Ils le pensaient mou et indécis, incapable de fermeté et de
lignes directrices, prêts à céder à tous, les voilà les grands perdants,
aveuglés par leurs propres fantasmes et atteints au dernier degré de ce que
l’on appelle aux Etats-Unis, l’hubris, leur excessive confiance en eux et en
leur vision politique.
«Ils», ce sont les membres du Tea Party, cette nébuleuse de
centaines d’associations regroupant tout ce que le pays et le Parti républicain
compte d’extrémistes de Droite et de populistes fascisants.
Scotchés chaque jour devant les écrans de la chaine
réactionnaire Fox news où officient des nombre d’éditorialistes haineux, celle-ci
n’a pas hésité à y faire venir le psychanalyste de service pour expliquer que
la soi-disant intransigeance affichée du président américain lui venait d’un
complexe de victimisation dû au problèmes psychologiques rencontrés lors du
départ au loin de sa mère pour son travail et à son hébergement par ses
grands-parents!
Mais, en réalité, «ils» n’avaient rien compris et en ont été
pour leurs frais, détestés, de plus, par une très grande majorité des
Américains pour avoir mis leur pays en péril, ce qui est le cadet de leurs
soucis, cependant.
Car il ne faut pas oublier que les membres du Tea Party ont
comme projet, quel que soit leur soutien populaire, de détruire l’Etat fédéral
(sauf l’armée) et de donner tout les pouvoirs aux Etats fédérés pour faire en
sorte, selon eux, que l’on (re)vienne à une Amérique régie par le darwinisme
social (seuls les forts survivront) et par le laisser-faire le plus intégral
(le moins d’interdictions possible, le moins d’impôts possible et chacun pour
soi, la seule solidarité étant la charité de particuliers à particuliers).
Une Amérique qui n’a jamais réellement existé, précisons-le
même si ces idées ont été populaires dans certains cercles à la fin du XIX° et
au début du XX° siècle.
Le tout sur fond d’un pays, première puissance mondiale élue
et exceptionnelle (théorie de l’exceptionnalisme) ayant vocation, sinon à
diriger le monde, du moins à lui montrer le chemin de la vérité.
Face à cela, le «socialisme européen» et l’«étatisme»
supposés d’Obama, sa volonté de faire du gouvernement fédéral un ciment du pays
(notamment avec la loi sur l’assurance-santé), selon leurs vues, sont
évidemment les plus grands dangers à combattre par tous les moyens jusqu’à la
victoire finale et sans concession.
Sans oublier leur aversion pour la couleur de peau, le
métissage et le multiculturalisme du président.
Ce dernier, lui, est demeuré ce qu’il est, un centriste.
Tout ce que le Tea Party (mais aussi la gauche du Parti
démocrate) a pris, ces dernières années
pour de la faiblesse et de l’indécision n’est en réalité qu’une manière
de gouverner où le consensus et la délibération sont les deux principes de base
afin d’aboutir à une décision équilibrée.
Un chemin clair mais compliqué comme le montre les presque
cinq ans de sa présidence.
De la loi sur l’assurance-santé à la réponse adéquate à
trouver face aux horreurs en Syrie, Barack Obama a appliqué cette politique
qu’il défendait dès 2007 lors de sa première campagne présidentielle mais
également dans ses livres.
Tout cela est écrit noir sur blanc.
Cependant, cette volonté consensuelle et délibérative n’est
en rien un signe de faiblesse comme la plupart des observateurs de gauche et de
droite l’ont affirmé et cru.
D’ailleurs, il suffirait de demander aux collaborateurs de
la Maison blanche, si Obama est un faible, eux qui essuient à périodes répétées
ses foudres lorsque des dysfonctionnements se produisent…
Pour revenir à la fameuse «méthode Obama» dont nous avons
déjà parlé ici, si elle favorise la discussion et un grand tour de table, elle
refuse l’ultimatum et les menaces.
C’est en cela que les membres du Tea Party, grisés par leurs
pseudo-succès des derniers mois (la relance de la polémique sur l’attaque du
consulat américain de Benghazi dès la victoire d’Obama le 5 novembre dernier,
les blocages répétés de toute initiative de la Maison blanche, des nominations
à des postes de direction des services publics au contrôle renforcé des armes à
feu en passant par la loi sur l’immigration) qui sont autant de défaites, à
terme, du Parti républicain, ont cru – poussés par des médias toujours friands
de tensions partisanes pour leurs taux d’audience – que l’on pouvait attaquer
de front un président des Etats-Unis présenté comme velléitaire et vulnérable pour,
comme le disait un activiste ultra lors d’une récente manifestation, le «faire
quitter Washington à genoux».
En tant que centriste, Barack Obama croit que la politique
est la recherche du bien commun par l’équilibre et la responsabilité.
C’est ce qu’il a mis en place dès son intronisation en
janvier 2008.
Il parlait alors de collaboration bipartisane et même d’une
ère «post-partisane»….
Mais, jamais, il n’a déclaré qu’il ferait fi des principes
et des valeurs de la démocratie républicaine.
La défaite – provisoire? – des activistes du Tea Party en
est une preuve éclatante.
A eux d’être à genoux!
Une dernière chose, importante, la victoire d’Obama est
aussi et avant tout une victoire des Etats-Unis.
Aux élus du Congrès d’en prendre conscience.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC