En 2014, on pourrait assister à la résurrection tant
attendue d’un Centre politique fort et porteur d’avenir.
Néanmoins il est fort possible également que l’on assiste,
après une refondation à la va-vite, à sa décomposition, non pas finale mais
rejetant les centristes dans les affres de groupuscules ennemis pour quelques
années.
C’est peu dire que l’année qui vient est importante pour les
centristes.
Entre les élections municipales et européennes, la rédaction
d’un projet politique crédible et l’union entre centristes indépendants et ceux
en-dehors de l’Alternative (essentiellement à l’UMP mais pas seulement), sans
oublier la nécessité pour Borloo et Bayrou de s’entendre tout en essayant d’acquérir
une image dynamique et responsable, il y a du pain sur la planche.
- Les défis électoraux
du Centre
A l’heure où l’on écrit, il est difficile de savoir où en
seront les listes centristes aux municipales et aux européennes dans les
semaines à venir. C’est dire si les défis électoraux du Centre ne sont pas
gagnés, loin de là.
Pour les municipales, le flou règne dans de nombreuses
villes où les situations sont aussi disparates que les centristes qui
s’unissent ou s’affrontent.
Ainsi, toutes les combinaisons sont sur la table ce qui en
dit long sur l’incapacité des centristes à trouver un terrain d’entente et sur
l’image opportuniste qu’ils sont malheureusement en train de donner aux
électeurs.
Dans certaines villes, le Mouvement démocrate sera l’allié
du Parti socialiste alors que l’UDI sera celui de l’UMP. Dans d’autres, des
listes autonomes de l’Alternative (MoDem + UDI) seront présentes contre l’allié
«naturel» UMP. Dans d’autres encore, il y aura listes communes entre cet allié
naturel et l’Alternative dès le premier tour. Sans oublier des alliances,
certes isolées, entre UDI et PS.
Sans parler évidemment de l’imbroglio parisien…
Du coup, la grande clarification des alliances centristes
qui était, pour Jean-Louis Borloo, la condition sine qua non du rapprochement entre
le Mouvement démocrate et l’UDI n’aura pas lieu à l’occasion des municipales.
Sera-ce le cas lors des élections au Parlement européen?
Selon les discours des responsables centristes, la réponse
semble positive. Semble parce qu’il demeure deux inconnues.
La première est les intentions de vote en faveur de listes
centristes autonomes. Si celles-ci sont très basses, les leaders de
l’Alternative peuvent être tentés de faire alliance avec l’UMP pour éviter un
comptage qui serait une gifle électorale.
D’autant que la deuxième inconnue viendra de l’intensité de la
pression «amicale» que mettra l’UMP à l’établissement de listes communes afin d’éviter
que le Front national ne soit pas la formation qui remporte les élections (ou
qui soit, en tout cas, devant une liste UMP autonome).
On a vu, par le passé, que Jean-Louis Borloo avait du mal à
résister aux demandes pressantes de ses «amis» de l’UMP.
Dès lors, on ne peut être sûr de rien sauf d’affirmer que si
l’Alternative ne se présente pas seule aux européennes, on se demande comment
elle justifiera son existence aux yeux des électeurs et comment les centristes
seront capables de surmonter ce nouvel échec de vivre de manière autonome et
indépendante.
- Les défis
programmatiques du Centre
La mise en place de l’Alternative s’est faite dans la
précipitation des futurs scrutins et de la nécessité d’exister afin de ne pas
sombrer dans l’anonymat et la division.
Du coup, on s’est contenté de dire que l’on était d’accord
sur la critique du gouvernement en place (ce qui n’était pas très difficile au
vu de l’absence de réels résultats) et sur l’alliance «naturelle» avec l’UMP
(ce qui n’était pas, non plus, très difficile, vu que François Bayrou avait
reçu une fin de non-recevoir de la part de François Hollande et des
socialistes).
Mais, bien entendu, cela ne suffira pas à faire vivre
l’Alternative de manière plus qu’éphémère sauf s’il y a un accord
programmatique, un projet politique commun.
