A part Jean-Christophe Fromantin, le député-maire de
Neuilly-sur-Seine, aucun autre membre de l’UDI ne s’est encore déclaré
officiellement candidat pour le poste de président de la confédération laissé
vacant depuis le départ de Jean-Louis Borloo.
Mais, en regard du rapport des forces à l’intérieur du parti
de centre-droit et sauf surprise de dernière minute (comme le retour de Borloo
ou l’adhésion d’un poids lourd venu de l’UMP), on peut dresser une liste
probable des principaux candidats qui devraient s’affronter avant la fin de
l’année afin de devenir, sinon le leader du Centre, au moins une des deux têtes
du cerbère de la maison centriste avec François Bayrou qui, lui, est toujours
là alors qu’un des buts de l’UDI étaient justement de s’en débarrasser...
On trouve dans les premiers couteaux, outre monsieur
Fromantin, Jean-Christophe Lagarde, Hervé Morin, Yves Jégo et, dans les seconds
couteaux, François Sauvadet, Jean Arthuis, Rama Yade, Laurent Hénart ou
François Zochetto.
Et il n’est pas exclut, comme on l’a évoqué ci-dessus, qu’en
dernier recours, Jean-Louis Borloo, renaissant de ses cendres, tel le Phoenix
soit également candidat à sa propre succession, lui dont la santé s’améliore
rapidement et qui suit ce qui se passe à l’UDI avec beaucoup d’intérêt et…
d’interventionnisme.
Voyons les atouts et les faiblesses des candidats que l’on
vient de citer.
- Jean-Christophe Formantin: Puisqu’il est le premier à
s’être déclaré, commençons par lui.
Ses atouts – Le député-maire de Neuilly-sur-Seine est un
fonceur à qui tout réussit depuis qu’il s’est lancé en politique.
Président d’un parti qu’il a fondé et formation membre de la
confédération, Territoires en mouvement, il a, à son palmarès d’avoir réussi à
prendre la suite de Nicolas Sarkozy dans son fief de Neuilly alors même qu’il
n’était pas le successeur désigné et adoubé, loin de là, faisant prendre
littéralement un bouillon à l’UMP dans la ville cossue de la banlieue
parisienne.
Ce fait d’armes lui a donné une réelle stature.
Mais il est aussi un homme de projets et de propositions, ce
qui n’est pas si courant ces derniers temps dans les rangs centristes…
Son dynamisme est également à mettre à son crédit.
Ses handicaps – Le maire de Neuilly-sur-Seine est en
revanche un marginal à l’intérieur de l’UDI. Il représente l’aile droite de la
formation, n’ayant pas la fibre vraiment centriste mais plutôt celle d’un
représentant d’une droite libérale modérée située au centre de l’échiquier
politique.
De même, il n’a pas beaucoup de troupes et est très
individualiste, ce qui lui a permis de s’imposer à Neuilly sur le mode commando
mais ce qui est plutôt une faiblesse pour prendre une organisation de militants.
Depuis qu’il s’est déclaré, il a reçu quelques soutiens mais
pas des grands leaders du parti.
Enfin, paradoxe de son fort libéralisme en matière
économique, il est assez conservateur sur les mœurs (il est ainsi en pointe
depuis le début dans le combat contre le mariage pour tous ayant même été un
des orateurs vedettes lors de la grande manifestation qui se termina au Champs
de mars), ce qui pourrait rebuter une partie de l’UDI.
- Jean-Christophe Lagarde: C’est aux yeux de beaucoup, le
favori.
Ses atouts – Le député-maire de Drancy, en
Seine-Saint-Denis, dans l’ex-banlieue rouge communiste, a montré qu’il savait
prendre d’’assaut un territoire pour en faire un fief solide et incontesté, un
peu à la manière de Fromantin, mais avant lui.
Son positionnement, qui est certainement un de ceux qui est
le plus au centre de l’UDI, le désigne naturellement pour prendre en main une
confédération qui est majoritairement constitué de partis centristes et dont le
fait que Jean-Louis Borloo en a été le président est plutôt un anachronisme idéologique.
Rappelons qu’il est co-secrétaire général de l’UDI (avec Laurent
Hénart du Parti radical), ce qui fait de lui, théoriquement, le numéro deux du
parti.
