Alors que vient de disparaître ce 5 décembre 2013 Nelson
Mandela à 95 ans, vu comme une véritable icône et ce pas seulement en Afrique
du Sud ou en Afrique tout court mais dans le monde entier, il n’est pas inutile
de revenir, au-delà de la légende qui s’est forgée bien avant sa mort, sur la
manière dont il a appréhendé la politique et son objectif de débarrasser son
pays d’une des pires idéologies que l’homme ait inventé, l’apartheid, et qui ne
fut pas en vigueur qu’en Afrique du Sud mais également dans d’autres pays, à
une époque ou une autre (comme le Liberia où elle concernait des noirs entre
eux ou même dans certains Etats des Etats-Unis entre blancs et noirs jusqu’aux
votes des lois contre la ségrégation et les décisions de la Cour Suprême).
Car, au risque de surprendre certains qui le voient comme un
extrémiste révolutionnaire, la démarche de Mandela a été essentiellement
centriste, basée sur le bien de tous, le nécessaire équilibre et le droit des
minorités à avoir ce qu’ont les majorités.
Bien évidemment, quand nous disons cela, nous n’oublions pas
le radicalisme adopté par Mandela à une époque ou une autre devant, à la fois,
l’impossibilité de faire bouger pacifiquement les lignes dans son pays et face
aux guerres idéologiques qui régnaient après le second conflit mondial et qui ont
fait que les Occidentaux se sont retrouvés – pour un temps seulement et
heureusement – du côté du régime blanc de l’apartheid dans leur lutte contre le
communisme au plus fort de la guerre froide alors que nombre de dictateurs,
tels Fidel Castro ou Mouammar Kadhafi, se plaçaient, eux, non pas pour les
noirs persécutés, mais contre ces mêmes Occidentaux en faveur du leader de
l’ANC (African national congress).
De même, l’admiration de Mandela pour Che Guevara dont on
connait désormais la vision idéologique bornée et son peu de cas pour
l’humanisme, ne doit pas être oubliée au moment où l’on fait un bilan de son engagement
politique.
Car, tout dans l’action de Nelson Mandela respire
l’humanisme, le juste équilibre, la volonté de consensus.
Il a été convaincu que la démarche non-violente de Gandhi
était la bonne et qu’il fallait pour le bien de son pays mais aussi de
l’Afrique et du monde, qu’une grande entreprise de réconciliation ait lieu une
fois que l’apartheid serait enfin vaincu.
Et à l’inverse de ce qui s’est passé dans la plupart des
pays du monde lors du passage d’un régime à un autre, il n’y a pas eu de bain
de sang, ni même de chasse aux sorcières.
C’est grâce à lui si l’on peut appeler aujourd’hui l’Afrique
du Sud, une «nation arc-en-ciel», une sorte de miracle si l’on se souvient de
la haine qui régnait entre les différentes communautés, blanche, noire, zoulou
et indienne.
De même, il était considéré comme un «ubuntu» par son ami et
compagnon de lutte, l’archevêque Desmond Tutu, qui définissait la notion ainsi:
«Quelqu'un d'ubuntu est ouvert et disponible pour les autres, dévoué aux
autres, ne se sent pas menacé parce que les autres sont capables et bons car il
ou elle possède sa propre estime de soi — qui vient de la connaissance qu'il ou
elle a d'appartenir à quelque chose de plus grand — et qu'il ou elle est
diminué quand les autres sont diminués ou humiliés, quand les autres sont
torturés ou opprimés».
Et il a mis en pratique cette maxime du même Tutu, «il n’y a
pas de futur sans pardon».
Barack Obama, premier président noir des Etats-Unis, dans
son hommage au premier président noir d’Afrique du Sud, a expliqué qu’il ne
«pouvait imaginer sa vie sans l’exemple de Mandela».
Il a poursuivi en rappelant ce que Mandela avait dit, lors
de son procès en 1964 qui devait le mettre derrière les barreaux pendant 27
ans: «Je me suis battu contre la domination blanche comme contre la domination
noire. Je me suis battu pour l’idéal démocratique et pour l’harmonie entre les
communautés et je suis prêt à mourir pour cela».
Oui, c’est un grand humaniste qui vient de nous quitter.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC