Dans un précédent éditorial, j’avais posé la question de
savoir s’il y avait 70% de Français pour la victoire du Front national et la réponse
est désormais connues: c’est oui!
Comme le dit Manuel Valls, le résultat des élections
européennes est un «séisme», un «choc» qui permet à Marine Le Pen de déclarer
que «le Front national remercie les Français»…
25%, un quart des électeurs qui se sont déplacés ont voté
pour l’extrême-droite.
Et mai 2014 montre qu’avril 2002 n’était pas qu’un accident
de l’histoire.
Oui la France est gangrenée par un parti de haine.
Et oui encore il ne s’agit pas seulement de ces un peu plus
10% du corps électoral (puisque la participation est un peu plus de 40%) qui
ont voté pour le Front national mais de tous ceux qui ont refusé d’aller voter
et de faire barrage à sa victoire annoncée.
Pour la première fois en France, un parti d’extrême-droite
remporte une élection démocratique.
On pourra tourner cette phrase comme on veut, on pourra
tordre la réalité dans tous les sens, il reste un fait indubitable: le Front
national a gagné.
D’ailleurs, il ne se prive pas de le dire et de le montrer,
réclamant déjà la dissolution de l’Assemblée nationale.
Bien sûr, ce n’est «que» l’élection européenne – ce qui en
dit long, entre nous soit dit, du délabrement du rêve européen – disent déjà
certains.
Bien sûr, cela ne remet pas en cause – encore – la démocratie.
Bien sûr, comme le font d’autres en retournant les résultats
(ficelle un peu grosse), 75% de ceux qui se sont déplacés n’ont pas voté pour
le Front national.
Mais je le redis encore une fois avec force et
consternation: tous les sondages ou presque annonçaient une victoire du Front
national à l’inverse de 2002 où personne ou presque n’avait vu venir la
présence de Jean-Marie Le Pen au deuxième tour de l’élection présidentielle.
Dès lors, tous ceux qui ont refusé de voter – sans doute
estiment-ils que l’on est bien mieux dans des régimes où l’on ne possède pas le
droite de vote – ont sciemment participé à la victoire de l’extrême-droite à
cette élection.
La honte concerne bien près de 70% des électeurs qui, pour
ceux qui se sont abstenus, devront se débrouiller avec leur conscience.
La honte concerne aussi cette classe politique qui n’a pas
su prendre ses responsabilités depuis des années et qui a permis au discours
populiste, démagogique et d’exclusion de l’extrême-droite d’avoir pignon sur
rue quand elle ne l’a pas instrumentalisé à son profit.
Ainsi la droite et la gauche se sont maintes fois servies du
Front national pour tenter de se décrédibiliser et de se faire perdre l’une
l’autre.
La honte concerne également les médias qui, taux d’audience
oblige mais aussi par irresponsabilité assumée, ont largement participé à la
dédiabolisation du Front national.
La honte concerne enfin tous les Français, dont vous et moi,
qui n’avons pas su nous mobiliser efficacement pour éviter un tel résultat.
Oui, honte aux Français.
Quant à moi, centriste, défenseur des valeurs démocratiques
et respectueuses du Centrisme, qui croit toujours et encore plus à cette société
du juste équilibre prônée par le Centre, je ne peux un seul instant passer par
pertes et profits une telle élection, ni me sentir innocent de cette nouvelle
réalité.
Comme toute personne qui a la droit de vote et qui possède
un pouvoir, même si beaucoup le dénie ces derniers temps.
Désormais, les Français ne pourront plus de demander avec
étonnement comment des peuples ont pu par le passé voter pour des partis
extrémistes en les installant légalement au pouvoir, pouvoir que ces derniers se
sont ensuite empressés de confisquer à leur profit.
Ils ne pourront plus se vanter d’être les représentants d’un
pays qui porte cet universalisme démocratique au même titre que celui défendu
par les Américains.
Et s’ils pensent que tout ce qui vient d’être dit est
excessif, dicté sous le coup de la colère, qu’ils se rappellent la dernière et
récente «blague» de Jean-Marie Le Pen qui estimait que pour régler le problème de
la surpopulation de la planète, il suffisait de s’en remettre à «monseigneur
Ebola» (Ebola est un virus qui cause des fièvres hémorragiques très souvent
mortelles et qui frappe quasi-exclusivement les populations d’Afrique…).
Oui, la transgression de la démocratie a bel et bien eu
lieu.