Il est apprécié par beaucoup et il fut même un temps où
l’Alliance centriste de Jean Arthuis espérait en faire son président (lui a
préféré créer la FED, Force européenne démocrate).
Ses handicaps – Eternel espoir du Centre, Jean-Christophe
Lagarde ne parvient pas à dépasser, pour l’instant, ce stade alors qu’il a
maintenant 46 ans.
Il a espéré être ministre de Nicolas Sarkozy mais celui-ci
lui a préféré des hommes comme Morin, Sauvadet et Leroy, ce qui l’a beaucoup
affecté.
Ses sorties médiatiques sont souvent ternes et sans souffle
et on s’interroge souvent sur son positionnement politique, parfois plus à
droite que l’UMP dans certaines de ses diatribes sécuritaires et de ses
attaques politiques, parfois très proche du social-libéralisme d’un Manuel
Valls, notamment en matière de mœurs (il a voté la loi sur le mariage pour
tous).
Enfin, il est déteste Hervé Morin autant que celui-ci le
déteste, ce qui devrait l’empêcher, dans un premier temps, d’avoir le soutien
du Nouveau centre alors qu’il devra absolument l’obtenir pour être élu.
- Hervé Morin: le député de l’Eure est aussi le président de
la principale composante de l’UDI, le Nouveau centre, qu’il a créé en 2007 en
quittant l’UDF et François Bayrou, avant que celui-ci ne crée dans la foulée le
Mouvement démocrate, et avec deux principaux comparses, Jean-Christophe Lagarde
et François Sauvadet.
Ses atouts – L’atout principal d’Hervé Morin est d’être le
président de la principale composante de l’UDI, le Nouveau centre (il est
également président du Conseil national de l’UDI, le «parlement» du parti mais
ce qui est une fonction essentiellement honorifique).
Malgré le départ fracassant d’une partie de ses troupes derrière
Jean-Christophe Lagarde, François Sauvadet et Maurice Leroy, il a réussi à éviter
l’implosion finale.
Bien sûr, afin de garder ses partisans, il a dû, la mort
dans l’âme, rejoindre l’UDI alors qu’il a des relations conflictuelles avec
tous ses autres leaders, au premier chef avec Jean-Louis Borloo et
Jean-Christophe Lagarde mais aussi avec François Sauvadet et Maurice Leroy
ainsi qu’avec les dirigeants du Parti radical.
Ses handicaps – Hervé Morin ne représente rien sur
l’échiquier politique, lui qui était crédité de moins de 1% des intentions de
vote dans les sondages lors de la dernière présidentielle et, surtout, qui n’a
même pas été capable de pouvoir se présenter, n’ayant pas pu récolter les 500
parrainages d’élus nécessaires ce qu’un candidat fantaisiste comme Jacques
Cheminade a réussi à faire!
Autant dire qu’au-delà des nombreuses hostilités à
l’intérieur de l’UDI, son élection à la tête de la confédération n’aurait aucun
intérêt en termes politiques pour cette dernière.
Et l’on ne peut concevoir, aujourd’hui, un ralliement des
Lagarde, Sauvadet, Leroy, Fromantin, Yade et Hénart derrière son nom.
D’autant qu’il joue la carte du rapprochement avec François
Bayrou, ayant été un des plus fervents défenseurs de la création de l’Alternative.
Ce rabibochage avec celui qui fut son chef pendant des
années à l’UDF et qui lui préféra toujours Marielle de Sarnez comme lieutenant,
n’est que de façade, les deux hommes n’ayant pas grand respect l’un pour
l’autre.
Mais il permet à Hervé Morin de s’appuyer sur Bayrou contre
ses ennemis de l’intérieur…
De même, il est fort possible que ses troupes, une nouvelle
fois, l’obligent à accepter de s’effacer derrière un autre leader.
Prendra-t-il le risque d’une nouvelle humiliation?
Reste qu’il joue encore une fois sa crédibilité politique
même s’il ne devrait pas disparaître de la scène publique en cas d’échec.
- Yves Jégo: Président par intérim et par hasard, il rêve de
demeurer à la tête de l’UDI, coûte que coûte, ayant même proposé à
Jean-Christophe Lagarde et Hervé Morin, un triumvirat avec présidence
tournante, ce que les deux sollicités ont décliné poliment…
Ses atouts – On est encore étonné de trouver Yves Jégo à
l’UDI.
L’homme avait fait allégeance à Nicolas Sarkozy et, il fut
une époque, défendait bec et ongle toutes les idées de son mentor jusqu’à la
caricature.
Mais il fut très mal récompensé puisque, selon ses termes, «viré
comme un malpropre» du gouvernement Fillon.
Lui qui se qualifiait de «sarkozyste avant tout», entra donc
en résistance et rejoignit Borloo puis l’UDI.
C’est un libéral avec peu de fibres centristes mais il s’est
totalement mis dans la peau du président après le retrait de Jean-Louis Borloo
et force est de reconnaître qu’il ne s’en est pas trop mal sorti.
En pointe à l’UDI dans la recherche d’un consensus avec le
gouvernement de Manuel Valls (même s’il a multiplié les déclarations
contradictoires), il est également un de ceux qui mènent une guerre sans merci
au Front national au nom des valeurs libérales, ce qui est à porter à son
crédit.
Ses handicaps – Il n’a aucune troupe et aucun leader de
l’UDI ne songe un instant à lui en apporter par son soutien.
Même s’il pourrait être élu pour éviter l’implosion de la
formation de centre-droit en étant le candidat le moins clivant, son élection
serait certainement un très mauvais signal, car il ne possède pas la surface
politique nécessaire pour lui donner la dynamique indispensable dont elle a
besoin dans les deux années qui viennent.
En outre, son parcours politiques méandreux est un moins
certain.
- Rama Yade: Finissons avec la chouchou des journalistes qui
n’est pas une favorite loin de là mais qui a une certaine aura auprès du grand
public.
Elle se lancera peut-être dans la course si elle n’est pas
élue président du Parti radical ou, justement, si elle est élue à ce poste!
Car, ce qu’elle veut désormais, c’est exister politiquement
à tout prix.
Ses atouts – D’une grande faiblesse dans le débat des idées
jusqu’à présent, son atout majeur est d’être une icône médiatique et, de ce
fait, d’avoir une surface en la matière importante, voire démesurée face à son
réel poids politique.
Et aujourd’hui, il faut bien le dire, il n’y a pas de
personnalités médiatiques à l’UDI à part elle et Jean-Louis Borloo.
C’est donc sa chance.
Ses handicaps: L’ancienne ministre et égérie de Nicolas
Sarkozy n’est absolument pas une centriste, ni même de centre-droit ou de
droite modérée.
Si elle se retrouve à l’UDI, c’est parce qu’elle y a suivi
Jean-Louis Borloo et pour tenter d’avoir des mandats électifs, ce qu’elle n’ pu
obtenir à l’UMP.
Elle ne dispose, par ailleurs, d’aucun soutien des leaders
de l’UDI, notamment des centristes qu’elle ne porte pas dans son cœur.
Et puis, son combat face à Laurent Hénart pour la présidence
du Parti radical pourrait laisser quelques séquelles et ne pas lui permettre
d’avoir un parti uni derrière elle pour la compétition de l’UDI.
Ce panorama est évidemment sommaire et laisse quelques
prétendants de côté.
Pour autant, si l’on devait désigner un favori, nous l’avons
dit, ce serait Jean-Christophe Lagarde.
Il est, en effet, le plus «compatible» avec les différents
courants de l’UDI.
Néanmoins, il est loin de s’imposer naturellement et d’être
le choix évident.
D’autant qu’il est le plus centriste et que l’histoire nous
apprend que les centristes ont souvent cherché un chef en dehors de chez eux…
Face à lui, dans le trio final, on devrait retrouver Hervé
Morin et Jean-Christophe Fromantin qui pourrait être la surprise de ce scrutin.
Enfin, il existe un risque non-négligeable pour la cohésion
déjà fragile de l’UDI si les candidats qui arrivent dans les trois ou quatre
premières places se retrouvent avec des scores très proches, aucun n’obtenant
la légitimité nécessaire pour diriger le parti mais n’ayant l’obligation de
s’effacer face aux autres.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC