Il avait été très malade mais il espérait pouvoir retrouver
sa santé et son poste de président de l’UDI.
Jean-Louis Borloo vient d’y renoncer et a annoncé, dans la
foulée, son retrait de la vie politique pour un laps de temps indéterminé, lui
qui a aujourd’hui 63 ans et se sent trop faible pour assumer quelque fonction.
Ce retrait est bien évidemment une bombe dans le jardin
centriste.
Voilà un homme qui avait réussi à unifier toutes les
familles centristes sans en être réellement un au sein, d’abord de l’UDI, dont
il était le président, puis de l’Alternative, cette «organisation coopérative»
qu’il avait réalisée avec François Bayrou qui, il y a quelques semaines, a
déclaré qu’il ne serait pas candidat à la prochaine présidentielle, ouvrant une
voie royale à Jean-Louis Borloo même si beaucoup doutaient de sa capacité à se
présenter à cette élection, lui qui y avait renoncé en 2012.
Dès lors, trois questions essentielles se posent.
La première est de savoir ce que va devenir l’UDI qui est,
rappelons-le, une confédération de partis où les inimitiés sont fortes et les
ambitions à peine voilées.
La deuxième est de savoir ce que va devenir l’Alternative
qui était, avant même d’être une alliance entre deux formations, l’UDI et le
Mouvement démocrate, un rapprochement entre deux hommes Jean-Louis Borloo et
François Bayrou.
La troisième est dans ce nouveau paysage centriste quelle va
être la place de François Bayrou, nouveau maire de Pau et qui s’est
autoproclamé à la retraite de ses ambitions présidentielles.
Bien évidemment, des éléments manquent pour avoir des
réponses claires et définitives mais l’on peut essayer de donner quelques
éclairages.
- Le devenir de l’UDI
Jean-Louis Borloo n’est pas un centriste et ne l’a jamais
été, lui qui se définit plutôt comme un républicain social. Pour autant, il
avait réussi à réunir les familles du Centre et au centre de l’échiquier
politique, une sorte de prouesse pour laquelle il avait été bien aidé, il faut
le dire, par le délabrement de l’espace centriste au sortir des élections
présidentielles de 2012 sur lequel il avait tenté et réussi une OPA à laquelle,
seul, le Mouvement démocrate avait résisté.
Reste que l’UDI qui n’est toujours pas une vraie formation
mais une confédération de partis, s’est révélée capable d’exister dans la durée
puisque la constitution du groupe UDI à l’Assemblé nationale va fêter bientôt
ses deux ans d’existence et qu’elle a pu réunir au sein d’une même structure
des personnalités qui se détestent comme Hervé Morin, d’un côté, et Jean-Louis
Borloo et Jean-Christophe Lagarde, de l’autre.
Et le premier choc électoral, les municipales, lui ont
permis, grâce à son alliance avec l’UMP et la déliquescence du PS, d’obtenir de
jolis succès dans de nombreuses villes moyennes.
Bien sûr, les européennes de mai seront beaucoup plus
importantes pour l’avenir politique de la confédération car elles permettront
de voir ce que pèsent réellement l’UDI et le Mouvement démocrate qui vont à la
bataille unis lors d’un scrutin à la proportionnelle.
Derrière Jean-Louis Borloo, il y a des hommes comme Hervé
Morin, Jean-Christophe Lagarde, Laurent Hénart, Yves Jégo, François Sauvadet ou
Jean-Christophe Fromantin.
Aucun n’a sans doute la légitimité nécessaire pour succéder
à Borloo et les ressentiments entre ces hommes sont importants comme nous
l’avons dit entre Morin et Lagarde, depuis l’époque où ils étaient ensemble au
Nouveau centre.
Dans un premier temps on devrait donc voir une direction
collégiale sous la houlette d’Yves Jégo qui assurait l’intérim jusque là mais
des élections vont devoir se faire pour désigner le nouveau président du parti.
Jean-Louis Borloo, dans une lettre adressée aux militants de
son parti, parle d’un congrès avant la fin de l’année mais cela semble un délai
un peu long alors même qu’Yves Jégo a été critiqué pour son leadership que
certains estiment illégitime à l’UDI.
Au jour d’aujourd’hui, bien malin celui qui pourrait faire
un pronostic sur qui sera élu et si le retrait de Borloo ne risque pas de faire
imploser le parti même si les centristes y réfléchiront à deux fois au vu de
leur «renaissance» lors des municipales.
Pour autant, un mauvais résultat aux européennes pourraient
avoir des conséquences lourdes pour la cohésion de l’UDI.
- Le devenir de l’Alternative:
L’ensemble des centristes à l’intérieur de l’UDI sont des
gens qui ont quitté, à des périodes différentes, François Bayrou sauf
exceptions comme Jean-Christophe Fromantin ou Rama Yade, par exemple.
Aucun ne souhaite vraiment que celui-ci redevienne leur
chef.
Et beaucoup doivent s’interroger dès maintenant sur les
visées de François Bayrou, lui qui est sorti, contre toute attente, gagnant de
cette alliance avec Jean-Louis Borloo.
On l’a vu, par ailleurs, au soir de son élection à la mairie
de Pau, enjoué et requinqué, délivrant un message de politique nationale, lui
qui venait de promettre de ne plus s’occuper que de sa ville chérie…
Bien entendu, l’Alternative ne va pas s’effondrer demain, ce
qui serait catastrophique pour l’UDI et le MoDem. Elle sera donc présente aux
européennes mais il faudra voir ce qui se passera ensuite.
En cas de très bon score, François Bayrou aura sans doute
une opportunité pour tenter de redevenir le leader naturel du Centre.
En cas de score décevant ou mauvais, les barons de l’UDI
pourraient en profiter pour demander une clarification du positionnement de
François Bayrou et aller au clash pour se débarrasser de lui et mettre un terme
à l’Alternative.
- Le devenir de François Bayrou
François Bayrou peut-il (re)devenir le recours du Centre et
s’imposer aux autres centristes? Voilà une question que l’on ne pensait
(presque) plus se poser!
Le retrait de Borloo peut permettre une renaissance de Bayrou
qui, tel le phœnix, pourrait reprendre son envol et s’imposer face à ses anciens
lieutenants tout en faisant s’éloigner quelques figures de l’UDI comme
Jean-Christophe Fromantin, Rama Yade ou encore François Sauvadet qui ne
supporteront pas d’être sous sa coupe.
Il est probable que François Bayrou se pose actuellement la
question de son retour et de sa posture de recours.
Il ne doit sans doute pas mésestimé dans son analyse les
difficultés car l’hostilité à sa personne est très forte à l’UDI et il a cassé
en deux son parti afin de devenir maire de Pau, ce qui le fragilise beaucoup.
D’autant que de nombreuses inconnues sont devant lui.
Il sera intéressant de voir, par exemple, comment va réagir
Hervé Morin, lui qui a tout fait pour remettre François Bayrou dans le jeu
centriste afin de contrer son ennemi Jean-Louis Borloo.
Borloo parti, Morin se retrouve avec Bayrou sur les bras, ce
qui pourrait se révéler encore plus encombrant pour ses ambitions contrariées!
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC
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