En réunissant son premier conseil national samedi 15 juin et
en lançant officiellement son «contre-gouvernement», l’UDI (Union des
démocrates et indépendants), formation de centre-droit créée par Jean-Louis
Borloo il y a un an, veut démontrer qu’elle est désormais la troisième
formation française et qu’elle fait partie des «grands», marchant
inexorablement vers la gloire illustre de son ancêtre, l’UDF de Valéry Giscard
d’Estaing.
Petit problème, Jean-Louis Borloo «oublie» le Front national
dont un sondage paru récemment dans Valeurs Actuelles, lui donnait 21% des
intentions de vote aux européennes de 2014 contre 6,5% pour l’UDI qui se
retrouve également derrière le Front de gauche (9%), les Verts (7,5%) et même
le Mouvement démocrate (7%). Ce qui en ferait alors, si cela se confirme dans
les urnes l’année prochaine, le septième parti de France!
Pourtant, à force de déclarations mêlant chiffres et
satisfecit ainsi qu’approximations, pour ne pas dire plus, les responsables du
parti ont même réussi à convaincre les médias que cela n’était plus qu’une
question de mois avant que l’auto-prophétie martelée par son président, à
savoir que l’UDI allait devenir le premier parti de France, ne se réalise.
Mais qu’en est-il de ce pari de faire exister une deuxième
formation de droite aux côté de l’UMP, un peu plus modérée et un peu plus
tournée vers le centre de l’échiquier politique?
L’UDI revendique 50.000 adhérents (mais il semble que
beaucoup d’anciens militants des partis qui la composent se soient retrouvés de
fait membres de cette confédération sans avoir demandé quoi que ce soit), 31
députés et 28 sénateurs (dans un groupe où ils côtoient ceux du MoDem au nombre
de quatre).
Ces chiffres n’en font pas un «grand» parti, cette
qualification étant réservée à ceux qui dépassent les 20% à 25% des voix dans
les scrutins nationaux et qui se retrouvent avec une centaine de députés.
De plus les ambiguïtés fondamentales de l’UDI demeurent.
La première est qu’il s’agit d’une confédération de petits
partis dont aucun pour l’instant ne s’est dissous, ni n’en a l’intention de le
faire, dans une formation unique et centralisée, l’espoir de Jean-Louis Borloo.
Même si le combat des chefs est en sourdine, qui peut croire
que des personnalités qui se détestent autant que Morin, Borloo et Lagarde
(liste non-limitative) puissent, dans la durée, coexister?
La deuxième est que l’UDI qui se dit proche du Centre
recherche exclusivement son alliance à droite. L’UMP plutôt que le Mouvement
démocrate.
Pourquoi pas mais, alors, il faut nous expliquer comment
elle peut faire groupe commun avec de dernier au Sénat tout en rejetant une
alliance des centres!
La troisième est de savoir qu’elle est l’ambition de l’UDI. Est-elle
un parti à côté de l’UMP ou qui veut prendre la place de cette dernière? En
rappelant à tout bout de champ qu’elle est indépendante mais que sa seule alliance
possible est avec l’UMP, ses dirigeants tiennent un discours paradoxal d’une
indépendance politique dans une dépendance électorale a priori, avant même
d’avoir justement discuter d’un programme politique...
Ainsi, quand, par exemple, Hervé Morin clame partout le
retour du Centre et la fin de la dépendance de celui-ci avec la Droite et qu’en
même temps il fait allégeance à celle-ci en déclarant qu’il n’y aura pas
d’autre alliance qu’avec elle, il enferme l’UDI dans une satellisation de fait
qui est identique à celle qui prévalait auparavant pour le Nouveau centre ou le
Parti radical.
D’autant qu’Hervé Morin ne rechigne pas à se contredire
quand il se félicite du retour du Centre par le biais de l’UDI tout en
affirmant que le temps de la modération centriste est terminée et que l’UDI est
une alternative à l’UMP! «Nous étions devenus la décoration de l'UMP dans une
composition gouvernementale ou majoritaire. Cette famille politique doit
retrouver la place qui était la sienne, d'être une alternative au PS et à l'UMP
avec des propositions chocs, la demi-mesure c'est fini».
Cette même contradiction se retrouve chez Borloo: «L'indépendance
n'est pas un slogan ni une tactique d'alliance de circonstance, c'est le fruit
d'une vision et d'une organisation. Mais l'indépendance ce n'est pas
l'isolement. Les démocraties occidentales fonctionnent avec des coalitions, la
France ne fait pas exception à cette règle. Nous avons vocation à établir une
coalition avec la droite républicaine, humaniste mais nous n'avons pas vocation
à ne pas savoir où nous habitons ou à changer de coalition».
