- Les partis centristes et les élections: succès relatifs
Après la déculottée de 2012, les centristes ont eu pratiquement
deux ans pour se préparer aux prochaines échéances électorales avec, en 2014,
les municipales, les européennes et les sénatoriales.
L’UDI et le Mouvement démocrate qui avaient créé l’Alternative
en 2013 afin de se rapprocher, sont allés en ordre plus ou moins dispersé
devant les électeurs.
Ainsi, lors des municipales, le MoDem a fait alliance tantôt
avec la PS, tantôt avec l’UMP, tantôt avec l’UDI, tantôt avec l’UMP et l’UDI
alors qu’aux européennes, l’UDI et le Mouvement démocrate ont présenté des
listes communes face au PS et à l’UMP. Quant aux sénatoriales, les listes ont
été souvent UMP-UDI-MoDem.
Les résultats ont été mitigés.
Si l’UDI et le Mouvement démocrate ont gagné des villes aux municipales
et des sièges aux sénatoriales, les deux partis le doivent le plus souvent à l’alliance
avec l’UMP, démontrant ainsi les limites actuelles de leur indépendance au
niveau électoral.
Surtout, lorsque les deux formations centristes se sont
présentées unies aux européennes avec une liste exclusivement centriste, elles
n’ont réussi pas à passer la barre pourtant bien peu haute des 10%, loin
derrière les trois gagnants, le PS, l’UMP et surtout le FN arrivé en tête d’une
élection pourtant toujours favorable aux pro-européens et, en particulier, aux
centristes.
Même si on ne peut pas parler de défaite, les centristes
ayant gagné des villes et des sièges au Palais du Luxembourg, ces succès sont
relatifs et ne peuvent satisfaire les responsables centristes et l’autocongratulation
des présidents des groupes UDI au Sénat et à l’Assemblée nationale lors des
journées parlementaires de la confédération à propos des résultats électoraux semblait
un peu décalée.
Cela ne donne pas, en tout cas, d’indications précises sur
les législatives et les présidentielles de 2017 qui seront évidemment cruciales
pour savoir si le Centre est redevenu une force qui compte comme dans les
années 1980-1990 pour l’UDF.
- Bayrou se rapproche de Juppé et s’éloigne de l’UDI
On avait quitté un François Bayrou de centre-gauche, on le
retrouve au centre-droit mais pas forcément aux côtés de l’UDI.
Après avoir essayé sans succès de se rapprocher de François
Hollande, il a jeté son dévolu sur Alain Juppé qu’il affirme vouloir soutenir
dans sa quête élyséenne de 2017 ou, si ce dernier n’est pas le candidat désigné
de l’UMP, se présenter lui-même une quatrième fois.
Ce qui permet au président du Mouvement démocrate et nouveau
maire de Pau de laisser planer un doute sur sa propre candidature, c’est qu’il
est toujours haut dans les sondages de popularité par rapport aux autres hommes
politiques et qu’il est encore celui à qui les Français pensent en premier
quand on doit citer une figure centriste.
Reste que pour retrouver concrètement sa place de numéro un
du Centre, il devra séduire, à la fois, les militants et les électeurs de l’UDI
ce qui est loin d’être gagné en cette fin 2014.
Surtout, il devra retrouver la confiance de tous ces
centristes qui se sont détachés de lui au cours des quinze dernières années,
ceux qui se trouvent maintenant à l’UMP et ceux qui se trouvent à l’UDI, au
premier rang desquels il y a le nouveau président de ce parti, Jean-Christophe
Lagarde.
Il semble qu’il ait renoué les liens avec Hervé Morin mais
il faudra voir si ce rapprochement est plus durable que les tactiques mises en
place lors de l’élection interne de l’UDI.
- Les présidentielles de l’UDI et le challenge de Lagarde
Quatre candidats ont tenté de devenir président de l’UDI
après le départ de Jean-Louis Borloo de la confédération qu’il avait mise sur
pied en 2012 à la sortie des présidentielles et des législatives
catastrophiques pour les partis centristes.
Jean-Christophe Fromantin, député-maire de
Neuilly-sur-Seine, le démocrate-chrétien aux valeurs très conservatrices alliées
à une vision très libérale de l’économie, Yves Jégo, député-maire de Montereau,
transfuge de l’UMP, libéral économiquement et sociétalement mais aussi
nouvellement centriste, Hervé Morin, député-maire d’Epaignes et président très
libéral du Nouveau centre, Jean-Christophe Lagarde, député-maire de Drancy et
président aux accents démocrates-chrétiens de Force européenne démocrate
étaient en lice.
C’est ce dernier qui, au second tour et face à Hervé Morin,
l’a emporté avec près de 54% des suffrages exprimés.
