- Les Etats-Unis cherchent
leurs centres
Les mots centre, centriste, centrisme n’ont jamais été
autant utilisés que cette année aux Etats-Unis face à des médias qui ont
attaqué durement Barack Obama et face à la paralysie politique qui a touché une
nouvelle fois le pays due en grande partie à l’attitude intransigeante de la
droite du Parti républicain.
Pourtant, paradoxalement, on semble trouver de moins en
moins de personnalités politiques qui se réclament du Centre.
Même Barack Obama, devant l’attitude extrémiste de la
plupart des républicains (qui ont mis de l’eau dans leur vin, pour certains
d’entre eux, en toute fin d’année) a «durci» son discours et parle plus de
réduire les inégalités criantes du pays que de consensus et de gouvernement
bipartisan.
Cela dit, à l’inverse de ce que prétendent les médias
conservateurs et les stars de droite des talk-shows, il n’a pas modifié
profondément ni son positionnement politique, ni sa vision de la politique.
Pragmatiquement, il a conclu qu’il se trouvait juste face à
un mur du refus qu’il a essayé d’abord d’amadouer sans résultats, puis de
contourner sans grandes réussites non plus et qu’il a décidé, désormais,
d’affronter de face et d’essayer de le détruire, tout au moins de l’affaiblir
au maximum.
Ajoutons que si la grande majorité des centristes se
trouvent désormais au sein du Parti démocrate, il semble qu’un renouveau
centriste, très timide pour l’instant, se dessine chez les républicains dont
beaucoup de membres éminents ont enfin compris que la droitisation du pays les
menait dans une impasse et une incapacité pour longtemps de remporter l’élection
présidentielles.
On parle beaucoup de l’un d’entre eux, Chris Christie, le
gouverneur républicain d’un Etat, le New Jersey, viscéralement démocrate qui
vient d’être réélu triomphalement à son poste et qui serait une sorte de leader
de ce renouveau ainsi que la chance la plus grande pour le Parti républicain de
remporter la Maison blanche face au candidat démocrate qui devrait être, selon
toutes probabilités, une candidate en la personne d’Hillary Clinton.
Reste que du temps glorieux des centristes républicains de
la côte est, dans les années 1950 à 1970, Christie aurait été plutôt catalogué
comme un homme bien à droite.
La cote de popularité de Barack Obama a nettement fléchie en
cette année 2013, la première de son second mandat après avoir été réélu sans
problème en novembre 2012 face au pâle Mitt Romney.
Et pourtant l’économie va nettement mieux ainsi que l’emploi
avec une baisse sensible du chômage et, surtout, la création de très nombreux
emplois.
Il faut dire que le climat politique n’a pas été très serein
et les Américains le font payer à tous les politiques, le président y compris
d’autant que celui-ci a connu quelques ratés dans la mise en place de sa
réformer phare, celle de l’assurance santé qui est toujours vue négativement
par une majorité de la population pour des motifs différents et qu’a éclaté
l’affaire des écoutes de la NSA, l’agence de sécurité nationale, suite à la
publication de documents secrets par Edward Snowden, la population étant
partagée entre la nécessité d’être protégée efficacement contre les terroristes
et celle de ne pas être surveillée et contrôlée par l’appareil étatique.
Néanmoins, force est de constater que les centristes
démocrates ont encore de beaux jours devant eux, en témoigne le traditionnel
sondage sur les personnalités les plus admirées qui sont encore, cette année,
Barack Obama pour les hommes et Hillary Clinton pour les femmes, loin devant
leurs poursuivants.
En outre, une étude très controversée publiée en fin d’année
(et sur laquelle nous reviendrons) estime que 51% des Américains sont des
centristes selon les critères retenus par l’institut de sondage Gallup. Même si
ces résultats semblent mélanger un peu tout et n’importe quoi, ils démontrent,
malgré tout, que l’espace central est de plus en plus une recherche et un
positionnement, à la fois, des citoyens, des hommes politiques et des
analystes, ce qui traduit une envie du corps social de sortir d’un affrontement
idéologique malsain où les extrémistes de droite du Tea party sont les principaux
meneurs.
Dernière indication: les deux favoris de la prochaine
présidentielle sont actuellement deux centristes, Chris Christie (républicain)
et Hillary Clinton (démocrate).
- L’Allemagne sans
centristes mais avec une grande coalition
La situation allemande est sans doute atypique. Voilà un
pays qui n’a plus de centre politique réellement défini depuis que les Libéraux
se sont transporté à la droite des Chrétiens démocrates (eux-mêmes ayant laissé
largement vacant, depuis quelques années, l’espace du centre-droit dont ils
sont pourtant issus) et que le SPD a glissé un peu plus à gauche suite à sa
défaite électorale de 2009.
Néanmoins, cela n’a pas empêché la mise en place d’une
grande coalition droite-gauche après les dernières législatives du 22 septembre
2013 pourtant gagnées facilement par la chancelière CDU sortante Angela Merkel
avec 41,55% des voix mais pas la majorité aboslue et ne pouvant plus compter
sur les libéraux laminés.
