Le changement de cap de François Hollande vers une
social-démocratie, la montée du Front national, l’émergence de mouvements
populistes et poujadistes, de la «Manif pour tous» à «Jour de colère» ainsi que
la défiance des citoyens face au politique couplée avec la crainte de l’avenir,
tout cela semble augurer d’une possible recomposition du paysage politique
français.
Celle-ci pourrait prendre deux directions totalement
antinomiques à première vue.
La direction positive se ferait par un rapprochement des positionnements
des partis dits «de gouvernement» et «responsables».
Ainsi, dans la vision d’une démocratie libérale
consensuelle, c’est-à-dire où les forces politiques principales partagent des
valeurs communes et des principes communs, de la Gauche à la Droite en passant
par le Centre, on parlerait enfin le même langage sans pour autant s’entendre
sur sa mise en œuvre, la démocratie nécessitant un débat politique
contradictoire.
La direction négative accoucherait d’un renforcement des
forces antidémocratiques, de l’extrême-droite à l’extrême-gauche, flirtant avec
la précarité née des difficultés économiques et sociales que nous traversons, du
refus violent de la mondialisation montante parée de tous les défauts, couplés
à des postures identitaires sur fond de racisme et de rejet «anti-autre».
Le tout avec le développement de manière dangereuse de
l’autonomie de l’individu qui rendrait ce dernier de moins en moins responsable,
de plus en plus égocentrique, de plus en plus assisté, de moins en moins
respectueux, de plus en plus insatisfait, revendiquant de plus en plus de
«droits à» à son seul profit.
Nous serions donc dans l’ère de la défiance si l’on écoute
les commentateurs de divers bords, surtout si l’on analyse les études d’opinion
qui foisonnent sur le sujet comme, par exemple, celle que réalisent à périodes
répétées le Cevipof de Sciences Po Paris et l’institut Opinionway (1) ou celle
d’Ipsos-Steria (2).
La France serait même dans une «dépression collective» a
même titré le quotidien Le Monde.
Explications.
Après avoir renvoyé la Droite à ses chères études (et en ne
lui faisant toujours pas confiance pour diriger le pays), les Français
s’apprêtent à faire de même avec la Gauche et un président qui détient le
record d’impopularité dans le V° République sans que l’on sache qui la
remplacera.
La «Crise» avec un grand C serait la cause numéro un de
cette défiance selon les analystes.
Elle ne serait pas qu’économique (bien que cela en serait
l’élément principal) mais aussi social, sociétale et culturelle, le tout dans
une société démocratique en manque de repères et de lien social avec la montée
d’un individu de plus en plus autonome et de moins en moins responsable et
respectueux.
Un tableau bien noir qui n’est pas que français même si
notre pays a ses spécificités qui le rendent parfois encore plus sombre…
Si le Centre a, depuis longtemps, mis en garde contre le
délitement du lien social et l’affaiblissement des valeurs démocratiques,
réclamant que les responsables politiques agissent afin que des cassures et des
ruptures soient évitées le plus possible afin de ne pas mettre à mal le vivre
ensemble, ce qui est une perspective d’autant plus catastrophique qu’elle est
en passe de se réaliser, il doit également aujourd’hui prendre acte que la
situation a continué à se détériorer.
Dès lors, les partis centristes doivent se positionner comme
les garants de cette démocratie représentative et délibérative qui est la seule
capable d’être au jour d’aujourd’hui le régime de la meilleure société
possible.
Néanmoins, il est urgent de la régénérer par des pratiques
et un fonctionnement qui lui redonne une image positive auprès des citoyens.
En effet, 69% des Français disent que la démocratie ne
fonctionne «pas très bien» ou «pas très bien du tout» selon le sondage
Cevipof-Opinionway. Un chiffre qui monte à 78% («le système démocratique
fonctionne plutôt mal en France, j’ai l’impression que mes idées ne sont pas
bien représentées») pour une enquête Ipsos-Steria de janvier 2014.
De même, 92% veulent que l’on réforme le système capitaliste
(46% en profondeur, 46% sur quelques points).
Heureusement, la tâche n’est pas insurmontable, loin de là,
car les Français sont encore très attachés à la démocratie, 97% estimant qu’il
est «très important ou important» de «vivre en démocratie et avoir le droit de
vote» selon un sondage de l’agence Mediaprism réalisé en octobre 2013 (3).
Sans oublier les 99% qui estiment «très important ou
important» d’«être libre de penser er d’agir» et de «pouvoir vivre en paix,
sans guerre mondiale depuis 70 ans».
Ce résultat va de pair avec le 83% des Français qui
affirment selon l’enquête Cevipof que «la démocratie peut poser des problèmes,
mais c’est quand même mieux que n’importe quelle autre forme de gouvernement».
Dans le même sens, 63% disent que le vote aux élections est
le meilleur moyen de se faire entendre.
C’est donc de la vraie réforme que les Français demandent, à
la fois, dans la manière de gouverner, dans la nécessité de rendre la société
plus juste et dans l’importance de donner plus de liberté à ceux qui
entreprennent.
Des préoccupations au cœur de la vision du Centrisme.
Les centristes ont donc un rôle déterminant à jouer d’autant
que 73% des Français estiment que les notions de «droite» et de «gauche» «ne
veulent plus rien dire».
Dans cette recomposition politique, les idées du Centre
doivent permettre de réconcilier les Français avec leur société et les valeurs
qui l’animent.
De même, étant viscéralement un réformisme et un
progressisme, le Centrisme, par le juste équilibre, est à même de proposer les
réformes nécessaires au pays.
Dès lors, les partis centristes doivent, sans se rallier à
la Droite ou la Gauche, sans brandir l’Union nationale à tout va, être les
véritables moteurs de la nouvelle démocratie qui doit émerger le plus
rapidement possible.
Le Centre possède tous les outils pour traiter cette
dépression de la société française. Mais il faut qu’elle ait les hommes et les
femmes capables de relever cet important défi. Et, pour l’instant, les partis
centristes, à l’instar de toutes les autres formations politiques, n’ont pas
démontré qu’ils les possédaient ce que déplorent les Français dans toutes les
enquêtes d’opinion.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
(1) 5° vague du Baromètre
Cevipof-Opinionway réalisée par internet du 25 novembre au 12 décembre 2013
auprès d’un échantillon représentatif de la population française âgée de 18 ans
et plus de 1803 personnes
(2) Enquête Ispos-Storia
réalisée par internet du 8 au 14 janvier 2014 auprès d’un échantillon
représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus de 1005 personnes
(3) Sondage Médiaprism
réalisé par internet du 2 au 8 octobre 2013 auprès d’un échantillon
représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus de 1057 personnes