Cette finale entre les deux frères ennemis de l’UDI (et,
avant, du Nouveau centre) aurait pu se transformer en pugilat et le résultat de
l’élection aurait pu sonner le glas de la confédération centriste tellement les
inimitiés sont fortes entre les deux hommes et les clans qui les soutiennent.
Cela n’a pas été le cas au grand soulagement de ceux qui se
sont investis dans l’UDI pour tenter de refonder un Centre qui compte dans la
vie politique.
Mais si Jean-Christophe Lagarde a passé le premier écueil et
si l’UDI est encore existante aujourd’hui, cela ne veut pas dire que tout est
réglé loin de là.
L’année 2015 sera ainsi très importante pour le parti
centriste qui, à la fois, sera tiraillé par des forces internes antagonistes et
subira les pressions de forces extérieures, notamment de l’UMP mais aussi du
Mouvement démocrate pour n’être qu’un simple faire-valoir en vue des élections
présidentielles et législatives de 2017.
De même, le parti de centre-droit devra s’atteler à définir
un projet politique et à penser à son programme politique pour 2017.
C’est peut-être dans ces tâches qu’il pourra trouver une
unité puisque les points de vue, même s’ils divergent ici ou là, sont assez
homogènes.
En tout cas, si l’UDI veut passer un cap pour être reconnu
comme une force qui compte dans le paysage politique français, il va falloir qu’elle
acquiert une identité qui lui manque encore aujourd’hui.
- L’axe central et les centristes
En cette année 2014, on a peut-être assisté aux prémisses d’une
recomposition politique qui pourrait prendre plusieurs années, en tout cas qui
ne pourra être réelle et légitimée que lors de prochaines élections nationales
comme celles de 2017 ou, plus sûrement, sera une conséquence des résultats qui
sortiront des urnes à cette occasion.
Ainsi, à côté des extrêmes et des radicaux de la Gauche et
de la Droite, se dessine, timidement mais sûrement, un axe central allant d’Alain
Juppé à Manuel Valls en passant par Jean-Christophe Lagarde et François Bayrou.
En termes de courants des formations politiques, cette force
en latence va des sociaux-libéraux du PS aux réformateurs de l’UMP en passant
par les libéraux-sociaux de l’UDI et du Mouvement démocrate, tous ceux qui
défendent une démocratie républicaine libérale et une économie sociale de
marché.
Bien entendu, chaque camp refuse pour l’instant cet axe et
chacun tente simplement d’organiser des ralliements.
Mais, que ce soit dans les propos de Manuel Valls ou d’Alain
Juppé, les bases de cette recomposition sont présentes.
Les centristes, eux, demeurent un peu plus dubitatifs.
Il faut dire que leur instrumentalisation passée, tant par
la Droite que par la Gauche, les incitent à la prudence.
Seul aujourd’hui François Bayrou semble avoir pris son parti
en faveur d’un rapprochement avec Alain Juppé.
Cet axe, s’il voit le jour, pour être réellement central,
voire centriste, devra compter sur un Centre fort et uni pour ne pas être un
simple gadget, ce qui n’est pas encore le cas.
- Les présidentielles de 2017 et le candidat centriste
Si les élections présidentielles ne sont que dans deux ans,
elles agitent déjà tous les états-majors politiques.
L’emballement du temps politique pose évidemment de
nombreuses questions sur la possibilité d’une démocratie efficace et apaisée
mais c’est un fait qui amène à donner une importance démesurée à la préparation
d’une présidentielle dès le résultat de la précédente.
Dans ce cadre, les centristes se trouvent au milieu d’un jeu
qu’ils tentent, tant bien que mal de maîtriser.
L’enjeu est de savoir s’ils seront capables de présenter un
candidat unique et crédible alors que le paysage politique en cette fin 2014
amène plutôt à prédire un effondrement du PS en 2017 avec, en parallèle, une
montée excessivement forte et aussi inquiétante du FN et une UMP qui résiste
sans pour autant une percée de l’UDI ou du MoDem dans l’opinion.
Ainsi pour que l’UMP soit assurée d’être au second tour
face, sans doute si rien n’évolue d’ici à deux ans, à la candidate de l’extrême-droite,
Marine Le Pen, il lui faut les voix centristes.
C’est la raison pour laquelle l’UMP exerce déjà une pression
très forte sur l’UDI mais aussi le Mouvement démocrate pour qu’il n’y ait qu’un
candidat et évidemment qu’il vienne de la Droite et non du Centre.
Face à cela, les centristes sont en ordre dispersé.
Il y a ceux qui veulent une alliance dès à présent avec l’UMP
et un soutien à son candidat quel qu’il soit. Ils sont très minoritaires jusqu’à
présent. C’est le cas de François Sauvadet, soutien inconditionnel de Nicolas
Sarkozy.
