Le courage politique a toujours une limite, malheureusement.
Si John Kennedy avait écrit un petit traité sur le sujet en
1957 afin de donner du fond à sa carrière politique et à sa future candidature
présidentielle, c’est qu’il est l’ingrédient essentiel d’une politique
responsable en démocratie, sachant que les intérêts divergents dans la société
seront toujours prompts à détruire toute velléité de réforme.
C’est d’ailleurs pourquoi, ni la Droite, ni la Gauche (et, a
fortiori les extrêmes de droite et de gauche) englués dans leurs clientélismes
ne sont capables d’aller jusqu’au bout de leurs prétendues ardeurs réformistes
et d’abandonner leurs grands serments volontaristes.
C’est pourquoi, seuls les centristes, dans une vision de
juste équilibre, peuvent y parvenir… lorsqu’ils ont le courage de le faire.
Manuel Valls avait semblé vouloir être courageux en se
déplaçant vers l’espace central.
Mais son discours devant l’institut Jean Jaurès sur
l’égalité vient rappeler que l’on ne s’affranchit pas de ses clientélismes
aussi simplement et facilement que cela.
Bien sûr, le premier ministre a tenté de jongler entre
l’égalité des chances, l’égalité ontologique que la société doit s’efforcer de
garantir à tous, et l’égalité sociale dans la redistribution et surtout le
nivellement.
Ainsi, s’il a rappelé que la Gauche table avant tout sur une
redistribution afin de permettre une égalité sociale, il a estimé qu’une
«prédistribution» était préférable.
Derrière de barbarisme que n’aurait pas renié une Ségolène
Royal, il parle simplement de l’égalité des chances qui est à la base de la
démocratie libérale et que défendent le Centre et le Centrisme qui, non
seulement, peut éviter les excès d’une redistribution mais permettre à chacun
de se réaliser sans être dans l’assistance et la dépendance étatique.
Du coup, il a certainement brouillé son message à
destination avant tout du PS et de ses militants pour les rassurer sur sa
défense des valeurs socialistes.
Néanmoins, il a tenu à affirmer que la Gauche c’est
l’égalité avant la liberté, c’est-à-dire une vision où la différence
individuelle doit passer après la ressemblance collective, où l’égalitarisme précède
le libéralisme.
De ce point de vue, son social-libéralisme semble viser
moins à libérer les énergies qu’à les encadrer, moins à encourager l’initiative
individuelle qu’à la circonscrire.
Ce qui indique, par ailleurs, une limite aux réformes en
cours qui seront bornées par ce principe d’égalité sociale qui peut paralyser
toute initiative allant au fond des problématiques qui empêchent le pays de se
moderniser et d’aller de l’avant.
A moins que Manuel Valls finasse avec sa majorité en lui
faisant prendre des vessies pour des lanternes, ce qui n’est pas à exclure.
Tenir un discours pendant que l’on agit à l’opposé ou, tout
au moins, que l’on prend une grande liberté avec les principes qu’il contient
est vieux comme la politique.
Cependant, il est aussi caractéristique d’un manque du
courage qui est de dire ce qui est afin de se réfugier dans des discours
alambiqués ce qui, in fine, mécontente tout le monde et permet toutes les
interprétations.
Et quand on voit les résultats d’un sondage de l’institut
CSA que 84% des personnes interrogées estiment qu’il faut transformer la France
«radicalement» ou «en profondeur» mais qui ne veulent en réalité ne pas toucher
majoritairement au fameux et désormais fumeux «modèle social français» moribond
ce qui fait dire au quotidien Le Monde que «les Français veulent tout changer
sans que rien ne bouge»...
Il faudra bien que Manuel Valls sorte de son ambiguïté s’il
veut être à l’origine d’une recomposition majeure du paysage politique français
en réunissant une majorité de progrès et réformiste qui construit sur des bases
solides la France du XXI° siècle.
Bien sûr, personne ne lui demande de ne plus être de gauche
ou d’abandonner sa fibre sociale et de devenir centriste.
Pour autant, il doit continuer à se convertir au pragmatisme
et au réalisme pour pouvoir prétendre faire alliance avec le Centre comme il a
affirmé le souhaiter.
Mais il faut convenir qu’il ne doit pas être le seul, tant à
Droite qu’à Gauche, à jouer cartes sur table et à, enfin, être courageux au
lieu de le dire.
Il serait d’ailleurs de bon aloi que les centristes montrent
l’exemple et la voie à suivre…
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
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