Une contradiction qui ne devient cohérente que si l’objectif
à terme de l’UDI est de remplacer l’UMP avec la même philosophie qui a présidé
à la création de cette dernière en 2002, à savoir réunir la droite et le centre
dans un parti unique, ce que critiquent les dirigeants de la confédération de
centre-droit et qui est à l’origine soi-disant de sa mise sur pied...
Car, rappelons-le, même si Nicolas Sarkozy n’a jamais aimé
les centristes, ce qui est un euphémisme, Jacques Chirac voulait de cette
alliance Droite-Centre et a choisi son Premier ministre après la création de
l’UMP chez les centristes avec Jean-Pierre Raffarin.
C’est sans doute pourquoi, Jean-Louis Borloo et ses
lieutenants sont obligés d’expliquer à chaque fois en quoi l’existence de l’UDI
a un intérêt. Un exercice assez surréaliste que l’on voit peu souvent pratiqué
systématiquement par les formations politiques.
Le président de l’UDI a ainsi déclaré lors du conseil
national que «Il doit y avoir une signature UDI. Cette signature UDI, c'est la
liberté d'entreprendre, le dynamisme, la maîtrise des impôts, le travail en
réseau entre républicains car on ne dirige pas des collectivités en étant
sectaire.»
Le problème, c’est que du PS au FN, on peut tout à fait
reprendre cette signature…
Sans oublier (mais là, Borloo ne s’en est pas souvenu!),
l’Europe et la décentralisation qui sont des thèmes centristes par excellence.
Il avait malgré tout affirmé peu auparavant que l’élection
européenne de 2014 serait «majeure» pour l’UDI tout en souhaitant que celle-ci
aille à la bataille, non sous son propre nom, mais avec une liste baptisée «les
Européens»!
Tout cela fait brouillon, à moins que la vraie justification
de l’existence de l’UDI soit d’empêcher l’UMP de conclure des alliances avec le
FN puisque la seule ligne rouge dans l’alliance entre l’UDI et l’UMP est
l’alliance que cette dernière pourrait conclure avec l’extrême-droite.
Encore que, dans es rangs, l’UDI compte le CNI qui n’a
jamais fermé totalement la porte à des rapprochements avec le FN…
En fait, pour comprendre l’existence de l’UDI et ses
paradoxes, il faut en revenir à la genèse de sa création.
L’UDI, c’est, avant tout, une coalition de bras cassés de
l’après 2012 où Jean-Louis Borloo, d’abord écarté de Matignon par Sarkozy avait
fait un flop à la présidentielle en n’ayant pas le courage de se présenter, où
Hervé Morin ne put jamais réunir les 500 signatures lui permettant de se
présenter (et alors que les sondages ne lui donnaient, au mieux, que 1% des
intentions de vote), où Jean Arthuis se retrouvait à la tête d’un micro-parti
en train de se déliter lentement, où Jean-Christophe Lagarde était dans
l’impossibilité de faire exister une alternance à Hervé Morin au Nouveau centre,
où Jean-Marie Bockel et sa Gauche moderne étaient en instance d’évaporation et
quelques autres cas du même genre.
La claque prise aux législatives après celle de la
présidentielle obligeait ces différentes personnalités et leurs formations
affaiblies à se réunir sous peine de disparaître de l’échiquier politique
national.
S’il fallait une preuve que cette union est faite de bric et
de broc, on peut la trouver dans les approches qui continuent à être
différentes sur la plupart des sujets économiques, sociaux ou sociétaux entre
les interventionnistes du Parti radical, les libéraux d’une partie du Nouveau
centre et de l’Alliance centriste et les démocrates sociaux d’une autre partie
du Nouveau centre, de Force européenne démocrate. Sans parler du Centre
national des indépendants (très à droite), de la Gauche moderne (un peu à
gauche) ou de Territoires en mouvement (social-conservateur), la formation du
maire de Neuilly-sur-Seine, Jean-Christophe Fromantin.
Les dissonances lors du débat sur le mariage pour tous ont
été, non pas le révélateur de ces différences importantes de vision, mais un
nouvel exemple du manque de cohérence politique de l’UDI.
Du coup, au bout d’un an d’existence, on n’a pas encore une
vue assez claire de ce qu’est l’UDI qui démontrerait qu’elle est indispensable
au Centre et au Centrisme ou au paysage politique français et, surtout, à la
France.
En cette période d’examens de fin d’année scolaire, l’appréciation
sur le dossier de l’élève UDI pourrait être «doit encore largement faire ses
preuves».
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC