Or donc, François Bayrou dit la vérité. C’est ce qu’il
prétend depuis longtemps et il vient d’ailleurs d’en faire un livre qui vient
de paraître et qu’il n’a pas hésité à intitulé «De la vérité en politique».
La vérité, concept sensible et compliqué s’il en est, a été
abondamment commentée et définie au cours de l’histoire de l’humanité.
Au-delà de son ancienne définition venue de sa filiation
avec la réalité, celle de «dire la réalité» qui est un simple constat de ce qui
est, elle a deux définitions principales, l’une absolue dans le cadre
métaphysique et l’autre plus relative dans celui des sciences.
La première est évidemment inaccessible et seul Dieu, s’il
existe, en est le détenteur unique.
La deuxième permet, dans certains domaines, à partir de
preuves indiscutables de démontrer et d’expliquer des phénomènes.
Dans les sphères qui nous intéressent ici, celles de la
politique, de l’économie et du social appliqués, on ne peut parler ni de
métaphysique, ni de science, même si on parle souvent, à tort, de sciences
politiques, de science économique et de sciences sociales.
Pour en revenir à François Bayrou, la vérité selon le président
du Mouvement démocrate, c’est bien sûr celle qu’il s’enorgueillit de professer
comme il le dit au Figaro «avoir dit la vérité le premier, c’est déjà pas
mal…».
Porte-parole de la vérité, il veut même créer un «parti de
la vérité» dont bien sûr il serait le leader et qui irait «au-delà des
frontières politiques classiques», nous rappelant une fois de plus sa volonté
d’être une sorte de De Gaulle du XXI° siècle et de former une grande coalition
d’union nationale allant des sociaux-démocrates à la droite modérée.
Notons, en passant, que François Bayrou ne s’applique guère
le sérum de vérité à ses multiples échecs politiques prétendant, à la fois, que
l’on ne peut être un «homme politique de premier plan» sans avoir connu l’échec
et qu’il ne ressent aucun manque à ne plus être à l’Assemblée nationale.
C’est à se demander pourquoi il s’est présenté à la
députation.
Vérité, vérité, chacun à la sienne.
En plus, François Bayrou connaît, non seulement la vérité
mais il affirme la dire, seul, depuis 2002.
Pourtant, si l’on se penche sur le contenu de son livre, on
s’aperçoit que François Bayrou en est simplement revenu à la définition
ancienne de la vérité dont nous parlions plus haut, celle de dire la réalité.
Ce qu’il appelle pompeusement «vérité» n’est, selon ses propres
termes que «la vérité des faits», «l’indéniable massif de la réalité» «la juste
vision du réel» qu’en plus, ajoute-t-il, tous les politiques connaissent mais
ne veulent pas dire.
Dès lors, ce n’est pas la vérité que l’on va apprendre en
lisant son livre mais sa vision de la réalité.
Nous voilà redescendu d’un cran.
Pourquoi ce tour de passe-passe? Gageons que s’il avait appelé
son livre «De la réalité en politique», il n’aurait sans doute pas fait le
buzz.
Du coup, le voilà pris à son propre piège de celui qui
arrange la réalité afin de mieux vendre son fonds de commerce…
Disons-le, ce livre n’apporte pas grand-chose de nouveau au
débat politique. Tout ce qu’y écrit François Bayrou, il l’a déjà maintes et
maintes fois écrit et déclaré.
Nombre de ses propos sont ceux d’un vrai centriste,
notamment la volonté de dire la réalité. Malheureusement, ils sont mis en
retrait par cette prétention d’être cet homme providentiel qui viendra sauver
la France, un concept dont se méfient les centristes et qui a été une des
raisons de leur opposition frontale au général De Gaulle.
In fine, toutefois, l’ouvrage nous livre deux informations:
la première, inédite, est que, n’ayant plus de mandats électoraux nationaux et
étant à la tête d’un parti en peau de chagrin, il a du temps pour écrire; la
deuxième, plus redondante, est qu’il croit encore dur comme fer à son avenir
politique qui, selon lui, est de devenir le prochain président de la
république.
Pour cela, il convoque, comme c’est devenu une habitude, De
Gaulle et Churchill pour s’en faire des alter egos ainsi que deux petits
nouveaux, Raymond Barre et Pierre Mendès-France.
Peut-être qu’un mix de ces quatre là ferait un homme d’Etat
exceptionnel capable de sortir la France de ses difficultés. La réalité oblige
à dire qu’on ne l’a pas encore trouvé.
Centristement vôtre.
Le Centriste