Ils s’aiment bien, c’est le moins que l’on puisse dire.
Depuis des années, François Bayrou et Alain Juppé se font
des compliments réciproques et s’affichent souvent ensemble.
Même aux pires moments des relations Mouvement
démocrate-UMP, où François Bayrou n’avait pas de mots assez durs pour fustiger
Nicolas Sarkozy et son comportement, Alain Juppé n’a pas déterré la hache de
guerre comme le reste des responsables du parti de droite.
Et François Bayrou lui a toujours rendu hommage en louant le
maire de Bordeaux et son travail ainsi qu’en faisant même alliance avec lui
dans la capitale girondine, sans oublier son travail en tant que ministre de…
Nicolas Sarkozy.
Pas étonnant, dès lors, que dès que le président du MoDem a
annoncé qu’il comptait se présenter à Pau pour les municipales, il ait reçu le
soutien d’Alain Juppé alors que l’UMP se prononçait pour une candidature d’un
ses siens contre le «traitre» Bayrou.
Encore moins étonnant que ce dernier lui renvoi l’ascenseur
en déclarant, après avoir affirmé qu’il ne comptait pas se présenter à la
présidentielle de 2017, qu’il verrait bien Juppé en candidat unique de
l’opposition droite-centre droit alors même que le maire de Bordeaux n’a rien
annoncé de tel.
Et les lieutenants d’entonner le même refrain comme Robert
Rochefort.
Sans doute que François Bayrou, comme l’ont noté nombre de
commentateurs politiques, se verrait bien en premier ministre d’un président
Juppé.
On ne se refait pas…
L’ancien premier ministre de Jacques Chirac (dont le
ministre de l’Education nationale était… François Bayrou) a du, devant un tel
empressement du MoDem, publié sur Twitter un démenti sur ses intentions en
2017.
Bien entendu, celui-ci est faux, Alain Juppé se verrait bien
à l’Elysée mais le chemin est encore semé d’embûches (retour ou non de Sarkozy,
implosion de l’UMP, crédibilité de la candidature de François Fillon, etc.).
Quoiqu’il en soit, voit-on se dessiner un axe
gaullo-centriste (un oxymore pour beaucoup de centristes et de gaullistes
historiques!) avec à sa tête le duo Alain Juppé-François Bayrou?
Il est évidemment trop tôt pour se prononcer mais ce
rapprochement et cette alliance seraient bénéfiques pour les ambitions que l’on
prête aux deux hommes.
Cela permettrait à Alain Juppé de rassembler dès le départ
au-delà de son camp en crédibilisant sa possible candidature élyséenne.
Cela permettrait à François Bayrou de se poser une nouvelle
fois en rassembleur et de court-circuiter les caciques de l’UDI dont Jean-Louis
Borloo pour se (re)placer dans la course à Matignon (celle à la présidence de
la république semblant lui être quasi-définitivement fermée).
Pourquoi François Bayrou a-t-il fait ces déclarations
maintenant, juste avant les municipales et sans en avertir, semble-t-il, Alain
Juppé, au risque de le gêner?
Tout simplement pour donner encore quelques gages de son
appartenance à l’opposition à François Hollande et au Parti socialiste à
l’électorat de droite de Pau mais aussi afin de prendre date pour
l’après-municipales et l’après-européennes.
Pourquoi Alain Juppé s’est cru obliger de démentir avec
vigueur?
Tout simplement parce qu’il n’est pas encore bien vu à l’UMP
d’avoir François Bayrou comme soutien et que tout mouvement de sa part pour les
présidentielles actuellement ne ferait qu’ajouter à la cacophonie de la
formation de droite et lui interdirait, sans doute, de se poser en recours
contre celle-ci justement, en étant le candidat du consensus et de la raison,
sondages de popularité à l’appui.
Reste que cet axe Juppé-Bayrou peut devenir crédible aux yeux
du pays demain.
Pour autant, cela voudrait dire que, soit les centristes
partiront une nouvelle fois divisés à la présidentielle (si l’UDI présente un
candidat), soit les centristes renonceront une nouvelle fois de partir à la
mère des batailles politiques de la V° République (si l’UDI se rallie à Juppé).
Un mauvais coup pour le Centre.
Les prochains mois apporteront une première réponse, celle
sur le sérieux des déclarations de François Bayrou.
En tout cas, ce possible pacte Juppé-Bayrou a beaucoup fait réagir
à droite (parfois avec virulence, «Trop c'est trop, il ne s'excuse pas, il ne
regrette pas, et en plus, Alain Juppé va le soutenir» dixit Henri Guaino) et a
fait le buzz dans les médias.
Ce qui était, bien entendu, l’effet recherché.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC