La nomination de Manuel Valls à Matignon aura au moins eu
comme conséquence bénéfique pour les centristes et tous ceux qui, à leur côté,
occupent l’espace central, de préciser qui ils sont et où ils sont, de se
connaître un peu mieux, somme toute, un exercice qu’ils n’apprécient guère et
qu’ils pratiquent peu souvent au grand dam de leurs sympathisants qui sont
souvent désorientés par leurs prises de position et leurs déclarations…
Car, pour beaucoup d’entre eux, être au centre, voire du
Centre, permet de ne jamais expliciter clairement leur positionnement
politique.
Les expressions «opposition constructive» ou «opposition
responsable», que viennent d’utiliser les leaders de l’UDI, en sont, parmi
d’autres, des exemples.
D’autres, en revanche, ont profité du débat actuel sur ce
positionnement centriste assez récurrent dans les médias mais qui a pris une
ampleur certaine face au gouvernement social-libéral de Valls pour (ré)affirmer
leurs convictions politiques.
- Qui sont donc les centristes et leurs affiliés de l’espace
central?
Une première catégorie affirme qu’ils se trouvent d’un côté
de l’échiquier politique et leur seul allié ne peut être que ceux qui sont à
leur droite ou à leur gauche.
Se définissant comme de centre-droit ou de centre-gauche,
ils sont en réalité, le plus souvent, des modérés de droite ou de gauche ayant
choisi un camp contre un autre et, ce faisant, ils n’occupent pas réellement
l’espace central mais un bout de l’espace de la Droite ou de la Gauche.
Une deuxième catégorie affirme qu’ils sont les modérateurs
des dérives de la Droite et de la Gauche.
Ceux-ci s’autolimitent ainsi dans une définition qui leur
permet de naviguer à vue.
Si l’on suit les (multiples) propos d’Yves Jégo, le
président par intérim de l’UDI, ils ne peuvent pas voter contre le pacte de
responsabilité de Valls – qui est la feuille de route du nouveau gouvernement –
tout en ne pouvant pas ne pas rester dans l’opposition et dans une alliance
naturelle avec l’UMP.
En somme, ils sont, à la fois, des soutiens et des opposants
du gouvernement, un nouveau positionnement politique qu’il leur faudra
expliquer à leurs électeurs.
Voilà en tout cas qui fait la joie de tous les critiques et
tous les ricaneurs qui prétendent depuis toujours que les centristes sont des
girouettes qui changent constamment d’avis.
A leur décharge, les centristes ne sont pas les initiateurs
(malheureusement) du calendrier politique mais ils le subissent du fait de leur
poids et de l’influence, cet épisode en étant une preuve flagrante.
Quant François Hollande décide de nommer Manuel Valls
premier ministre et que celui-ci met en place un plan qui reprend, à défaut du
contenu exact, la philosophie de leur propre projet d’économie des dépenses
publiques, ils se trouvent dans une position en porte-à-faux puisqu’ils ont
déjà fait allégeance à l’UMP, leur partenaire «naturel».
Néanmoins, comme je l’ai dit souvent ici, le fait pour
l’UDI -- et maintenant l’Alternative –
de s’être enfermées toutes seules dans le concept de l’«alliance naturelle»
avec la Droite (en l’occurrence l’UMP), fait aujourd’hui qu’elles ne peuvent
que se retrouver dans une posture paradoxale face à une politique de l’autre
bord qui leur convient.
Car si l’on veut répondre à la question, les centristes
doivent d’abord être du Centre et défendre leurs valeurs, leurs principes et
leur programme en toute indépendance.
Cela leur permettrait, alors, d’agir en accord avec
eux-mêmes et, sans aucune allégeance à la Droite ou la Gauche, de supporter
telle ou telle politique, telle ou telle mesure, tel ou tel texte de loi.
Ce n’est qu’au moment des élections qu’ils doivent
déterminer avec qui ils font alliance (ceux dont ils sont les plus proches) et être
capables, dans cette indépendance qui figure dans le nom même de l’UDI, de se
positionner sans avoir à subir l’enfermement dans lequel ils se sont mis tous
seuls…
- Et où doivent donc ils être?
Ce que je viens de décrire est en réalité la troisième catégorie
de centristes qui est, à l’heure actuelle, la moins fournie (notamment depuis
le virage à droite de François Bayrou) mais la plus proche de ce qu’est le
Centrisme.
Les centristes doivent être du Centre et les modérés qui se
trouvent à leurs côtés, au centre.
Cela signifie très clairement qu’ils ne doivent pas être à
gauche ou à droite.
S’ils étaient d’un côté ou de l’autre, ils ne seraient plus
du Centre.
Cette évidence ne l’est malheureusement pas aussi… évidente
pour beaucoup de centristes et de modérés.
Car, selon nombre d’entre eux, leur positionnement est au
centre-droit ou dans une alliance avec la Droite (et au centre-gauche dans une
alliance avec la Gauche pour une frange plus restreinte).
C’est en tout cas là où veut se situer l’UDI depuis sa
fondation.
En revanche, le Mouvement démocrate défendait jusqu’il y a
peu un positionnement central jusqu’au retournement aussi subite que l’a été le
prosélytisme de son président, François Bayrou contre François Hollande.
Mais, en signant la charte de l’Alternative, ce dernier a
mis son parti dans les pas de celui de l’UDI (à défaut d’y emmener la majorité
de ses militants et de ses sympathisants comme le montre les sondages et les
dissensions à l’intérieur du MoDem).
Il faudra bien que les centristes comprennent bien un jour
une simple équation: quand on est de gauche, on est à gauche de l’échiquier
politique; quand on est de droite, on en est à sa droite; quand on est du
Centre, on est en son centre.
Si ce n’est pas ce que pensent les centristes, c’est alors qu’il
n’y a pas de Centre ou qu’ils ne sont pas du Centre.
Tout simplement.