Comment je l’ai souvent affirmé, il convient de ne jamais
oublier de distinguer la pensée centriste du centre électoral.
Mais cette distinction ne concerne pas que le Centre, c’est également
vrai de toutes les autres pensées politiques qui ne se réduisent pas aux
organisations qui prétendent les représenter.
Le socialisme et le Parti socialiste est un bon exemple.
Ainsi donc du Centrisme dont les partis au centre de l’échiquier
politique n’embrassent pas l’ensemble de sa conception de la société.
Certains partis centristes sont plus proches de celle-ci que
d’autres mais aucun à l’heure actuelle n’est complètement centriste au sens
strict du terme.
Pour autant, nous ne sommes pas forcément dans une
supercherie car l’action politique demande des marges de manœuvre qui ne sont
pas toujours dans la «bonne ligne».
Ceci est d’autant plus vrai que le Centrisme est un
pragmatisme dont le principe d’action est le «juste équilibre» et que pour
atteindre celui-ci l’on peut se déséquilibrer d’un côté avant de se rééquilibrer
de l’autre et de revenir ainsi à l’équilibre juste qui est une recherche
constante à défaut d’être un positionnement figé, ce qui est d’ailleurs
impossible puisque la société elle-même n’est pas figée.
Néanmoins, les marges de manœuvre ne sont pas extensibles indéfiniment
et la proximité aux références du Centrisme, que ce soient ses valeurs
humanistes (liberté, respect, tolérance, solidarité) son principe d’action (juste
équilibre), sa règle comportementale (responsabilité), sa philosophie (réformisme,
progressisme, personnalisme, pragmatisme) afin de faire fonctionner au mieux la
démocratie républicaine, doit se retrouver clairement dans l’action des partis
se réclamant du Centrisme.
Ce rappel est important au moment où les partis centristes
français semblent engagés dans un rapprochement alors que de nombreuses voix à
l’intérieur de ceux-ci demandent également des clarifications des positions de
chacun.
Parce que ce rapprochement ne peut être qu’un simple deal
électoral et électoraliste sous peine de décrédibiliser un peu plus ces partis
centristes qui ont perdu une grande partie de la confiance des Français et,
surtout, de leurs électeurs ces dernières années de par leur programme et leur
stratégie politiques quasi-illisibles.
Or, de l’aveu même des responsables de ces formations, une
réunion aurait comme avantage, avant même de gagner des voix et des sièges, de
ne pas en perdre…
François Bayrou et son Mouvement démocrate sont incapables
de redresser la barre alors que Jean-Louis Borloo et l’UDI sont à la peine pour
faire entendre leur voix et l’imposer comme centriste.
Si les discussions entre les deux bords se bornent à
«donne-moi ta crédibilité, je te donne mes voix», alors cette cuisine
électorale sera, à terme, plus désastreuse que la désunion actuelle et une
supercherie que les électeurs seraient en droit de sanctionner durement.
Que la plateforme électorale ou le projet politique commun
que les partis centristes peuvent dégager de leurs négociations à venir – si
elles ont lieu – soient plus ou moins proche du Centrisme sera un autre
challenge pour faire vivre ce dernier au niveau électoral et non pas comme
pensée politique – celle-ci existant en-dehors même d’une représentation
électorale.
Mais, pour mériter un label du genre «centristes
authentiques», le Mouvement démocrate et l’UDI ne doivent pas oublier que c’est
un contresens de prétendre que le Centre serait «naturellement» à droite, de
droite ou même un allié «naturel» de la Droite, ce que Jean-Louis Borloo
demande à François Bayrou avec insistance.
J’ai déjà eu, à de nombreuses reprises, à répondre à ces inepties
proférées, à la fois, par des gens de la Droite qui veulent capter les voix
centristes et par des gens de la Gauche qui tentent de diaboliser les partis
centristes afin de récupérer un électorat de centre-gauche tenté par le vote en
leur faveur.
De même, on nous explique que bipolarisation politique
oblige, les centristes doivent choisir leur camp et que celui-ci est à droite
dont ils sont plus proches
Cette autre ineptie est parfois reprise par les gens du
Centre qui, ainsi, tentent de légitimer leur opportunisme politique.
Si c’était le cas, il faudra donc nous expliquer pourquoi,
par exemple, la très grande majorité des centristes américains se trouvent
aujourd’hui à l’intérieur du Parti démocrate plutôt catalogué à gauche…
Plus sérieusement, que le Centre choisisse une alliance à Droite
ou à Gauche, celle-ci ne peut être, fort heureusement, que conjoncturelle.
Si ce n’était pas le cas, le Centre n’existerait pas comme
lieu politique.
Plus, ce qui définit le Centre n’est pas la Droite ou la
Gauche mais le Centrisme.
Et ceux qui, au centre de l’échiquier politique, font tout
pour brouiller les cartes dans ce domaine en faveur de leur destin politicien
n’ont de centriste que le nom.
Quoiqu’il arrive, que ceux qui croient que le Centrisme est
la solution ne désespèrent pas, il continuera à exister même trahi ou bafoué.