Le Centre possède de fortes potentialités et de grands
atouts nous disent les sondeurs et autres commentateurs de la vie politique.
Les Français aiment bien les hommes et femmes politiques
positionnées au centre style Juppé (depuis qu’il n’est plus premier ministre)
ou Valls (avant qu’il ne soit premier ministre…) et ils ont même une grande
sympathie pour des centristes comme François Bayrou et Jean-Louis Borloo, sans
parler de Simone Veil, qui se trouvent souvent dans les premières places des
baromètres des personnalités politiques.
Ce qui permet à un chercheur en sciences politiques comme
Pascal Perrineau du Cevipof (Centre d’étude de la vie politique de Sciences Po)
de reprendre dans Le Figaro, la constatation que j’avais déjà pointée dans le
même quotidien de la possible constitution d’un vaste champ au centre de
l’échiquier politique: «en termes d’opinion, un espace centriste important se
développe, du social-libéralisme de Manuel Valls au libéralisme social de
François Bayrou, en passant par le libéralisme de François Fillon et le
réformisme d’Alain Juppé».
Et de prédire que «l’homme qui saura s’adresser dans les
mois et les années qui viennent aux femmes et aux hommes qui, en dépit de leurs
divisions politiques, se retrouvent peu ou prou dans cet espace central,
acquerra la position hégémonique qui peut permettre de gagner l’élection
présidentielle et surtout de gouverner et réformer dans de bonnes conditions».
Très bien.
Mais où cela se traduit-il en termes politiques et
électoraux pour les partis centristes ailleurs que dans une sympathie éprouvée
pour quelques personnalités?
Nulle part.
On l’aime bien le centriste mais apparemment pas au pouvoir!
Dans les sondages lors des présidentielles, ni Borloo, ni
Bayrou n’ont jamais obtenu une majorité quant à leur statut d’homme d’Etat ou
quant à l’envie des Français de les voir occuper le fauteuil de l’Elysée.
De même en termes de résultats aux élections, à part
quelques «anomalies» positives ou négatives, les partis centristes réunis
oscillent entre 9% et 11% des voix au niveau national avec quelques bastions
régionaux et citadins qui leur permettent d’obtenir des élus, la plupart,
néanmoins, après un accord de désistement, aujourd’hui avec la Droite, hier, au
début de la V° République, avec la gauche.
Ce paradoxe a-t-il une explication?
Il est bien sûr difficile de sonder les pensées profondes
des électeurs.
Pour autant, il semble que l’on soit ici dans le cadre d’une
image floue, d’un manque de crédibilité, d’une insuffisance de capacité à
convaincre et d’une carence dans un leadership politique.
Reprenons.
Les Français ne savent pas très bien où se trouvent les
centristes.
Deux exemples.
Après avoir fustigé la Droite et l’UMP, appelé à voter
François Hollande en 2012 et refusé d’appeler à voter pour un des finalistes en
2007, François Bayrou, recalé pour faire partie de la majorité actuelle, a
rejoint le camp de la Droite et s’est allié à Alain Juppé, homme politique le
plus proche de Jacques Chirac que le leader du MoDem a fustigé pendant des
années, refusant même de voter la confiance à son gouvernement dirigé alors par
Dominique de Villepin.
En se créant, l’UDI – qui a le mot «indépendance» dans son
appellation et à la bouche de tous ses leaders – a immédiatement fait
allégeance à la Droite et à l’UMP en déclarant cette dernière comme sa
partenaire «naturelle» tout en expliquant en totale contradiction avec cette
affirmation qu’elle serait intransigeante vis-à-vis de son indépendance et de
son projet politique, refusant tout rapprochement qui pourrait être considéré
comme une compromission politicienne mais en se montrant un allié sans faille
avec l’UMP lors des élections au nom de cette alliance naturelle (et des
désistements réciproques qui vont avec).
Il faut avouer que c’est bien difficile pour un électeur qui
n’est pas politologue de savoir exactement quel est le positionnement politique
des centristes d’autant qu’il cherche en vain leur projet de société.
Ou, plus grave, il lui est facile de trouver que ceux-ci
naviguent un peu à droite, un peu à gauche comme les opportunistes et ne sont
pas très souvent au centre et quand ils le sont c’est surtout pour négocier
quelques accords pour des sièges de députés ou de sénateurs et des strapontins
gouvernementaux.
Comment dès lors apporter sa confiance et son vote à un
parti qui, avant même de proposer un projet politique, indique qui sera son
allié naturel?
Comment de même apporter sa confiance et son vote à un homme
dont on ne sait toujours pas avec qui il gouvernerait une fois au pouvoir?
D’où une image quelque peu écornée qui ne donne en tout cas
pas envie de glisser son bulletin de vote dans l’urne en faveur des centristes
et d’estimer qu’au-delà du côté sympathique de leurs personnalités, celles-ci
n’ont guère démontré leurs capacités à gouverner en ayant le leadership.
Pour inverser cette vision peu valorisante du centriste
sympathique, qui peut avoir de bonnes idées mais qui n’a pas la stature pour diriger
le pays, il faut évidemment que les partis centristes soient capables de se
rendre crédibles aux yeux des électeurs.
Et cela passe d’abord par un «coming out» politique!
Il est ainsi primordial que les centristes expliquent qui
ils sont, où ils sont et ce qu’ils veulent faire, le plus clairement possible
sans se cacher derrière les apparences et les postures, sans crainte d’assumer
leur positionnement en rapport avec leurs convictions.
Bien entendu, l’entretien d’un flou artistique où le Centre
est associé à la modération et au consensus mou leur apporte quelques avantages,
notamment celui de ne pas se dévoiler et de pouvoir se raccrocher à tous les
wagons qui passent ou de menacer de le faire s’ils n’obtiennent pas les postes
qu’ils souhaitent sans d’ailleurs aller jusqu’au bout de ces menaces, ce qui décrédibilise
un peu plus les centristes aux yeux des Français.
In fine, il s’agit d’un handicap plutôt rédhibitoire qui se
traduit par des échecs répétés lors des rendez-vous électoraux.
Parce que s’il est bien une idée que l’on associe avec les
centristes actuellement, c’est celle de malléabilité ou, pire, d’une absence de
leurs convictions qui leur permet, certes, de grappiller quelques restes mais jamais
d’être ceux qui dirigent effectivement le pays.
Une fois que les Français auront compris où se trouvent
réellement les partis centristes – qui devrait être le Centre! –, à n’en pas
douter, ceux-ci engrangeront une dynamique qui pourrait les mener loin si l’on
en croit les sondages, notamment ceux sur les souhaits des électeurs en matière
de réformes.
Reste à savoir si les centristes auront assez de courage et seront
assez responsables pour faire un vrai coming out dans une complète clarté et
s’émanciper enfin de ce flou si sécurisant qu’ils cultivent depuis tant d’années…
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