- UDI, envol ou stagnation?
Créée en 2012, l’UDI a du affronter deux examens de passage
en 2014.
Le premier a été constitué des rendez-vous électoraux où la
confédération regroupant plusieurs partis centristes et de droite modérée, a
obtenu des résultats satisfaisants mais sans plus.
Néanmoins, ces derniers ont démontré qu’elle pouvait avoir
une existence électorale, ce qui n’était pas gagné d’avance après la forte
déconvenue des centristes en 2012.
Le deuxième a été l’élection d’un nouveau président après le
départ de son fondateur, Jean-Louis Borloo.
Si la campagne a été peu consensuelle et loin d’être
amicale, elle n’a pourtant pas dégénéré en un pugilat comme beaucoup pouvaient
le craindre.
Le deuxième tour entre deux frères ennemis, Hervé Morin et
Jean-Christophe Lagarde, s’est déroulé dans un climat tendu mais le perdant,
Morin, n’a pas quitté le navire, ce qui était une des possibilités envisagées
par les observateurs.
Pour autant, le vrai rendez-vous de l’UDI se déroulera à la
fois en 2016 et en 2017 avec l’annonce d’une éventuelle candidature pour les
présidentielles et la capacité de la formation centriste lors des
présidentielles et des législatives d’avoir de bons résultats et de peser avant
et après sur la politique du pays.
En 2015, les élections départementales et régionales seront
sans doute pour l’UDI du même acabit que les municipales et les sénatoriales de
2014, c’est-à-dire des résultats encourageants mais pas mirifiques.
Mais ce qui occupera – ou devrait occuper – la direction et
les militants sera la consolidation du parti et la possibilité pour les
différents courants et les différentes personnalités de coexister, voire de
vivre ensemble sereinement.
De ce point de vue, le lancement d’une réflexion sur le
projet politique et le programme électoral en vue de 2017 pourrait être un
élément positif pour rapprocher les personnalités et éviter des clashs.
Mais rien n’est gagné d’avance et la survenance de
dissensions et de dissidences n’est pas à exclure.
Reste que celui ou ceux qui prendront le risque de mettre en
péril l’UDI pourraient en payer le prix fort politiquement parlant.
- Lagarde peut-il réussir?
Jean-Christophe Lagarde est donc devenu le nouveau président
de l’UDI, poste qu’il convoitait et qui était essentiel pour lui faire prendre
une nouvelle dimension politique.
Sa victoire avec près de 54% des voix ne souffre aucune
discussion même si elle n’est pas assez massive pour l’installer comme un
leader indiscutable et indiscuté.
Néanmoins, sa campagne et ses premiers pas en tant que
leader de la confédération ont été réussis mais ils n’ont pas levé les
interrogations sur ses capacités à diriger l’UDI ainsi qu’à devenir une
personnalité politique nationale de premier plan.
D’autant qu’il est loin de faire l’unanimité à l’intérieur
du parti et que les articles et autres reportages sur sa gestion de la ville de
Drancy et de la fédération UDI de Seine-Saint-Denis ont été loin d’être
élogieux, pointant des comportements limites et des pratiques peu
démocratiques.
Bien sûr, les renseignements sur lesquels se sont appuyés
les journalistes sont souvent venus du camp d’Hervé Morin et de ses amis mais
la personnalité de Lagarde ainsi que sa façon d’agir et de parler alimentent
assez facilement les doutes et les suspicions journalistiques.
Il semble évident qu’un des modèles politiques de
Jean-Christophe Lagarde, auquel il fait peu référence, est Nicolas Sarkozy et
sa façon d’agir à la hussarde, tant à l’intérieur de l’UDI que dans ses prises
de position.
Ainsi, il n’a pas de mots assez durs pour fustiger la
«mollesse» des centristes pour indiquer qu’il n’est pas de cette espèce,
préférant le coup de poing politico-médiatique.
Mais cette façon d’agir est loin d’être la vision centriste
de la politique alors qu’elle l’est largement pour celle de la Droite, ce qui
peut braquer une partie de l’électorat qui vote pour le Centre.
Dès lors, Jean-Christophe Lagarde devra démontrer que l’on
peut avoir un comportement agressif dans le bon et le mauvais sens du terme
tout en étant capable de délivrer un message humaniste qui a du sens, ce qui
est son leitmotiv selon ses propos.
Les dérapages verbaux font partie intégrante de sa stratégie
politique et de sa personnalité.
Reste à savoir s’ils lui ouvriront un avenir radieux ou, au
contraire, le mettront en total porte-à-faux avec le courant de pensée
politique qu’il veut représenter.
Mais il faut cependant louer le fond de son discours lorsqu’il
reprend les fondamentaux centristes trop souvent oubliés par d’autres, tant à
l’UDI qu’au Mouvement démocrate, ainsi que sa farouche détermination à
construire un Centre indépendant et une UDI forte.
En revanche, ses déclarations sans nuance sur moult sujets d’actualité
demeurent problématiques pour l’image de son parti.
- Mouvement démocrate, enlisement ou résurrection?
Que va devenir le Mouvement démocrate?
La question est assez récurrente depuis 2007 tant le parti
fondé par François Bayrou pour remplacer l’UDF ne parvient pas à se développer
du fait même qu’il a été créé avant tout pour permettre à l’ambition
présidentielle de son président de se réaliser, ce qu’il n’a pu faire jusqu’à
présent.
Reste que l’échec de 2012 où François Bayrou n’est pas
parvenu à dépasser les 10% de voix mais surtout les échecs à répétition lors de
toutes les autres élections nationales auxquelles il a participé n’ont pas
signé son arrêt de mort que beaucoup prédisaient.
Pour expliquer cela, bien sûr, il y a ces militants
totalement dévoués à leur chef, une anomalie dans l’espace centriste mais aussi
une certaine résilience de ces centristes qui estiment que le MoDem est
aujourd’hui le seul parti qui représente le Centre indépendant et qui ne
veulent pas entendre parler d’un ralliement à l’UDI qui, selon eux, est composé
de gens qui ont trahi la cause centriste en 2007, lors du second tour de la
présidentielle, qui a amené à la création du Nouveau centre et à son soutien
sans faille pendant cinq ans à Nicolas Sarkozy que François Bayrou, de son
côté, critiquait sans relâche.
Le retour à droite du Mouvement démocrate pose malgré tout
des questions sur son avenir.
Aujourd’hui, il est plus dans une sorte de doublon avec
l’UDI que de concurrence sur des lignes politiques différentes.
Mais les rancœurs étant tenaces tant à l’UDI qu’au MoDem, on
ne voit pas encore une réunification de la famille centriste dans une seule
formation.
Du coup, le Mouvement démocrate ne va pas disparaître, sans
doute, avant 2017.
Après, c’est une autre histoire.
- Quid de l’avenir présidentiel de François Bayrou?
Trois tentatives, trois échecs dès le premier tour, surtout
une descente vertigineuse entre la troisième place de 2007 avec 18,7% des voix
et la quatrième de 2012 avec moins de 10% des voix, loin derrière les candidats
du PS et de l’UMP mais aussi, nettement plus grave, du Front national.
Dans ce cadre, on peut légitimement se poser la question de
savoir si François Bayrou a encore un avenir présidentiel.
2015 sera peut-être une année charnière pour apporter des
éléments de réponse dans un sens ou dans un autre.
Aujourd’hui, les choses semblent claires puisque François
Bayrou affirme avoir fait allégeance à Alain Juppé s’il est candidat.
Mais, car il y a un mais, si l’ancien premier ministre de
Jacques Chirac et actuel maire de Bordeaux ni va pas, alors il laisse ouverte
la porte à sa propre candidature.
Le président du Mouvement démocrate, qui a ressuscité
politiquement avec son élection à la mairie de Pau, estime sans doute qu’il a
encore ses chances puisqu’il demeure dans le peloton de tête des baromètres des
politiques les plus appréciés des Français.
S’il se présente en 2017, il compte jouer le rejet, à la
fois, de Hollande et de Sarkozy et la peur de Le Pen pour arriver en tête des
candidats démocrates au premier tour et comme seul rempart à l’extrême-droite
au second.
Un challenge qui n’est pas impossible mais qui ne semble pas
le plus probable.
- L’Alternative, disparition ou dynamique?
L’Alternative, cette «organisation coopérative» mise en
place en 2013 par Bayrou et Borloo pour rapprocher le MoDem et l’UDI a-t-elle
encore un avenir? Ou, plutôt, a-t-elle encore un intérêt?
Sa seule utilité jusqu’à aujourd’hui a été d’être un cartel
électoral qui a permis des listes communes entre les deux partis centristes aux
européennes.
Mais le résultat a été très décevant, moins de 10% des voix
et une quatrième place derrière le FN, L’UMP et le PS, dans une élection où,
pourtant, les thèses centristes rencontrent généralement une plus forte adhésion.
Dès lors, on peut se demander à quoi sert l’Alternative
d’autant que lorsque l’on parle des élections départementales et régionales de
2015, c’est pour indiquer la constitution de listes communes UMP-MoDem- UDI
sans aucune mention pour l’organisation coopérative.
Peut-être que l’Alternative ne sera pas dissoute – on ne
sait jamais, elle pourrait servir – mais on ne voit pas pourquoi elle
deviendrait autre chose que ce qu’elle est actuellement.
- Centristes de l’UMP, à quoi vont-ils servir?
Depuis la création de l’UDI, les centristes de l’UMP sont
une sorte d’anomalie politique d’autant que, malgré les efforts d’un
Jean-Pierre Raffarin ou de quelques autres, on ne les entend peu, qu’ils ont
peu d’idées et que leur seule ambition semble être, à la fois, de tenter d’exister
dans le parti et de ne pas perdre leurs mandats électifs afin de ne pas
disparaître du paysage politique.
Pour autant, malgré cette totale marginalisation à l’intérieur
de l’UMP, ils ne se sont pas ralliés en masse à l’UDI, loin de là.
A part les troupes de Borloo venues de l’UMP – et encore pas
toutes – les prises de guerre ont été limitées à quelques personnes en rupture
de banc avec le parti de droite (Méhaignerie, par exemple). Et celles-ci ont eu
lieu en 2012.
Même l’élection à la présidence de l’UMP de Nicolas Sarkozy
avec un discours très à droite et un mépris pour les centristes (mais pas pour
leurs voix) n’a causé aucun départ de ces derniers vers l’UDI.
Ce n’est donc pas en 2015 que l’on devrait assister à des
retrouvailles des centristes de l’UMP avec ceux de l’UDI et du Mouvement
démocrate.
Mais les centristes de l’UMP ou ceux qui se prétendent
centristes seraient bien inspirés, parfois, de marquer leur différence ou leur
originalité, ce qu’ils font de moins en moins, se laissant lentement aspirer
pour ne devenir que des droitistes modérés, ralliés à l’un ou l’autre des
leaders de l’UMP.
- Juppé peut-il séduire les centristes?
Alain Juppé veut avoir les centristes avec lui pour devenir
président de la république. Mais, a-t-il tenu à préciser alors que personne ne
le lui demandait, il n’est pas centriste.
Dont acte.
C’est vrai que le gaullo-radicalisme modéré de Juppé peut
séduire les centristes d’autant que l’homme se veut réformiste à l’inverse de
son mentor, Jacques Chirac, qui repoussa, après la cuisante défaite des
législatives de 1997, toute idée de modernisation de la société française lors
de ses deux mandats pour ne froisser personne.
Si François Bayrou s’est déjà rallié à Alain Juppé, ce n’est
pas encore le cas de l’UDI même si certains à l’intérieur de la confédération
comme Hervé Morin seraient prêts à le faire.
Cependant, les trois autres candidats à la présidence, dont
le vainqueur (Fromantin, Jégo, Lagarde) sont loin de vouloir remettre les clés
de l’UDI à Alain Juppé.
Ce dernier devra donc faire des efforts pour les convaincre
et 2015 verra sans doute des initiatives dans ce domaine de la part du maire de
Bordeaux.
- Valls peut-il créer une nouvelle majorité de centre-gauche?
Manuel Valls a occupé le terrain politique en 2014 avec,
entre autres, sa volonté d’ouvrir la majorité présidentielle au centre.
Les partis centristes ont répondu avec une fin de non
recevoir mais le premier ministre de François Hollande voit sans doute plus
loin qu’une entrée de quelques personnalités du Centre dans son gouvernement.
C’est à une recomposition politique qu’il veut s’atteler.
Issu du courant rocardien du PS, celui-là même qui, en 1988,
avec son fondateur, Michel Rocard, comme premier ministre, fit entrer des
centristes dans un gouvernement de gauche, il sait que ce qui rapproche les
sociaux-libéraux dont il fait partie et les libéraux sociaux que sont les
centristes est plus important que ce qui rapproche les premiers nommés de la
gauche radicale et de la vieille gauche arc-boutée sur des visions périmées de
la société.
Cette recomposition, Manuel Valls la voit pour 2017 et la
présidentielle, ou, si ce n’est pas encore possible, pour les années d’après.
Les convictions de Manuel Valls en la matière ne peuvent
être niées.
Depuis des années, il plaide pour une ouverture du PS vers
le Centre. Cependant, dans sa vision actuelle, il faut que ce soit les
centristes qui se rallient plutôt que d’une nouvelle organisation du paysage
politique.
