On avait prédit que 2014 serait une année test pour cette
fameuse refondation du Centre qui est loin d’être terminée encore aujourd’hui.
Après la création en deux temps de l’UDI en 2012, celle de
l’Alternative en 2013, 2014 était une année d’élections (municipales,
européennes, sénatoriales) qui allait voir les partis centristes se confronter
aux électeurs pour la première fois après leurs terribles résultats de l’année
2012 et leur permettre de jauger leur solidité et leur potentiel dans la
perspective de 2017.
On n’avait évidemment pas prévu que cette année 2014 serait
aussi celle du passage de témoin entre Jean-Louis Borloo et son successeur,
après que le président fondateur de l’UDI ait décidé de jeter l’éponge suite à
un grave problème de santé mais aussi par une grande lassitude de ne pouvoir
structurer la confédération de centre-droit en un parti unifié dédié à son
projet politique et à ses ambitions personnelles.
Quel bilan tirer à propos du Centre alors que viennent de se
terminer les élections à la présidence de l’UDI qui ont vu la victoire de
Jean-Christophe Lagarde sur Hervé Morin et que l’avenir de la formation n’est
pas encore totalement assurée même si Morin a accepté le résultat tout en
pointant des irrégularités et en se déclarant le vainqueur moral?
- Refondation de l’espace centriste
En ce qui concerne l’espace centriste, le constat est
mitigé.
L’UDI, qui a passé le cap des deux ans d’existence, a assez
bien tenu le choc des élections externes et surtout internes mais demeure
encore un parti en structuration avec des forces qui ne sont loin d’être
soudées et des leaders qui sont plus en mode confrontation qu’en celui de collaboration.
Tout le travail du nouveau président, Jean-Christophe
Lagarde, sera d’insuffler une dynamique permettant, dans les mois qui viennent,
de surmonter ce manque de cohésion autour de l’écriture d’un projet et d’une
identité politiques afin de transcender les ambitions personnelles en une
aventure collective.
Néanmoins, la tâche s’annonce rude et le succès n’est pas
assuré, loin de là.
Le Mouvement démocrate, lui, a continué à devenir une petite
formation totalement dédiée à son chef, François Bayrou.
Il a pu se refaire une petite santé lors des municipales
(avec l’élection de Bayrou à la mairie de Pau) et a limité les dégâts lors des
européennes grâce à sa nouvelle alliance avec l’UDI et l’UMP, tournant ainsi le
dos au fameux «ni, ni» de son président qui avait eu comme conséquence sa
quasi-disparition de l’Assemblée nationale en 2012 (un siège de député).
Si, à l’inverse de l’UDI, le leader du Mouvement démocrate
est connu et se trouve parmi les personnalités les plus appréciées des
Français, cela ne se traduit pas pour le parti par des succès électoraux et une
place dans les grandes formations politiques.
Ce serait d’ailleurs plutôt le contraire avec un paradoxe
qui s’explique peut-être par l’extrême identification du MoDem à son seul chef,
n’en faisant qu’un outil à ses ambitions et non un parti traditionnel aux yeux
des électeurs.
En outre, une partie de la gauche du MoDem a claqué la porte
après le rapprochement de François Bayrou avec l’UMP et avec Alain Juppé et s’en
est allée créer un nouveau parti, le Front démocrate, qui peine à exister.
Quant à l’Alternative, cette «organisation coopérative»
entre l’UDI et le MoDem, créée par François Bayrou et Jean-Louis Borloo, elle
n’a été, jusqu’à présent – et définitivement? – qu’un cartel électoral qui, s’il
a été très peu utilisé lors des municipales, a été l’étiquette sous laquelle se
sont présentées les deux formations centristes aux européennes au grand profit
du Mouvement démocrate et au grand dam de l’UDI.
Mais aucune avancée n’a été faite sur un quelconque projet
commun (ni même sur un projet de chacun d’entre eux), les partis centristes se
contentant de montrer une opposition peu constructive face à François Hollande
et au gouvernement de Manuel Valls, pariant sur la victoire assez évidente de
la Droite en 2017 et, donc, dans le cadre d’une alliance «naturelle» avec
celle-ci, à leur retour au pouvoir.
- Puissance politique et électorale du Centre
En matière politique et électorale, le Centre a enregistré
des avancées timides.
Le Centre demeure une force politique de second plan et ne
parvient pas à se hisser au niveau du PS et de l’UMP, ce que le FN est parvenu
à faire de son côté.
Si l’UDI et le Mouvement démocrate clament qu’en nombre
d’élus les partis centristes sont la troisième force du pays, les sondages en
font la quatrième force derrière l’UMP, le PS et le FN, et plus proche des
scores des écologistes et du Front de gauche que des trois premiers.
Les élections municipales et sénatoriales, si elles ont vu
effectivement des gains, ceux-ci n’ont pas été conséquents et, dans la plupart
des cas, obtenus au sein d’une coalition avec l’UMP et non pas sur le simple
nom de l’UDI ou du MoDem.
Surtout, les élections européennes, les seules où le Centre
est allé au combat uniquement sous sa propre bannière, ont été un échec cuisant
avec moins de 10% (9,93%) des voix alors que, dans le même temps, le Front
national devenait le premier parti de France avec près de 25% (24,85%) des voix
sur un programme totalement anti-européen.
Pourtant, l’espace centriste demeure malgré tout un lieu
convoité par la Gauche et la Droite en prévision des élections présidentielles
et législatives de 2017 qui ne se gagneront pas sans les électeurs centristes
pour l’un ou l’autre camp.
Ainsi, tant à gauche avec Manuel Valls qu’à droite avec
Alain Juppé, les centristes sont très courtisés et un axe central est en train
d’émerger sans que l’on sache, pour l’instant, s’il sera une solide alternative
à la Gauche et à la Droite ainsi qu’à l’extrême-droite dans les années qui
viennent.
La bonne nouvelle pour la refondation du Centre est donc que
les partis centristes n’ont pas disparu et ont été capables de gains lors des
élections municipales et sénatoriales.
Mais on est loin encore d’une robustesse qui permet de
regarder l’avenir avec sérénité.
C’est même plutôt le contraire avec un risque
non-négligeable d’implosion de l’espace centriste qui ne signifierait pas la
mort du Centre mais son incapacité à être une force politique crédible pour les
Français.
Pour autant, les potentialités existent.
Reste aux centristes de ne pas les gâcher.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
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