Peut-on défendre une politique et refuser de faire alliance
avec ceux qui sont comme vous et qui, en plus, dirigent le pays?
Telle est en gros la question qui s’est (re)posée aux
centristes à propos des (nouvelles) orientations du (nouveau) gouvernement de
Manuel Valls et d’en faire partie.
Les médias ont parlé de contacts entre les personnalités
centristes (de Bayrou à Lagarde en passant par Jégo) et le premier ministre qui
aurait souhaité débaucher quelques uns d’entre eux.
Mais cela ne s’est pas fait.
Pourquoi alors que les orientations politiques de Valls sont
de plus en plus centro-compatibles?
Il y a des raisons bassement politiciennes mais aussi des
raisons politiques.
En ce qui concerne la politique, il ne faut pas oublier que
François Hollande a fermé la porte au Mouvement démocrate et à François Bayrou
après son élection à l’Elysée.
Ce n’est sans doute pas par conviction que le président de
la république a agi de la sorte mais par une impossibilité de mettre en place
une politique social-démocrate rejetée par une frange importante du Parti
socialiste tout en faisant entrer des centristes dans son gouvernement avec une
alliance en bonne et due forme.
La pilule aurait sans doute était trop grosse à avaler pour
les socialistes étatistes.
Ce rendez-vous manqué a pesé évidemment dans les relations
avec le Mouvement démocrate qui s’est droitisé avec le départ de l’aile gauche
de la formation et le rapprochement de François Bayrou avec l’UDI puis avec la
frange modérée de l’UMP, sans parler de son soutien à Alain Juppé.
En ce qui concerne l’UDI, les bases de la politique de
François Hollande en 2012 n’étaient pas, selon ses responsables, assez
libérales.
Ce que l’on peut comprendre de part du chef de l’Etat qui ne
pouvait pas, dès après l’élection, faire un virage à 180 degrés même s’il
savait que la situation économique et sociale du pays le justifiait.
Dès los, la porte centriste se refermait et était
verrouillée des deux côtés.
L’arrivée de Valls à Matignon a évidemment changé la donne
avec une politique social-libérale assumée et hautement compatible avec le
libéralisme social du Centre.
Mais il était difficile, encore une fois, à Valls de faire
accepter ce nouveau rapprochement vers les thèses centristes aux troupes
socialistes tout en ouvrant la porte aux centristes.
Le nouvel infléchissement actuel n’a donc pas fait bouger
les lignes.
Là, on entre dans les raisons politiciennes.
Il est évident que Manuel Valls aurait bien aimé épingler un
ou deux centristes à son tableau de chasse pour démontrer que sa politique
était rassembleuse et se donner un peu d’air.
Mais, en face, il était tout aussi évident que les mauvais
résultats de l’économie française et les chiffres catastrophiques de la
popularité de l’exécutif avec en ligne de mire les prochaines élections (peut-être
même des élections législatives anticipées ce que pensent désormais tous les
leaders de l’opposition) n’incitaient pas ceux qui auraient eu envie de se
confronter aux réalités et aux responsabilités de franchir le Rubicon.
Faut-il s’en désoler?
Oui et non.
Oui parce que les centristes doivent être responsables et ne
peuvent pas refuser de mettre en place des mesures politiques qu’ils demandent
depuis longtemps au seul motif que cela ne rapportera pas grand chose en terme
électoral puisque celles-ci sont très impopulaires même si elles sont
nécessaires.
Non parce que ces mêmes centristes ne peuvent être ceux que
l’on appelle en désespoir de cause et qui se retrouveraient dans un
gouvernement et une majorité proche de l’implosion du fait de la fronde de
l’aile gauche du Parti socialiste, cette dernière ne garantissant absolument
pas que les mesures nécessaires et impopulaires puissent être prises, in fine.
Tout cela est malgré tout désespérant pour la politique,
celle qui doit s’occuper des affaires de la cité au mieux et en dehors de tout
calcul politicien, notamment lorsque le pays connait de graves problèmes qui
résultent d’un refus d’adaptation au réel depuis des décennies de toute la
communauté nationale et avec la large démission du politique.
Car, à ce moment-là, des alliances (et non une union
nationale) de ceux qui partagent la même vision et veulent utiliser les mêmes
outils pour remettre sur pied le pays seraient l’honneur de la politique.
Celles-ci concerneraient cette aire centrale où se trouvent
l’aile modérée de l’UMP, les centristes de l’UDI et du Mouvement démocrate
ainsi que l’aile modérée du Parti socialiste.
Face à elle se trouverait la gauche étatiste, la droite
conservatrice et les extrêmes de droite et de gauche.
Cette recomposition de l’espace politique n’aura sans doute
pas lieu demain à moins que l’extrême-droite poujadiste et démagogique fasse
courir à la France le risque de l’effondrement par son arrivée au pouvoir.
Rien n’est simple et facile actuellement doivent se dire
tous ceux qui font de la politique. Mais n’est-ce pas à ce moment-là que l’on
voit la vraie valeur de ceux qui sollicitent nos suffrages pour nous gouverner?