Celle-ci a voulu se montrer forte et droite dans ses bottes
avec un discours ferme sur la politique économique et sociale à suivre qui fait
la part belle aux entreprises et peu aux salariés.
Néanmoins, ses déclarations de fin de campagne électorale
ont été plutôt centristes afin de rassurer les Allemands qui ont été contraints
de faire des efforts ces dernières années sans en voir des résultats positifs
pour leur vie quotidienne.
Cette attitude d’Angela Merkel s’est prolongée dans les
négociations avec les sociaux-démocrates du SPD et elle a accepté ce que la
droite allemande avait toujours refusé de faire, l’établissement d’un salaire
minimum, condition sine qua non de la participation du SPD à la grande
coalition, lui qui se rappelle douloureusement que cette alliance avec la CDU
entre 2005 et 2009, déjà sous la direction de Merkel, ne lui a guère sourit.
- La Grande Bretagne
et son centre en péril
Les Libéraux-démocrates (LibDem) qui occcupent l’espace
centriste sont toujours en grand danger d’existence dans les années à venir
mais ont obtenu un répit en 2013 faute d’élections nationales. Néanmoins, les
européennes qui se dérouleront l’année prochaine risquent d’être périlleuses
pour les troupes de Nick Clegg, le vice-premier ministre du pays et allié du
conservateur David Cameron au sein de la coalition entre la Droite et le Centre
actuellement aux affaires.
Néanmoins, les bons résultats économiques du pays cette
année pourraient peut-être jouer en faveur des LibDem lors des prochaines
élections générales qui se dérouleront au plus tard en mai 2015.
- Berlusconi out et
le centre-gauche au pouvoir en Italie
Après les élections législatives de février 2013, le pays s’est
retrouvé dans un blocage politique très préoccupant. Car, même si le Parti démocrate
(centre-gauche) avait remporté les élections, il ne pouvait gouverner seul et
il avait promis de ne pas s’allier avec Berlusconi.
La seule solution était de se tourner vers les nombreux élus
populistes menés par l’ancien comique Beppe Grillo mais celui-ci refusait toute
alliance avec un parti traditionnel.
En fin de compte, c’est une grande coalition qui a été mise
en place.
Néanmoins, la situation s’est détériorée au moment où Silvio
Berlusconi a été une nouvelle fois évincé du pouvoir en Italie, perdant son
siège de sénateur suite à ses multiples condamnations judiciaires.
Est-ce la fin du «Cavaliere»? Aucun analyste sérieux ne peut
l’affirmer ce qui en dit long sur les problèmes au sein de la classe politique
transalpine…
Toujours est-il que Berlusconi a menacé de bloquer la
coalition, ce qu’il n’est pas parvenu à faire in fine, perdant une grande
partie de ses alliés.
C’est donc le centre-gauche qui est actuellement au pouvoir
avec aux commandes Enrico Letta du Parti démocrate qui dirige cette grande
coalition.
Un gouvernement qui a, désormais, les mains un peu plus
libres que précédemment lorsque Berlusconi lui faisait continuellement du
chantage.
Reste qu’il est difficile de savoir ce qui va se passer dans
les mois qui viennent, en Italie tout allant très vite, les gouvernements forts
d’hier sont souvent les gouvernements renversés de demain.
- Le Japon à droite
toute
L’échec de l’expérience centriste au Japon a ramené au
pouvoir la droite dure d’autant plus que les Japonais sont très inquiets des
menaces chinoises et du nationalisme agressif de Pékin à leur encontre.
Shinzo Abe, le nouveau premier ministre a décidé de remettre
le Japon sur les rails, ce qui en soi n’est pas mauvais au vu de la situation
du pays, mais son discours est très équivoque notamment sur ses références au
passé glorieux du pays.
Ces dernières font-elles allusion au Japon démocratique des
années d’après-guerre qui est devenu la deuxième puissance mondiale avant
d’être détrônée récemment par la Chine ou aux années de l’entre-deux guerres où
le Japon impérial, frustré de ne pas être reconnu par la communauté
internationale et les Etats-Unis déclencha un conflit avec ces derniers?
Les explications d’Abe ne sont pas très claires alors que
ses paroles fortes, elles, font mouche auprès d’une population vieillissante et
qui regarde la situation en Asie devenir explosive.
Les centristes du Parti démocrate japonais (PDJ) sont en
partie responsables de cette situation, eux qui ont géré le pays ces dernières
années, accompagnant son déclin plutôt qu’en inversant le cours de l’histoire
et faisant, au passage, de nombreuses bourdes, à la fois en matière de
politique intérieure (après le passage du tsunami) et de politique extérieure
(tension avec les Etats-Unis).
Surtout, les dissensions internes, les scandales et les
démissions ont miné le parti positionné plutôt au centre-gauche.
Après s’être installé au pouvoir en 2009, le PDJ a gouverné
pendant trois ans avec trois premiers ministres différents dont, le dernier,
Yoshihiko Noda, a subi une défaite cinglante en novembre 2012 puisque son parti
n’a remporté que 57 députés contre 294 au Parti libéral-démocrate d’Abe!
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC