Certains estiment que le débat Gauche-Droite-Centre est
désormais dépassé. Pour eux, les lignes de clivages se trouvent ailleurs. Par
exemple entre ceux qui sont pour un monde métissé et ceux qui sont pour un
monde cloisonné. Entre ceux qui veulent mettre en avant l’individu et ceux qui
défendent la communauté. Entre ceux qui prône la mondialisation ouverte et ceux
qui veulent un retour vers des barrières étanches entre les peuples. Entre ceux
qui aspirent à une culture mondiale et ceux qui défendent les créations
nationales.
On pourrait multiplier les oppositions de ce type.
S’il est vrai que plusieurs lignes de partage n’épousent
plus les frontières entre les visions politiques différentes allant des
extrêmes de chaque bord jusqu’au Centre, il n’en demeure pas moins que la
pertinence du débat traditionnel entre Gauche, Droite et Centre demeure
d’actualité.
Car celui-ci permet, in fine, de se situer sur l’évolution
du monde au-delà de l’acceptation ou non de certaines réalités et sur ce que
doit être notre présent et notre futur.
Prenons la mondialisation, par exemple.
Il y a les défenseurs de la mondialisation et ses opposants.
Mais si l’on prend, d’abord, ceux qui défendent ou acceptent
la mondialisation, on trouve des gens de droite qui expliquent que la
libéralisation sans entrave des échanges est une chance pour les économies de
tous les pays, des gens de gauche qui expliquent qu’il faut bâtir une
mondialisation avant tout sociale, des gens à l’extrême-gauche et libertaires
qui veulent une «altermondialisation» contre le marché et des gens du Centre
qui veulent une mondialisation libérale et humaniste. On retrouve là les divisions
idéologiques classiques.
Idem pour les opposants à la mondialisation avec les
nationalistes d’extrême-droite et de droite, les marxistes d’extrême-gauche et
les étatistes de tous bords qui craignent un affaiblissement de l’Etat-nation.
Là aussi, on retrouve, au bout du compte, les divisions classiques du paysage
politique.
Et ce débat n’est pas nouveau, loin de là.
Même chose si l’on étudie les nouvelles oppositions entre
démocrates et populistes.
D’un côté, il y a ceux qui défendent la démocratie libérale
républicaine, représentative et délibérative ainsi que les droits de tous, dont
la minorité. De l’autre côté, il y a ceux qui veulent, en s’appuyant sur les
mauvaises humeurs populaires, gouverner au nom de la majorité et empêcher les
voix des minorités de se faire entendre en prenant des mesures liberticides.
Nous sommes-là, encore une fois dans un débat idéologique
qui peut également trouver sa pertinence dans les distinctions politiques
traditionnelles même si l’on trouve de chaque côté des gens de Droite, de
Gauche et du Centre.
Cela fonctionne également pour des prises de position plus
incongrues comme par exemple l’alliance objective entre extrême-gauche et
islamisme en France. On s’aperçoit que c’est la grille explicative du monde
traditionnelle à cette extrême-gauche (les oppresseurs et les opprimés) qui
amène la perception tronquée des trotskystes et autres maoïstes à défendre toutes
les minorités quelles qu’elles soient du moment qu’elles s’opposent au système
démocratique républicain au nom d’une vision révolutionnaire qui rassemble tous
les adversaires de celle-ci (ensuite viendra le temps de l’épuration de chaque
côté comme après tout phénomène révolutionnaire…).
Néanmoins, il est vrai que la division Droite-Gauche-Centre
n’explique pas tout. Mais elle n’a jamais expliqué tout.
L’ouverture d’esprit qui peut animer des hommes et des
femmes de bords politiques différends et à trouver des liens et des consensus à
toujours existé au-delà des étiquettes.
Militer pour la mondialisation, c’est se rappeler que
l’union des peuples du monde entier est un combat aussi bien chrétien que
libertaire, aussi bien libéral que socialiste.
Empêcher que les extrémismes, quels qu’ils soient, ne
parviennent à dicter leur loi à la démocratie est un combat aussi bien centriste
que social-démocrate ou néolibéral au nom de valeurs communes aux démocrates.
Pour autant, les nouvelles fractures qui se font jour dans
la société mondiale ainsi que dans la société française, ne doivent pas être
sous-estimées.
Voir certains jeunes des banlieues françaises, originaires
d’Afrique et du Maghreb mais pas seulement, se tourner vers un islamisme
radical parce qu’ils n’ont pas trouvé de moyen satisfaisant de s’intégrer doit
interpeler tous les bords politiques sans exception afin de mettre en place des
solutions.
Voir d’autres jeunes, souvent aussi des banlieues, rejoindre
les rangs du Front national au motif que les formations politiques
traditionnelles ne s’occupent pas d’eux doit amener à développer un discours
mais surtout des actions qui démontre le contraire et l’inanité des positions
d’extrême-droite.
Voir les populations d’Amérique du Sud se complaire de plus
en plus dans un anti-occidentalisme populiste avec des leaders de pacotille au
Venezuela, en Bolivie ou en Argentine, voire en Uruguay, ne doit pas conduire à
les ignorer mais à leur démontrer qu’aujourd’hui, dans la mondialisation, leurs
aspirations sont les mêmes qu’en Europe ou en Amérique du Nord, que ce que nous
partageons et plus important que ce qui nous divise.
Dès lors, le débat d’idées et de projets doit continuer à
s’articuler dans un espace droite-gauche-centre mais il doit aussi et, de plus
en plus, se construire sur l’opposition société ouverte-société confinée, entre
ceux qui parient sur l’humanisme, comme les centristes, et ceux qui reste
arcboutés sur leurs rigidités et leurs peurs.