Il y a ceux qui veulent participer à une primaire conjointe
de la Droite et du Centre pour désigner le futur candidat sachant que ce sera
soit Nicolas Sarkozy, soit Alain Juppé avec aucune chance pour les candidats
centristes à l’heure actuelle. C’est le cas d’Hervé Morin qui ne veut surtout
pas d’une candidature Lagarde.
Il y a ceux qui veulent un candidat centriste sur le
principe et, si celui-ci rencontre une adhésion populaire, sa présence au
premier tour de la présidentielle et, s’il n’est pas qualifié pour le second,
un désistement en faveur du candidat de la Droite. C’est le cas de
Jean-Christophe Lagarde (qui se verrait bien en candidat du Centre) et d’Yves
Jégo.
Puis il y a celui qui veut défendre un candidat UMP, Alain
Juppé, et si celui-ci n’est pas désigné par la primaire de droite, se présenter
face à Nicolas Sarkozy et, éventuellement, ne pas appeler à voter pour lui au
second tour. Il s’agit de François Bayrou.
- Le Centre uni n’est pas encore une réalité
En créant l’Alternative en 2013, Jean-Louis Borloo et
François Bayrou affirmaient vouloir rapprocher leurs deux formations, l’UDI et
le Mouvement démocrate.
En cette fin 2014, cette «organisation coopérative» comme l’a
baptisée François Bayrou n’a été qu’une simple appellation pour le cartel
électoral mis en place lors des élections européennes avec le peu de succès que
l’on sait.
Surtout, l’Alternative a permis à François Bayrou de ressusciter
politiquement sur le dos de l’UDI ce que les responsables de cette dernière ont
peu apprécié, Jean-Christophe Lagarde en tête.
Même si les responsables des deux partis jurent qu’une de
leurs tâches principales est bien une refondation du Centre qui aboutit à une
réunification de la famille centriste, on ne voit pas très bien comme cette
dernière pourrait aboutir en 2015 et même au-delà.
Le repositionnement de François Bayrou au centre-droit n’a
pas eu comme conséquence la mise en route d’une union plus forte entre les deux
formations centristes.
Les préventions et les incrédulités demeurent de chaque
côté.
Peut-être qu’un projet politique commun, comme pour les
différentes composantes de l’UDI, pourrait resserrer des liens encore très
distendus.
- Centriste de l’année: Jean-Christophe Lagarde
Après le retrait – temporaire ou définitif – de la vie
politique de Jean-Louis Borloo, il fallait que l’UDI se dote d’un nouveau
président. Jean-Christophe Lagarde a donc été celui-là. Et c’est une victoire
importante pour le député-maire de Drancy qui était demeuré jusque là un second
couteau, ne parvenant pas à franchir le palier supplémentaire pour devenir un
leader politique au niveau national.
Il va falloir évidemment qu’il confirme et qu’il prenne de l’épaisseur
mais sa victoire ainsi que ses premiers pas en tant que président ont été
réussis.
Bien entendu, les côtés controversés de l’homme demeurent et
il est pratiquement sûr qu’il ne fera pas l’unanimité à l’UDI avant longtemps.
Mais l’important pour Jean-Christophe Lagarde est d’être
enfin en haut de l’affiche afin de démontrer tout son savoir en matière d’organisation
(comme la réussite de son implantation en Seine-Saint-Denis) et de
positionnement politique de l’UDI qui doit être, selon lui, le parti de l’humanisme
et du fédéralisme, le tout teinté de solidarisme.
La constitution de son équipe dirigeante n’a pas, en
revanche, été aussi habile qu’on aurait pu le penser avec une distribution
quasi-exclusive des postes à ses proches et peu de présence des autres
composantes de l’UDI, notamment des amis d’Hervé Morin.
Sans doute que Lagarde veut une direction soudée pour une
efficacité maximum.
Dès lors, si échec il y a, il sera entièrement le sien.
Reste qu’avec la déliquescence du Parti socialiste et la
montée du Front national, l’UDI a un rôle important à jouer et une place à
prendre.
Tout est de savoir si Jean-Christophe Lagarde parviendra à
relever ce challenge.
Son volontarisme est une arme mais l’on sait depuis
longtemps qu’elle est à double-tranchant tant ceux qui l’ont employée, ont
obtenu des résultats mitigés dans leur action, voire des défaites cuisantes.
Néanmoins, ce volontarisme tranche avec un discours
centriste souvent sans relief et sans saveur qui se retranche derrière la
modération pour ne pas être ambitieux.
Que Jean-Christophe Lagarde ait de l’ambition pour le Centre
(et pour lui), est une des bonnes nouvelles de 2014.
Alexandre Vatimbella avec l’équipe du CREC