Nous sommes tous confrontés quotidiennement à des actes
d’irrespect et d’incivilité à notre encontre, contre d’autres personnes ou la
communauté toute entière.
Cela peut prendre de multiples aspects comme un individu qui
en bouscule un autre sans même s’excuser, une moto garée au milieu d’un
trottoir, une voiture qui ne s’arrête pas aux passages piétons pour laisser
passer des enfants, des gens qui urinent en plein jour et devant vous dans la
rue. Et ainsi de suite.
Pourquoi ces irrespects et ces
incivilités qui semblent bien anodins à certains jouent contre la démocratie et
la république.
Outre la règle de droit, la démocratie républicaine repose
sur deux pactes tacites essentiels entre les individus qui la composent.
Le premier est un pacte de respect.
Il dit que tout le monde a droit au respect de l’autre et de
la société.
Dès lors, lorsqu’il est brisé, il y a une frustration de
ceux qui se voient dénier ce respect et dont la tentation est, en retour, de le
dénier aux autres.
C’est pourquoi d’ailleurs les centristes tiennent le respect
comme une pierre angulaire de leur projet politique, de leur vision d’une
société démocratique et républicaine efficace et responsable.
Mais il faut y ajouter un deuxième pacte, celui de la civilité
qui définit la citoyenneté responsable qui est au cœur du projet républicain.
Quant elle disparait et que des incivilités (qui sont des
actes «soft» qui se manifestent par de la violence contre des personnes, des attaques
contre des biens et la violation de la règle légale), cela suscite des
réactions agressives qui nourrissent les incivilités dans une sorte spirale
infernale.
Aujourd’hui, avec la multiplication des irrespects et des
incivilités, qui peut sembler au premier abord moins grave que la violence dure
et la criminalité (sans oublier les taux de criminalités que l’on pouvait
connaître au XIX° siècle et au début du XX° siècle), ces pactes démocratique et
républicain se délitent lentement mais sûrement avec cette idée que chacun a le
droit de faire ce qu’il veut sans entrave, que le chacun pour soi est la
normalité d’une démocratie moderne.
En réalité, ce chacun pour soi est une des pires choses qui
peuvent arriver à la démocratie républicaine.
Non pas qu’il faille remettre en cause la liberté à cause de
ces irrespects et ces incivilités.
Mais pour qu’un groupe puisse fonctionner, on sait très bien
qu’il faut partager des valeurs dont en particulier le respect de l’autre.
Dès lors ces irrespects et ces incivilités empêchent le lien
social de fonctionner normalement et détruisent le vivre ensemble qui existe
entre les membres d’une communauté (qu’elle soit locale, nationale ou
mondiale).
Bien entendu, certaines incivilités et certains irrespects
peuvent être et sont punis par la loi comme c’est le cas, par exemple, du
comportement du député et éphémère secrétaire d’Etat au commerce extérieur,
Thomas Thévenoud.
Mais ce n’est pas la punition – nécessaire – que retiendront
d’abord les gens mais bien la transgression qui montre, de la part d’un élu de
la nation, des actes d’incivilités (contre la société) dans un total irrespect (de
l’autre) mais aussi de la démocratie républicaine dont il est un des
représentants, suscitant un ressentiment qui peut trouver refuge dans des votes
pour les extrêmes antidémocratiques et antirépublicains.
C’est pour cela qu’il est important de ne pas minimiser ces
incivilités et ces irrespects ainsi que les conséquences désastreuses qu’elles
ont sur les relations entre les individus.
Pour le Centre, cela nécessite une réaction ferme.
Tout d’abord dans l’apprentissage universel de ce respect
essentiel au pacte démocratique, apprentissage à l’école évidemment mais aussi
pendant toute l’existence, dans une sorte de formation permanente, par des
campagnes d’information et autres moyens de communication.
Ensuite, dans la sanction systématique des incivilités qui
minent le pacte républicain.
A New York, lorsqu’il s’est agi dans les années 1990 de
reconquérir le territoire urbain par rapport à la violence endémique que
connaissait la mégalopole, le chef de la police d’alors (qui a repris sa place
depuis l’élection du nouveau maire, Bill de Blasio, en 2013), William Bratton,
mit place la politique de «zéro tolérance contre les fenêtres brisées», théorie
développée par deux universitaires, George Kelling et James Wilson, qui connut
un grand succès et qui permet aujourd’hui à tout newyorkais et à tout touriste
de se promener dans la ville en grande sécurité alors que prendre le métro en
plein jour était un périple risqué...
L’idée centrale était de ne pas laisser impuni la moindre
incivilité comme une fenêtre brisée parce que l’impunité de ces actes laissait
la population dans un sentiment d’insécurité latent mais aussi parce que cela
encourageait à plus d’incivilités et d’irrespects.
Il faut s’en inspirer dans le cas des irrespects et des
incivilités pendant qu’il en est encore temps.
Poser la règle qu’il ne faut laisser passer aucun irrespect
et aucune incivilité est essentiel pour que le respect et la civilité deviennent,
non pas une norme, mais une manière d’être qui sauvera la démocratie
républicaine de ses tentations délétères que porte en lui non pas l’individualisme,
salutaire s’il est responsable, mais cette fameuse autonomisation égocentrique
assistée irresponsable insatisfaite irrespectueuse de l’individu dont j’ai
souvent parlé ici et qui se développe grâce au dévoiement de la démocratie.
Ainsi l’«insociable sociabilité des hommes» kantienne à la
base d’un régime démocratique ne trouve sa solution que dans le respect des
pactes librement consentis par chacun mais qui s’imposent alors à tous.
En défendant une société du respect et de la civilité, le
Centrisme est au premier rang de ce combat humaniste qui seul pourra sauver la
démocratie républicaine d’un chaos que voyait déjà se profiler au XIX° siècle
quelques visionnaires comme Tocqueville.
Les centristes doivent s’en saisir sans délai alors que les
sociétés démocratiques sont de plus en plus gangrénées par ces comportements
irresponsables et alors que les ennemis de la liberté, partout dans le monde,
n’ont jamais renoncé à refermer ce qu’ils estiment que la démocratie est: une simple
parenthèse de l’histoire.