Ne pas mettre la charrue avant les bœufs.
Voilà un dicton de bon sens, bien raisonnable mais que certains
centristes et beaucoup de ceux qui souhaitent les rallier à leur cause tentent
de contourner afin de ne pas laisser le temps au Centre de se mettre correctement
en ordre de marche.
Car, mettre la charrue avant les bœufs, c’est de savoir, en
l’occurrence, ce que l’on veut avant de savoir avec qui on va le mettre en
œuvre.
En un mot, les centristes doivent d’abord élaborer un projet
de société à proposer aux Français avant de savoir avec qui ils vont s’allier
pour le réaliser.
Or, aujourd’hui, des pressions de toutes parts, essayent,
par tous les moyens, que les centristes choisissent leurs alliances avant même
d’avoir élaboré ce projet puis, sur sa base, un programme électoral.
Si l’existence du Centre se limite à savoir à qui il va
donner ses voix, alors il n’a aucun intérêt à exister.
Quand monsieur Bayrou fait allégeance à monsieur Juppé, il
oublie qu’il faut d’abord discuter du fond avant de se distribuer les postes.
Même chose pour monsieur Sauvadet avec monsieur Sarkozy.
Ainsi, ni le Mouvement démocrate, ni l’UDI n’ont un projet
de société clairement établi à proposer aux Français et encore moins un
programme électoral (il reste plus de deux ans et demi avant les prochaines
présidentielles et législatives, il est vrai).
De même, ni Alain Juppé, ni Nicolas Sarkozy, malgré leurs récentes
interventions, n’ont un projet structuré ou un programme détaillé, pour citer
deux des hommes de droite qui ont commencé à faire une cour assidue aux
centristes.
Mais on peut penser que si Manuel Valls concoure en 2017, il
voudra également séduire les centristes.
Donc, disions-nous, pas de charrue avant les bœufs, pas de
ce jeu politicien qui consiste à s’allier pour se distribuer des postes sans
savoir exactement ce que l’on va faire au gouvernement.
Beaucoup dirons que la pratique actuelle tend de plus en
plus à un projet politique flou, un programme électoral light et à des
alliances politiciennes et qu’il faut en prendre son parti.
Ils ont tort.
Une des raisons de l’angoisse des Français face à l’avenir
c’est que personne ne leur propose un vrai projet de société qui leur donne
envie de se projeter dans le futur et de se retrousser les manches au présent.
En conséquence, ils se retournent, pour nombre d’entre eux,
vers des partis populistes et extrémistes qui leur font miroiter un retour à un
âge d’or qui n’a jamais existé en fait mais qui est tellement plus sécurisant.
Alors, avant de dire comme Bernadette Chirac qu’il faut
choisir Nicolas Sarkozy parce qu’il est plus chaleureux qu’un Alain Juppé trop
froid (!), essayons de faire de la politique avec un grand p comme projet de
société.
Et c’est en confrontant les projets de société, en les
rapprochant et en passant des alliances en rapport avec ce qu’ils proposent que
l’on rétablira l’honneur de la politique.
Dans ce domaine, les centristes ont un rôle éminent à jouer
en montrant la voie, eux qui ne sont pas empêtrés dans les clientélismes en
tous genres.
Mais il s’agit également pour eux de clarifier réellement
leur positionnement et non de se voir uniquement en «parti charnière» qui leur
permettrait de monnayer – aujourd’hui principalement avec la Droite – leur
ralliement contre des postes.
Depuis longtemps maintenant, des leaders centristes
demandent l’élaboration de ce projet de société face à tous ceux qui expliquent
qu’il ne faut pas trop se lier les mains par des documents trop contraignants
et qui fort de cette logique font en sorte que plus personne ne sache qui est
qui dans les partis démocratiques et républicains.
Le Centre doit avoir un projet, nous l’avons dit et répété
ici. Et le plus vite sera le mieux.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC