée comme le prouve son engagement contre les
islamistes en Irak et en Syrie.
Dès la défaite des élections de midterm il a redit une
nouvelle fois qu’il était prêt à gouverner de manière bipartisane et à trouver
des consensus et des terrains d’entente avec les républicains qui ont refusé
cette main tendue depuis 2009, dès la prise de fonction d’Obama.
Le regain de dynamisme que connaît le président devra bien entendu
être confirmé en 2015. Reste qu’elle est une des grandes surprises de cette fin
2014.
- Les centristes américains en repli
Que ce soit dans les rangs démocrates que dans les rangs
républicains, les centristes sont en repli alors même que les Américains
aimeraient bien être gouvernés au centre, tout au moins dans une vision
bipartisane, c’est-à-dire où des compromis et des consensus peuvent être
trouvés dans les domaines cruciaux pour le pays (finances publiques, défense,
fiscalité, entre autres) entre le Parti démocrate et le Parti républicain.
Mais le découpage électoral qui permet aux deux grands
partis (surtout aux républicains) d’avoir des fiefs taillés sur-mesure pour des
décennies et la pression des extrêmes dans chacune des deux formations (surtout
l’extrême-droite chez les républicains avec le Tea Party mais on voit aussi la
gauche démocrate être de plus en plus active) rendent très difficile voire
impossible la mise en place de cette politique bipartisane.
D’autant qu’il n’existe quasiment plus de centristes
républicains élus même si les extrémistes du Tea Party sont en repli grâce à
une contre-attaque de l’establishment républicain, moins radical mais néanmoins
excessivement conservateur et peu enclin aux compromis avec Barack Obama.
Le pays a déjà connu ces phases de polarisation extrême au
cours de son histoire. Reste à savoir si celle-ci va durer encore longtemps ou
si un retour du balancier est à prévoir dans les années qui viennent.
Un récent événement peut contribuer à recadrer le paysage
politique vers le centre, c’est la possible candidature de Jeb Bush, fils de
George H Bush et frère de George W Bush, deux anciens présidents.
La présence de l’ex-gouverneur de Floride en 2016 est moins
significative de par sa filiation que par le fait qu’il soit proche des
républicains modérés et donc du centre-droit et qu’il envisage de concourir en
dehors des primaires du Parti républicain mais avec pourtant une chance de
gagner, ce qui démontre la situation paradoxale du Centre aux Etats-Unis à
l’heure actuelle où un candidat républicain à la présidence pourrait être élu
en se positionnant au centre et en court-circuitant le processus de désignation
mis en place par son parti, surtout en représentant un courant très minoritaire
de celui-ci.
- Des multiples situations des centristes européens
Où sont passés les centristes en Europe? C’est la question
que l’on peut se poser en voyant certains minoritaires dans des coalitions ou
dans l’opposition quand ils n’ont toujours pas de réelle existence politique
comme en Espagne, par exemple.
Les élections européennes dans les 27 pays de l’Union
européenne n’ont pas été une bonne cuvée pour les centristes, non plus et le
groupe centriste au Parlement européen (Alde) a même perdu une place, n’étant
plus que le quatrième de l’hémicycle, dépassé par les démocrates-chrétiens
conservateurs, les socialistes et les libéraux conservateurs.
Quant aux élections qui se sont déroulées à travers l’Europe
en cette année 2014, elles ont donné des résultats divers.
En Belgique, les élections législatives de mai 2014 ont
porté au pouvoir une coalition dominée par la droite mais où l’on trouve deux
partis de centre-droit, le parti flamand Open VLD dirigée par Gwendolyn Rutten (avec
comme membre Guy Verhofstadt, le président du groupe Alde au Parlement européen)
et le parti wallon Mouvement réformateur de Charles Michel, lui-même nouveau
premier ministre du pays.
A noter que le parti centriste wallon, le CDh, allié avec les
socialistes dans le gouvernement précédent, n’a obtenu que 5% des voix, et est
désormais dans l’opposition.
En Roumanie, c’est un nouveau président libéral de
centre-droit qui a été élu, Klaus Werner Iohannis. Pour autant, le Parlement
demeure dominé par les sociaux-démocrates avec un régime de cohabitation entre
les deux pouvoirs, exécutif et législatif.
En Bulgarie, les élections législatives ont vu la victoire d’une
coalition centriste emmenée par le parti de centre-droit du maire de Sofia,
Boïko Borissov, le GERB (Citoyens pour le développement européen de la
Bulgarie).
On trouvait également dans cette coalition le Bloc
réformateur et l’Alternative pour la renaissance bulgare.
Ensemble, les trois partis disposent de 118 députés sur 240,
soit 49,2% des sièges de l’Assemblée nationale avec le soutien sans
participation du Front patriotique et de Bulgarie sans censure.
En Suède la Parti du Centre fait partie de la nouvelle
coalition au pouvoir issue des nouvelles élections législatives dirigée par les
sociaux-démocrates.
En Slovénie, les élections anticipées de juillet 2014 ont
consacré la victoire de Miro Cerar, nouveau venu sur la scène politique et dont
le parti, le SMC, est classé au centre-gauche.
Sans majorité absolu, ce dernier forme une coalition avec le
parti des retraités et le parti social-démocrate.
- Le Centrisme dans le reste du monde
> En 2014, le
Centrisme séduit toujours en Afrique et dans le monde arabe.
Encore faut-il s’entendre sur le terme «centrisme» dans les
deux sphères géographiques dont nous parlons.
Il y a en fait trois positionnements au centre.
Celui du Centrisme traditionnel, celui du milieu et celui d’un
milieu entre les laïcs et les religieux.
Le premier est encore rare mais se trouve en Tunisie où il
demeure largement minoritaire, les nouvelles élections ayant consacré un pôle
laïc face au parti islamique.
Le deuxième est plus commun et plusieurs partis à travers le
continent africain et le Moyen Orient s’en réclament.
Quant au troisième, il séduit des groupes conservateurs qui
veulent faire le lien entre l’Islam et la démocratie comme c’est le cas au Liban.
> La descente aux
enfers continue pour les centristes japonais
Avec les élections anticipées réalisées par le premier
ministre de droite Shinzo Abe, les centristes du parti démocrate qui furent au
pouvoir il y a quelques années continuent à perdre du terrain.
Le Parti démocrate libéral du premier ministre réélu à son
poste le 24 décembre, a obtenu 291 sièges alors que le Parti démocrate
(centriste) seulement 73 mais demeure la principale force d’opposition ce qui
en dit long sur la victoire de Shinzo Abe alors même que le Japon est en
récession mais est angoissé par la montée en puissance de la Chine, surtout du
point de vue militaire et où le nationalisme dur prôné par Xi Jinping, le
président chinois, est avant tout tourné contre les Japonais accusé de n’avoir
jamais expié et vraiment regretté les crimes commis contre la Chine au XX°
siècle.
- Centriste de l’année: Hillary Clinton
La centriste est incontournable de la politique américaine.
Alors même qu’elle n’occupe plus aucune fonction publique
depuis janvier 2013 et qu’elle n’a toujours pas annoncé si elle serait
candidate à la présidence en 2016, Hillary Clinton a été une des personnalités
politiques mondiales dont on a le plus parlé en 2014.
Pas un jour sans que les médias américains et d’ailleurs
parlent d’elle, de ce qu’elle est, de ce qu’elle pourrait faire à la Maison
blanche, de ses chances d’être la première présidente des Etats-Unis, de ses
qualités, de ses défauts, etc.
Plus qu’Obama, elle a vampirisé la politique US cette année.
Cet exploit est du à ce qu’elle représente, la femme
politique la plus puissante des Etats-Unis depuis des années et peut-être la
future première présidente du pays si elle se présente à l’élection de 2016.
Cependant, si beaucoup lui prédisent un destin présidentiel,
nombre de ses ennemis – puisqu’elle suscite des sentiments de rejet très
puissants chez ceux qui ne l’aime pas – ont déjà entamé des campagnes pour
détruire sa vraisemblable candidature.
Si elle demeure la favorite incontestée pour succéder à
Barack Obama, rien n’est fait, loin de là, et son parcours sera tout sauf une
promenade de santé.
Alexandre Vatimbella avec l’équipe du CREC