Il est intéressant de lire l’article que l’Express consacre
cette semaine au duel Bayrou-Borloo qui se prépare.
Au-delà du titre racoleur bien dans la veine du magazine
depuis qu’il est dirigé par son directeur actuel, «Comment Bayrou va manger
Borloo» et la volonté de faire le buzz en affirmant le contraire de ce que
disent tous les observateurs, il montre que le président du Mouvement
démocrate, comme nous l’affirmions ici, n’a absolument pas abdiqué ses
ambitions personnelles et évidemment présidentielles, même s’il semble au fond
du trou pour le moment.
En bon élève de la réunion de la famille centriste, il
multiplie d’ailleurs les déclarations lénifiantes sur celle-ci comme récemment
dans une interview au Parisien où il estime que «Les obstacles les plus importants
entre les différentes familles centristes ont presque disparu: pour ceux qui
avaient les yeux fixés sur l’UMP, l’idée d’un parti unique de la droite et du
centre s’est dissipée. Sous la pression de l’extrême droite, le climat, de ce
côté, est plutôt à l’explosion. Du côté du pouvoir socialiste, c’est la
glaciation: on refuse les réformes nécessaires et on oublie les engagements de
changement politique. L’attente est forte d’une réponse politique originale et
qui donne espoir».
Et il est même prêt, jure-t-il à presque se sacrifier pour
refonder la maison centriste: «C’est pour cela que nous, au centre, avons
décidé de mettre les rivalités personnelles et le bal des ego au second plan».
Plus, à apparaître comme un opportuniste: «Peu importe.
Vient un moment où il faut savoir finir la guerre de Cent Ans. Quand on a un
pays à reconstruire, il faut faire passer les histoires de personnes et de
tendances au second plan».
Evidemment, ces déclarations «officielles» n’engagent que
ceux qui y croient.
Tout autre est le discours «officieux» rapporté par l’Express.
On découvre un François Bayrou stratège, «qui en a 'pour dix'», qui croit dur comme
fer qu’il va faire la peau à Borloo et une OPA sur l’espace centriste avec,
entre autre, l’aide d’Hervé Morin, son ancien lieutenant, marginalisé au sein
de l’UDI et, surtout, pire ennemi du président de l’UDI ainsi que de son secrétaire
général, Jean-Christophe Lagarde.
Reste que la bataille pour le leadership peut attendre et c’est
sans doute ce que pensent Borloo et Bayrou.
Aujourd’hui, ils ont besoin l’un de l’autre pour
crédibiliser leurs projets personnels.
Demain, ils auront besoin de s’éliminer l’un, l’autre car,
dans le système politique français dominé par la présidentielle, il ne peut y
avoir, in fine, qu’un chef.
François Bayrou – qui a toujours voulu être celui des
centristes et a montré, jusqu’à sacrifier l’UDF, qu’il était prêt à tout pour le
devenir et le rester – est certainement mieux équipé pour ce rôle qu’un Borloo avec
ses multiples hésitations à prendre des coups et ses renonciations à se présenter
à des élections risquées.
Encore faudra-t-il que le président du Mouvement démocrate
rassure ses anciens amis et qu’il fasse marcher auprès d’eux le réflexe émotionnel
bien connu du vieux chef de retour au bercail (alors que le nouveau chef semble
un peu léger).
Et là, c’est loin d’être gagné même si le jeu politique fonctionne
aussi – et peut-être surtout – par les émotions et les sentiments.
Alexandre Vatimbella avec l’équipe du CREC