Les médias – qui accusent de leur côté la nature – ont
horreur du vide, c’est bien connu.
Et le vide, aujourd’hui au Centre, c’est cette Alternative
rassemblant le Mouvement démocrate et l’UDI, ce «machin» comme l’aurait certainement
baptisé une des références de François Bayrou, le général De Gaulle, qui se
veut un instrument «coopératif» selon ses initiateurs.
Une des raisons, mais loin d’être la seule et même la
principale, de cette absence politique est que l’un d’entre eux, Jean-Louis Borloo,
est en convalescence de longue durée.
Du coup, les projecteurs (ou les veilleuses, tant les partis
centristes sont, eux aussi, convalescents) se sont braqués sur le deuxième
larron de la coopération centriste, François Bayrou.
Les commentateurs avisés ont ainsi cru déceler la volonté de
ce dernier de s’accaparer l’espace centriste (ce n’est pas nouveau) en
profitant des déboires physiques de son partenaire-adversaire mais aussi de
l’incapacité de l’UDI à créer une dynamique autour d’elle.
Et c’est vrai que le président de ce qui reste du Mouvement
démocrate en pleine décrépitude du fait des oppositions entre sa droite et sa
gauche, pourrait bien réussir, ce qui semblait un non-sens il y a quelques mois
encore, une OPA sur l’UDI et retrouver un avenir politique qui pourrait lui
assurer une nouvelle candidature à la présidentielle en 2017.
Le fait d’avoir réussi à imposer ses fidèles comme têtes de
liste aux européennes (en particulier Marielle de Sarnez à Paris) en est une
preuve solide.
De même que les silences de ses «anciens» «nouveaux» «amis»,
toujours dans une détresse politique depuis leur fiasco de 2012 et leur
suivisme de survie de Jean-Louis Borloo à qui ils n’ont jamais vraiment fait
confiance.
Les Arthuis, Lagarde, Morin et consorts sont prêts à se
mettre derrière Bayrou comme ils se sont mis derrière Borloo si le président du
Mouvement démocrate sait la jouer finement.
D’autant plus si Borloo ne revient pas vite et si Yves Jégo continue
à être chargé de «coordonner» pendant encore plusieurs mois la maison UDI.
Bien entendu, il y a aura un peu de casse avec les départs
de quelques uns des barons du parti comme Fromantin, Sauvadet ou Yade.
Cependant, Bayrou doit également agir vite et risque dans
cette précipitation de rater son coup.
Ainsi, la décrépitude du Mouvement démocrate pourrait
aboutir plus vite que prévu à une implosion comme le montre ce qui se passe
actuellement à Marseille.
Mais même si ce n’est pas le cas, la parti voulu par Bayrou
pour être un soutien sans faille de ses ambitions présidentielles ne pèse plus
grand-chose politiquement parlant.
Ce qui reste au président du Mouvement démocrate, c’est sa
légitimité présidentielle et ses 18,7% de 2007 qui demeurent une monnaie
d’échange solide face à un Borloo incapable de se présenter à des élections
nationales et à l’incapacité des autres leaders centristes à réunir sur leur
nom plus de quelques points (et encore) dans les sondages.
Mais l’absence d’une force politique crédible et d’élus
sera, tôt ou tard, un handicap majeur pour François Bayrou.
La bataille des municipales à Pau où il a décidé de se
présenter (peut-être regrette-t-il maintenant de l’avoir fait) peut agir comme
un accélérateur de son projet d’OPA s’il remporte la mairie à gauche depuis
plus de quarante ans mais aussi comme un frein puissant à sa renaissance
politique s’il échoue car il s’agirait d’un nouvel échec auprès des électeurs,
peut-être celui de trop.
Quoiqu’il en soit, ceux qui, au Centre, voulaient se
débarrasser du «système Bayrou» qui est, selon eux, uniquement une entreprise personnelle
où seule une poignée de fidèles d’entre les fidèles est récompensée, en seront
peut-être pour leurs frais si l’OPA réussit.
On n’en est pas encore là mais il est certain que ce retour presqu’en
fanfare pose, en l’état, plus de questions pour les centristes qu’il n’en
résout sur leurs capacités à séduire les Français, sur leur positionnement
politique, sur leur aptitude à bâtir une vraie alternative crédible et sur une
certaine déshérence faite d’allers-retours incessants et de plus en plus
incompréhensibles pour ceux qui regardent vivre l’espace centriste en ce début
de XXI° siècle.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC