Faisons nos comptes.
Dans un récent sondage, les listes du Front national arrivent
en tête des intentions de vote pour les élections européennes du 25 mai avec
25%.
A l’heure actuelle, l’estimation de la participation tourne
autour de 40%.
Dès lors, ce sont 10% des électeurs qui s’apprêtent à voter
effectivement pour l’extrême-droite.
Mais, à ceux-ci, il faut ajouter les 60% d’abstentionnistes
qui vont laisser, pour la première fois, cette même extrême-droite remporter
une élection nationale.
Ce qui fait 10% + 60% = 70%...
Et si le FN n’obtient que 22% ou 23% des voix mais qu’il arrive
en tête, le pourcentage total de ceux qui auront permis cette victoire ne sera
guère moins important.
J’entends déjà ici les procès en rapprochements abusifs, en
amalgames et en volonté de faire le buzz.
Voilà bien des critiques que j’accepterais s’il n’y avait
une réalité comptable et que celle-ci dit que les 60% des abstentionnistes savent
aujourd’hui qu’en n’allant pas mettre un bulletin dans l’urne le 25 mai, ils
favorisent la victoire du Front national.
Bien sûr, ils se défendront d’être des sympathisants
d’extrême-droite et ils prendront la posture des offensés en expliquant que je
n’ai rien compris, qu’une élection européenne cela n’a aucune importance, qu’il
faut donner un coup de semonce aux partis traditionnels, qu’on ne peut pas
voter pour des socialistes qui font le contraire du pourquoi les gens ont voté
pour eux, que les querelles à l’UMP fatiguent, que les centristes sont des
rigolos qui se chamaillent constamment entre eux, que les écologistes ne savent
plus où ils sont, que…
Oui, tous ceux qui n’iront pas dans un bureau de vote le 25
mai trouveront toutes les justifications nécessaires pour se dédouaner de la
victoire du Front national qui se profile.
Mais il restera le résultat brut et sans détour, un résultat
qui sera annoncé sur les télévisions et les radios et imprimés dans les
journaux et les magazines, qui créera des millions de pages sur internet et qui
sera gravé dans le marbre de la république, un résultat qui fera le tour du
monde.
Alors, non, ceux qui n’iront pas voter et qui permettront au
Front national d’arriver en tête avec tout ce que cela implique en terme
d’image de la France, de dynamique de toutes les intolérances et les haines
véhiculées dans le pays, de «dédiabolisation» définitive d’un parti qui
toujours détesté la démocratie républicaine libérale et sociale, ne pourront
pas se cacher derrière des explications qui ne valent, et encore, que lorsque
le système et les valeurs démocratiques ne sont pas en jeu.
Le 25 mai le Front national ne peut gagner une élection que
si une majorité de Français le décide, soit par sympathie pour les thèses d’extrême-droite,
soit par dédain de la démocratie qu’ils n’iront pas défendre dans les urnes.
Ce n’est vraiment pas une bonne nouvelle.