Paradoxalement, cet accord, ce projet, semblent moins
difficile à réaliser que de rapprocher les personnalités.
Pour autant, il ne faudra pas minimiser les différences qui
sont autant économiques et sociales (le MoDem étant largement plus keynésien
que l’UDI) que sociétales (le MoDem étant plus libéral en la matière que l’UDI).
- Les défis
refondateurs du Centre
L’Alternative ne devrait être qu’un premier pas dans une
refondation plus globale du Centre où il faudra faire les yeux doux aux
centristes encore «égarés» à l’UMP ou à gauche, en particulier aux Radicaux de
gauche. Sans oublier quelques électrons libres qui se baladent au grès des
opportunités sur l’échiquier politique comme Corinne Lepage.
Si l’on peut penser qu’il y aura quelques ralliements à
l’Alternative, notamment si les résultats électoraux sont bons, il ne devrait
pas y avoir de raz-de-marée en la matière en 2014.
Mais la capacité de l’Alternative d’attirer les centristes
encore sceptiques prouvera, à la fois, le bien fondé de la démarche et son
succès.
Reste que c’est sans doute dans la capacité à demeurer une
«organisation coopérative» efficace que se trouve le vrai défi de l’Alternative.
Car rien n’est vraiment joué pour l’instant et l’on peut
imaginer que des mauvais scores aux prochaines élections affaibliront la
nouvelle structure politique.
De même, un succès pourrait également la fragiliser, chacun
des protagonistes voulant sûrement à cette occasion tenter une OPA en sa
faveur.
Et puis, il y a les déçus et les perdants de cette réunion
comme Jean-Christophe Fromantin (déçu) et Hervé Morin (perdant). Que vont-ils
faire?
Leur but est d’affaiblir l’Alternative ou le duo
Bayrou-Borloo pour se faire une place au soleil.
Si l’on peut penser que Fromantin à des chances de quitter
l’Alternative et l’UDI, on serait tenté de prédire que Morin devra encore
ronger son frein cette année en essayant d’exister politiquement, ce qui
devient de plus en plus difficile pour lui.
Bien entendu, le défi le plus difficile à relever sera la
bonne entente entre Jean-Louis Borloo et François Bayrou, deux personnalités
différentes, avec des visions différentes de la politique, des ambitions
politiques différentes et partageant une «amitié» pour le moins versatile.
Jean-Louis Borloo doit encore démontrer qu’il est un chef
légitime du Centre et qu’il a envie de vraiment créer un espace centriste
indépendant. Sans oublier qu’il doit prouver son courage politique et sa capacité
à aller au combat.
Sans doute que son ambition est plus de devenir un premier
ministre qu’un président de la république. Mais il doit faire avec les
institutions de la V° République qui font du chef d’un parti, le candidat
naturel de ce dernier à la présidentielle.
S’il ne relève pas ce défi, il pourrait être mangé tout cru
par François Bayrou.
Car le président du Mouvement démocrate va jouer sa dernière
carte pour demeurer dans la course à l’Elysée, la seule qui importe pour lui
malgré ses dénégations.
L’accord avec l’UDI était, pour lui, une question de vie ou
de mort politique.
Reste qu’il va devoir convaincre ses nouveaux anciens amis
de lui faire confiance, ce qui n’est pas gagné au vu des réactions officielles
et officieuses de nombre d’entre eux.
Néanmoins, il a un temps d’avance sur Jean-Louis Borloo pour
se parer du titre de leader naturel du Centre et être, de ce fait, le candidat
naturel de celui-ci à la présidentielle.
Cependant et même si les deux hommes obtiennent de très bons
résultats dans les baromètres de bonnes opinions des médias, peu de Français ne
leur concède les qualités nécessaires pour diriger le pays.
Il leur faudra donc convaincre pour avoir une chance en
2017.
A moins que d’ici là un troisième larron ne fasse son
apparition. Et il ne s’agit pas seulement d’une figure de style, tant les
centristes ont la capacité de se jeter dans les bras d’un sauveur (le cas de l’UDI
avec Borloo en est une preuve récente), eux qui pourtant affirment détester les
hommes providentiels…
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC