Barack Obama a déçu, c’est une évidence.
Il a déçu nombre d’Américains (mais aussi de gens dans le
monde entier) qui croyaient qu’il possédait une baguette magique ou, tout au
moins, un don quasi-surnaturel pour changer leur vie.
Il a déçu les médias qui s’étaient enflammés au-delà de
toute raison en de 2007 à 2009 et qui, redescendus sur terre, ont fait ce
qu’ils font d’habitude après avoir été pris en flagrant délit d’admiration
puérile, de la critique sans mesure, acerbe et dure, afin de se refaire une
virginité.
Il a déçu ceux qui ont interprété son message assez vague
«Yes, we can» («oui, nous le pouvons») par son adhésion à leurs thèses qu’elles
soient de droite ou de gauche, lui qui est demeuré et demeure, malgré les
attaques, les remises en cause, les procès d’intention, un centriste.
La preuve en est tous ses adversaires, à gauche et à droite,
virulents depuis 2007 et qui n’ont jamais laissé tomber une opposition primaire
voire primate (avec des relents de racisme nauséabonds), eux qui ont été
véritablement terrifiés qu’un homme avec une telle aura dans l’opinion puisse
réussir et les remise aux rangs de vieilleries d’une époque révolue.
Mais, comme il a été dit ici à de nombreuses reprises,
Barack Obama n’était pas le sauveur ultime et n’avait pas promis le paradis sur
terre, que ce soit dans ses discours, ses promesses ou dans ses actes.
De même, il a toujours voulu remettre son pays sur les bons
rails mais n’a pas parlé de faire des miracles.
Et il a toujours expliqué qu’il recherchait la meilleure
solution, la plus équilibrée, la plus consensuelle et la plus efficace dans une
démarche pragmatique.
Si l’on se place dans ce cadre, alors il est clair qu’il a
obtenu de nombreuses réussites (de l’endiguement de la Grande récession au
retour de la croissance en passant par le départ des troupes d’Irak, le
sauvetage des constructeurs automobiles et une baisse du chômage), dont celle,
emblématique, de la mise en place d’un système d’assurance santé, cette réforme
baptisée «Obamacare» qui a polarisé contre lui tout ce qui compte de
populismes, au sens européen du terme.
Rappelons que la décision de mettre en place aux Etats-Unis
une véritable assurance santé vient de deux constatations unanimes de tous les
experts de tous bords politiques: un nombre important de personnes incapables
de prendre une couverture santé (trop chère, trop d’exclusions, etc.) mais
aussi des dépenses de santé en augmentation quasi-exponentielle qu’il faut
maitriser, d’autant que le rapport coût-efficacité est un des pires des pays
avancés.
C’est le sens de l’architecture de l’«Obamacare», une
réforme profondément centriste qui allie la responsabilité à la solidarité, tout
en laissant une grande liberté de choix aux assurés.
D’ailleurs, elle reprend en grande partie les mesures
préconisées par le Parti républicain avant que celui-ci ne vire à droite toute
et fasse de l’obstruction systématique au Congrès (dont d’ailleurs Mitt Romney,
le candidat républicain de 2012, s’était inspiré pour sa loi sur l’assurance
santé quand il était gouverneur du Massachussetts) et a été qualifiée par la
gauche du Parti démocrate comme trop timide (plus timide que la loi imaginée
par Bill Clinton dans les années 1990 et défendue par sa femme, Hillary, eux
aussi centristes…).
Mais, dans un monde où la propagande s’est largement
substituée à l’information (internet, les chaînes d’informations en continu,
etc.), il est de plus en plus difficile de faire des analyses honnêtes et
sérieuses sans vouloir faire un «coup» ou un «buzz».
L’«Affordable care act», le vrai nom de la loi sur la santé,
a en tout cas réussi le pari que lui avait assigné le président américain
puisque plus de 8 millions de contrats (dont 35% par des personnes de moins de
35 ans) ont été passés avant la date limite du 31 mars (ce qui fait évidemment
beaucoup plus de personnes couvertes, conjoints et enfants dans les familles),
notamment par des personnes qui n’avaient jamais été assurées auparavant.
Il est d’ailleurs assez inquiétant pour le débat
démocratique de voir que cette annonce faite le 17 avril n’a été que peu
reprise dans les médias alors que les gros problèmes qu’a connus, lors de son
lancement, le site national où l’on pouvait s’assurer, ont fait les gros titres
pendant des semaines.
Il est vrai que les trains qui arrivent à l’heure ne sont
pas de l’information.
Sauf quand on avait annoncé auparavant de manière
irresponsable qu’ils avaient déraillé…
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC