Nous nous sommes déjà fait l’écho d’une enquête
particulièrement instructive menée par le Cevipof et l’institut de sondage
Ipsos, «France 2013: les nouvelles fractures» (*) (voir «Le
Centre face au désarroi et à la défiance des Français») sur l’état d’esprit
actuel des Français.
Cette enquête dévoile également la différence notable entre
la vision politique des électeurs centristes et celle des électeurs de la
Droite (ces derniers étant souvent nettement plus proches des positions de ceux
de l’extrême-droite).
A propos des préoccupations principales du moment listées
par le Cevipof et Ipsos, si le chômage rassemble tout le monde quant à son
importance (sauf l’extrême-droite un peu en retrait), on trouve 37% des
électeurs du Front national et 26% des électeurs de l’UMP qui estiment que
l’insécurité en fait partie alors que c’est seulement le cas pour 9% des
électeurs du Mouvement Démocrate (l’étude réalisée du 9 au 15 janvier 2013 n’a
pas pris en compte un électorat UDI puisqu’aucune élection générale n’a eu lieu
depuis la création de ce parti à l’automne 2012).
A l’opposé, seuls 6% des électeurs de la Droite et de
l’extrême-droite font des inégalités sociales une priorité contre 26% de ceux
du Centre.
En ce qui concerne l’immigration, 7% des électeurs du
Mouvement démocrate en font une question prioritaire contre 55% pour ceux du
Front national et 23% pour ceux de l’UMP.
Pour ce qui est de l’environnement, il est une préoccupation
principale pour 10% des électeurs du Centre alors que ce n’est le cas que pour
4% de ceux de la Droite et de l’extrême-droite.
Ce sont de vraies différences sur l’appréciation des défis
que doit relever aujourd’hui la société française.
La sensibilité sociale plus prégnante et une crispation
nettement moindre sur les «menaces» qui pèsent sur la population sont évidentes
chez les centristes.
Le seul domaine où les électeurs centristes et de droite
sont plus proches (outre le chômage déjà cité) par rapport à ceux de
l’extrême-droite, est celui des déficits publics (priorité pour 30% et 31%
respectivement pour les deux premiers groupes contre seulement 9% pour les
troisième).
Dans le domaine de la mondialisation et de l’ouverture au
monde, si les électeurs de droite sont un peu plus nombreux à estimer que la
première est une opportunité pour la France (51% contre 46% pour ceux du
Centre), en revanche, les électeurs centristes sont beaucoup plus nombreux à
estimer que le pays doit s’ouvrir davantage au monde d’aujourd’hui (58% contre
47% pour ceux de droite).
Pour ce qui est de l’Union européenne, les électeurs du
Mouvement démocrate et de l’UMP (ce qui est une vraie surprise pour ces
derniers, les références gaullistes étant décidément de plus en plus lointaines…)
sont les plus nombreux à demander un renforcement des pouvoirs de celle-ci même
si cela limite ceux de la France (ceux de l’UMP étant même plus nombreux, 35%
contre 32%, que ceux du Mouvement démocrate!).
En revanche, les centristes sont ceux qui sont le moins
nombreux à demander un renforcement des pouvoirs de décision du pays face à
l’UE (53% contre 57% pour les électeurs de droite).
Ils le sont également pour demander que la France demeure
dans la zone euro (94% contre 88%).
En outre, les électeurs centristes sont plus compréhensifs
que ceux de la Droite (qui se rapprochent une fois de plus de ceux de
l’extrême-droite) en ce qui concerne les chômeurs (qui, majoritairement pour
les centristes, recherchent vraiment un travail), les immigrés (pour qui,
majoritairement pour les centristes il est difficile de s’intégrer, alors
qu’ils font des efforts pour y parvenir et qui, par ailleurs font le travail
que ne veulent pas faire les Français ce qui fait que leur réduction ne
changerait donc rien au problème du chômage des Français).
Notons, avec intérêt, que ce sont les électeurs centristes
qui sont les plus nombreux à estimer qu’il y a trop de réglementations, ce qui
est une filiation libérale évidente alors qu’ils sont beaucoup plus nombreux
que ceux de la Droite à estimer que l’argent à corrompu les valeurs
traditionnelles de la France, ce qui est
une filiation «catho» évidente!
Concernant l’incarnation du pouvoir l’appréciation d’une
démocratie parlementaire est toujours aussi vive pour les centristes par
rapport au bonapartisme de la Droite qui demeure constante dans sa recherche du
chef salvateur.
Quand on demande aux sondés si la France a besoin d’un vrai
chef, 79% des électeurs de l’UMP et 86% de ceux du Front national répondent
«tout à fait d’accord» contre seulement 41% des électeurs du Mouvement
démocrate.
Enfin, sur le déclin de la France 51% des électeurs de la
Droite disent qu’il est inéluctable alors que 59% des électeurs du Centre disent
le contraire.
On voit bien avec ces chiffres que la sensibilité centriste
ne peut être diluée dans celle de droite et inversement même si elles peuvent
s’allier.
On est donc bien dans cette évidente urgence que le Centre
doit d’abord se rapprocher et s’unir avant de chercher à s’allier avec la
Droite (ou la Gauche), s’il veut avoir une chance de gouverner selon ses
valeurs et ses principes et non être une force d’appoint à une majorité de
droite ou de gauche.
Les positionnements du Mouvement démocrate et de l’UDI ne
sont pas en résonnance, dans cette optique, avec ces constatations. Ni le fait
que l’UDI soit un parti hybride rassemblant la Droite et le Centre.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC