Quasiment six ans jour pour jour
après que Barack Obama ait été élu le 44° président des Etats-Unis sur un
programme essentiellement centriste, le Congrès des Etats-Unis vient de
basculer totalement à droite après les élections de mi-mandat et sur un thème quasi-monomaniaque,
faire mordre la poussière au locataire de la Maison Blanche.
Ainsi, la majorité de droite a
été confirmée à la Chambre des représentants et le Sénat a basculé du même
côté.
Les républicains sont donc
majoritaires dans les deux assemblées et se retrouveront à gouverner avec ce
président centriste dont ils avaient fait la principale, sinon l’unique, cible
durant toute la campagne électorale, déversant avec leurs alliés, des milliards
de dollars pour y parvenir, notamment dans des publicités politiques au goût de
plus en plus douteux, faisant de ces élections les plus chères jamais vues à
mi-mandat.
En outre, les républicains ont
conforté leur positions dans plusieurs Etats, notamment dans ceux où leur
politique a pourtant viré au désastre (Wisconsin ou Kansas) et ont gagné des
Etats jusque là démocrates (Massachusetts, Illinois) où ils installent les
leurs au poste de gouverneur.
Pour certains médias américains,
il s’agit d’une vague rouge (couleur des républicains, celle des démocrates
étant la bleue), voire d’un raz-de-marée, ce qui semble, malgré tout, un peu
excessif même si les démocrates doivent être choqués d’avoir été si lourdement
sanctionnés alors que le pays va nettement mieux qu’en 2008 lorsque le
président républicain, George W Bush quitta le pouvoir.
Personne ne sait encore comment
les républicains vont profiter de leur victoire alors que la prochaine
présidentielle se déroule dans deux ans et qu’il leur faut absolument démontrer
qu’ils sont capables de gouverner et de prendre des décisions importantes, eux
qui n’ont depuis six ans eu qu’une seule tactique contre Obama, l’obstruction
et la volonté de détruire tout ce que ce dernier avait construit.
D’autant que le pays n’aime
toujours pas les républicains (ils sont moins populaires que les démocrates et
le président qu’ils viennent de battre!) et leurs positions extrémistes dans
bien des domaines inquiètent les Américains qui souhaiteraient plus de
modération et de consensus à Washington.
Et, justement, à propos de cette
modération et de ce consensus, ce qui est plus préoccupant pour le Centre,
au-delà de cette défaite, c’est qu’il continue à disparaître petit à petit du
Congrès alors qu’il représente une importante force électorale potentielle
comme le montre tous les sondages mais aussi l’élection et la réélection dans
un fauteuil, voici deux ans à peine, de Barack Obama.
N’oublions pas que ce dernier se
définit comme centriste ainsi que la favorite pour la présidentielle de 2016,
Hillary Clinton, tous deux au Parti démocrate alors que l’on ne trouve que des
centristes résiduels au Parti républicain.
Comment donc se fait-il que la
droite, parfois radicale voire extrême, parvienne à de si bons résultats
d’autant que dans les rangs des républicains il y a quasiment plus de
centristes alors qu’ils étaient une force majeure il y a encore vingt ans?
Passons rapidement sur la
sempiternelle explication que le pays a viré à droite – ce qui n’explique
évidemment pas les victoires d’Obama et peut-être celle de Clinton --, car il
ne faut pas oublier que lors des élections de 2012 qui vit la victoire d’Obama,
les démocrates devancèrent les républicains de plus d’un million de voix pour
l’élection à la Chambre des représentants et se retrouvèrent malgré tout
largement minoritaires!
Tout cela du fait du découpage
incroyable des circonscriptions où chaque parti – mais surtout le Parti
républicain – a bâti des fiefs inexpugnables rendant souvent illusoire la
démocratie puisqu’avec une minorité dans les urnes on peut désormais contrôler
le Congrès avec une large majorité.
De plus, Barack Obama souffre de
ce syndrome qui expose dorénavant le chef d’un pays au désamour d’une
population souvent sur des sentiments diffus et non sur une réalité concrète.
Ainsi, on chercherait en vain les
cataclysmes promis par les républicains si Barack Obama – rendu responsable de
l’épidémie Ebola et de la création de l’Etat islamique! – n’était pas battu à
ces élections (les républicains ont plus cité le nom du président dans leurs
publicités, dans leurs interventions dans les médias, dans leurs discours et
dans les débats face à leurs opposants que les démocrates…) mais le rejet du
pouvoir central a joué à fond des deux côtés de l’échiquier politique.
Car si les républicains l’ont si
facilement emporté, c’est également parce que nombre d’électeurs démocrates ne
sont pas déplacés dans les bureaux de vote, reprochant à Obama son centrisme.
Mais si les électeurs ont voté
pour un parti qu’ils détestent encore plus que le président, c’est qu’ils ont
été déçus par ce dernier.
Quand on dit cela, il faut se
remémorer ce qu’on disait de Barack Obama en 2008.
Il était présenté par les médias
américains et mondiaux comme une superstar et un superman qui allait régler
tous les problèmes des Etats-Unis et du monde.
Son intelligence, son charisme,
ses qualités relationnelles étaient loués partout.
Dès cette première élection, il
était évident qu’il ne pouvait que décevoir, même s’il avait réussi tout ce
qu’il avait entrepris, tellement on lui demandait plus.
Et, bien sûr, il n’a pas toujours
été à la hauteur, non de cette attente, mais de ce qu’il avait lui-même
déclaré.
Surtout, il est apparu comme un
homme loin du peuple (pas forcément de ses préoccupations) et qui avait du mal
à lui parler, ce qui l’a enfermé dans une sorte de tour d’ivoire où les
républicains l’ont ensuite retenu prisonnier.
De même, sur plusieurs dossiers
importants, sa réflexion, pourtant légitime, est apparue comme une faiblesse
dans un monde où le paraître fait souvent la personne.
On se rappelle ainsi de sa
volte-face face à Bachar El Assad en Syrie mais aussi son incapacité à se
décider à mettre en place une réforme de l’immigration.
A chaque fois, les arguments sont
tout à fait recevables mais ils apparaissent comme des renoncements couplés avec
une certaine faiblesse.
Plus généralement, Il y a
également ce problème auxquels sont confrontés tous les centristes qui
parviennent au pouvoir dans tous les pays du monde: gouverner au centre tout en
devant constamment essuyer les critiques et les attaques de la Gauche et de la
Droite et ce tout en continuant à chercher des terrains d’entente avec la
Droite et la Gauche, puisque cela fait partie de leur Adn.
Car Droite et Gauche ne sont pas
prêtes aux compromis et profitent d’une main tendue pour décrire le pouvoir
centriste comme mou et indécis ainsi que pour affirmer que sa politique vient
de l’autre camp afin de mobiliser son électorat-clientèle.
Les républicains avaient décidé
en 2008, dès le lendemain de l’élection historique de Barack Obama à la présidence
de lui faire vivre un enfer, à la fois parce qu’il voulait réformer un pays qui
en avait tant besoin et parce qu’il voulait gouverner de manière bipartisane,
voire post-partisane, ce qui représentait un danger électoral majeur pour un
parti républicain déjà bien ancré dans une droite radicale.
In fine, ils ont réussi après six
ans d’attaques incessantes, de blocages au Congrès, d’insultes sur le président
(qui, rappelons-le, a été présenté comme un nouvel Hitler ou un nouveau Staline
par les extrémistes du Tea Party…).
Doit-on en être satisfait pour la
démocratie américaine et pour la démocratie tout court?...
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
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