Ce n’est pas la «dédiabolisation» du Front national décrétée
unilatéralement par Marine Le Pen qui est inquiétante, quelle soit réussie ou
non, mais bien la banalisation du parti d’extrême-droite que l’on constate
quotidiennement et qui, elle, est une vraie réussite de la famille Le Pen grâce
à l’aide des politiques et des médias sans oublier les électeurs du FN.
Depuis les années 1980, lentement mais sûrement le Front
national a été intégré dans le jeu démocratique par la volonté d’abord des
politiques de gauche et de droite puis par celle des médias.
En banalisant le Front national, en acceptant l’inacceptable,
c’est bien sûr à une «décomplexion» de l’appartenance à ce parti et du vote en
sa faveur auquel on a abouti.
Il faut se souvenir que lorsque le FN commence à monter en
puissance en 1983-1984 grâce, entre autres, à l’aide de François Mitterrand notamment
avec l’institution de la proportionnelle aux élections législatives de 1986
afin de mettre des bâtons dans les roues de la Droite, la plupart des hommes et
femmes politiques des partis démocratiques refusent encore de débattre avec
lui.
De même, les médias refusent d’ouvrir leurs colonnes et
leurs antennes aux représentants du FN et les journalistes affirment qu’ils ne seront
pas les relais de la propagande d’extrême-droite.
Quant aux électeurs du FN, le plus souvent honteux, ils se
cachent, refusent de répondre aux sondages, voire mentent sur leurs votes.
A l’époque, on n’oublie pas, comme maintenant, que le
fondateur du Front national est un populiste démagogique violent qui s’est
encarté extrême-droite afin d’avoir un parti à sa dévotion (roulant dans la
farine les vrais créateurs du FN), qui fait des «blagues» racistes, xénophobes
et antisémites et dont une des activités, à part de s’en prendre parfois
physiquement à ses opposants, est de vendre des disques de chants nazis, sans
oublier ses condamnations pour «banalisation de crimes contre l’humanité».
De même, on n’oublie pas que le parti est composé de
militants brutaux venus de l’organisation Ordre Nouveau professant des thèses
fascistes.
Oui mais voilà, petit à petit, l’instrumentalisation du FN
et de Le Pen par la gauche et la droite leur donne une visibilité politique et
médiatique dont va profiter ce dernier qui ne s’embarrasse guère de nuances
pour porter un message de haine et d’exclusion, là où les partis démocratiques
sont obligés de jouer l’explication de la complexité du monde.
Et puis, devant la montée de ce vote «protestataire», le réflexe
politicien de récupération joue à plein avec ces fameuses maximes du genre «le
Front national pose de bonnes questions mais apporte de mauvaises réponses»
(dixit Laurent Fabius) ou cette volonté de ne pas marginaliser ou stigmatiser
les électeurs du FN qui sont de «bons» Français uniquement trompés et
déboussolés que l’on aimerait bien séduire pour gagner les élections: «Je veux
qu'on arrête de caricaturer, stigmatiser, exclure des électeurs qui sont des
Français» (dixit François Fillon).
Un réflexe qui a permis à l’extrême-droite et à ses leaders
mais aussi à ses militants et à ses électeurs de parader et de ne plus souffrir
d’aucun complexe.
Voilà sans doute le plus inquiétant puisque cela signifie
aussi, comme on le voit quotidiennement dans les médias, que le FN est devenu un
interlocuteur légitime du débat démocratique sans même que, la plupart du temps,
il soit fait allusion à l’idéologique qui sous-tend son action et son discours.
Il est temps que les centristes qui sont, à part quelques
brebis galeuses, les opposants les plus déterminés des thèses du FN de par leur
attachement à la démocratie libérale, à la solidarité, à la tolérance et à
l’ouverture au monde et qui défendent une Europe fédérale de paix et de progrès,
marginalisent à nouveau un parti qui aurait dû toujours demeurer dans les
marges marécageuses de la démocratie.
Demain, avec la présence de plus en plus plausible de Marine
Le Pen au deuxième tour de la présidentielle de 2017, l’arrivée de nouveaux
députés à l’Assemblée nationale et l’augmentation des élus à tous les échelons
territoriaux, la banalisation se poursuivra grâce aussi à un discours lénifiant
des responsables FN alors que les fondamentaux extrémistes demeurent.
Refuser la banalisation du Front national et lutter pour le
renvoyer dans les limbes de son idéologie destructrice des valeurs de la
démocratie républicaine est un devoir des démocrates, au premier rang desquels
doivent absolument se trouver tous les centristes.
Centristement votre.
Le Centriste
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