C’est pourquoi il semble peu probable qu’une nouvelle
majorité de centre-gauche voit le jour en 2015 mais il sera intéressant de voir
quelles seront les évolutions en la matière et si un dialogue va ou non
s’instaurer entre les deux parties.
- Axe central, plus qu’un feu de paille?
Y a-t-il un axe central en gestation en France qui
regrouperait les centristes, les sociaux-libéraux du PS (voire certains
sociaux-démocrates) et les réformistes de l’UMP?
S’il est un peu trop tôt pour l’affirmer, en tout cas, les
convergences idéologiques existent bel et bien.
Les difficultés dans lesquelles se trouve le gouvernement de
Manuel Valls et le vraisemblable changement de majorité en 2017 (ou avant), ne
facilitent guère une reconstruction du paysage politique dans les deux années
qui viennent.
Cela dit la radicalisation d’une partie de l’UMP et du PS,
la montée des extrémismes populistes et poujadistes ouvrent enfin cette
discussion sur les valeurs communes à cet espace central où pourrait se
constituer cet axe central.
Quoi qu’il en soit, ce sera par une alliance électorale sur
un projet et une légitimité issue du suffrage universel que cet axe pourra
exister un jour, sinon il ne sera qu’un objet politicien sans grand avenir.
- Front national, le Centre devant ses responsabilités
Les centristes luttent depuis toujours contre les
clientélismes, tous les clientélismes qu’ils viennent de la Gauche ou de la
Droite.
De ce point de vue, ils sont les mieux placés pour lutter
contre ces extrémismes qui s’appuient sur les pires penchants d’une partie de
l’électorat et qui gagnent du terrain chaque année en France, qu’ils viennent
de la Droite ou de la Gauche.
Il faudra se rappeler de cette année 2014 où, pour la
première fois, un parti d’extrême-droite est arrivé en tête d’une élection
nationale en France, en l’occurrence les européennes.
Les partis centristes doivent donc être le fer de lance d’une
lutte contre l’obscurantisme du Front national et de son projet rétrograde pour
la France ainsi que pour sa vision totalement opposée à celle humaniste du
Centre.
Jusqu’à présent, tant au Mouvement démocrate qu’à l’UDI, les
comportements sont globalement exemplaires face au FN à part quelques
exceptions vite réprimées.
Mais le Centre ne doit pas relâcher la pression et entraîner
avec lui tout ce que le pays compte de démocrates.
- Les centristes à la recherche de crédibilité
Où sont les partis centristes et que veulent-ils?
Voilà deux questions au cœur même de la problématique
politique que rencontre le Centre.
Dans les sondages, les Français se disent proches du Centre
et de ses valeurs humanistes et aiment bien les leaders centristes
identifiables comme Bayrou ou Borloo, par exemple.
Ils ont même placé une centriste, Simone Veil, comme leur
personnalité préférée.
Oui, mais voilà, lors des élections, les partis centristes
sont loin derrière ceux de gauche et de droite.
Il faut dire qu’il est souvent difficile à l’électeur de
savoir où se trouvent les centristes.
Le récent revirement de François Bayrou d’une proximité à
gauche vers un ralliement avec la Droite ou le brandissement par l’UDI de son
indépendance alors qu’elle se dit dans une alliance «naturelle» avec la Droite,
ne sont pas fait pour l’éclairer.
De même, il a du mal à savoir ce que les partis centristes
proposent en matière économique, sociale, sociétale ou internationale pour
permettre de recréer les conditions d’un vrai progrès humaniste en France.
Notre électeur les voit s’opposer frontalement au
gouvernement de Manuel Valls alors qu’ils parlent de trouver des consensus et
d’avoir une position constructive, ce qui n’est pas non plus très clair.
La récente déclaration de Jean-Christophe Lagarde affirmant
que l’UDI voterait contre toutes les mesures contenues dans la loi Macron alors
que des membres de son parti disaient le contraire comme Jean-Christophe
Fromantin, est malheureusement caractéristique d’un positionnement flou sachant
qu’en matière de mariage homosexuel, c’est Lagarde qui a voté avec le
gouvernement et Fromantin qui s’est violemment opposé, étant même un des
leaders des manifestations contre cette mesure.
Si les centristes veulent que les Français votent pour eux
en masse en 2017, il va falloir qu’ils leur donnent de bonnes raisons pour le
faire.
Donc qu’ils expliquent qui ils sont et ce qu’ils veulent dès
2015.
Et que cela ait du sens.
Alexandre Vatimbella avec l’équipe du CREC
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