Le juste équilibre est le principe premier d’une vision
politique centriste.
Il s’applique, entre autres, dans le débat sécurité-liberté qui
est au cœur de la démocratie républicaine.
S’il ne peut y avoir de démocratie sans liberté, il ne peut
y en avoir, non plus sans sécurité.
La sécurité garantit la liberté.
Pour jouir et user de sa liberté, il faut être en sécurité.
Et cette équation est encore plus prégnante pour tous ceux
qui ne sont pas en haut de l’échelle sociale.
De même, une démocratie se doit de se protéger contre les
risques d’agressions extérieures.
Et la communauté mondiale démocratique doit unir les efforts
de tous ses membres pour en faire de même.
Tout ceci n’est que du réalisme et du pragmatisme face aux
dangers qui menacent depuis toujours le système démocratique.
Quant à l’angélisme qui veut que personne ne peut en vouloir
à la démocratie qui ne peut avoir d’ennemi ou se montrer agressif vis-à-vis
d’un pays démocratique, l’histoire en a montré l’inanité et la dangerosité.
Enfin, dans une démocratie républicaine, seule une
institution communautaire peut assurer cette sécurité pour tous: le
gouvernement central au niveau d’une entité étatique et tous les échelons
intermédiaires ensuite selon les traditions de chaque pays.
Ayant dit cela, il faut donc trouver ce fameux juste
équilibre tout en ne tournant pas le dos aux valeurs de la démocratie mais
aussi en ne niant pas les réalités dans lesquelles nous vivons et qui ne sont pas
les mêmes selon les époques (tout en pointant les permanences des rapports de
force).
Si on se place dans le cadre de la démocratie
représentative, il est évident que, quelles que soient les règles adoptées, les
élus du peuple doivent avoir la capacité de contrôler les mesures de sécurité
mises en place afin que celles-ci ne viennent pas annihiler la liberté mais la
servent et la protègent.
Quant au fil rouge qui doit animer les responsables
politiques dans l’élaboration délicate de ce juste équilibre, il doit
évidemment privilégier la liberté car c’est en son nom que les mesures de
sécurité sont prises dans une démocratie.
Cela ne signifie nullement qu’in fine se soit toujours plus
de liberté pour moins de sécurité mais cette dernière ne peut-être légitime que
si elle est incontournable afin d’assurer l’intégrité de l’individu et/ou de la
communauté.
Tout ceci nous ramène évidemment aux mesures
anti-terroristes prises ces dernières années aux Etats-Unis qui sont
actuellement l’objet de critiques de la part de nombreux politiciens et de
médias à travers le monde depuis les «révélations» récentes d’un ancien agent
de la CIA, Edward Snowden.
Il faut rappeler d’abord que le travail controversé de la
NSA (National security agency, l’agence fédérale qui est en charge des
programmes de sécurité nationale dont, en particulier, ceux d’écoute afin de
détecter les possibles attaques contre le pays) est contrôlé depuis toujours
par le Congrès américain, celui-ci étant non seulement au courant de ce qui se
passe mais c’est lui qui autorise ces contrôles.
On est bien dans le contrôle démocratique exercé par les
élus du peuple dont nous parlions plus haut.
Ce que Snowden a «dénoncé» comme étant un Big brother qui a
un œil sur tous les faits et gestes de tout un chacun (ce qui est faux selon
les élus du Congrès) est un programme tout à fait légal et voté par le Congrès
des Etats-Unis.
Ensuite, il est important de savoir si ces mesures sont
liberticides au point que leur mise en œuvre fait plus de mal à la démocratie
qu’elle ne lui en fait du bien.
Evidemment, nous ne savons pas tout de ce qui se passe
réellement mais la surveillance telle qu’elle est autorisée – et qu’aucune
preuve sérieuse, pour l’instant, n’a démontré qu’elle est un paravent pour des
agissements répréhensibles – possède la légitimité nécessaire face aux risques
terroristes internes et externes concrets qui planent sur les Etats-Unis.
De leur côté, les citoyens américains à une majorité de 56%
sont d’accord avec ces programmes de la NSA selon les derniers sondages
Quant à Snowden, ils sont pour l’instant dans l’expectative
et dans l’attente d’informations pour se déterminer afin de savoir s’il est un «traitre»
ou un «patriote». 46% d’entre eux déclare ne pas savoir tandis que 31% pensent
qu’il est patriote et 23% un traitre.
Toujours est-il que, selon de nombreux experts interrogés
par les médias, la mise sous les projecteurs de ces programmes va rendre le
travail de surveillance et d’appréciation du risque terroriste plus difficile
et tous les efforts réalisés jusqu’à présent moins efficaces à court terme.
La liberté est un bien inestimable et son existence pour les
citoyens des pays démocratiques n’est pas négociable.
Néanmoins, cette liberté, s’il elle permet légitimement de
débattre du juste équilibre entre liberté et sécurité notamment dans les médias,
ne peut être invoquée afin d’affaiblir ces mêmes pays démocratiques face aux
ennemis, non pas de l’Occident, mais de la liberté elle-même.
Si l’on ne peut aller jusqu’à la sentence définitive de
Saint-Just, «pas de liberté pour les ennemis de la liberté» et à toutes les
conséquences radicales qu’il y attachait, on peut tout de même affirmer que les
pays démocratiques ne doivent pas permettre à la liberté des ennemis de la
liberté de détruire celle-ci sans essayer de la protéger et de la garantir dans
un monde où ces ennemis sont en très grand nombre et déterminés à user de la
violence extrême pour l’abattre sans aucun état d’âme.