Tous ceux qui, depuis Aristote, en particulier dans son
«Ethique à Nicomaque», se sont penchés sur la question de la centralité,
qu’elle soit politique, philosophique ou morale, l’ont érigée en lieu de vertu
parce qu’ils refusent les désordres de l’extrémisme aveugle et destructeur et
privilégient l’harmonie, et l’équilibre.
De même, c’est par la juste mesure, cet agir débarrassé des
passions malsaines et des pulsions haineuses, que l’on doit analyser les défis
qui assaillent actuellement la société et les humains, leur présent et leur
futur.
Aristote explique qu’il «appelle mesure ce qui ne comporte
ni exagération ni défaut» et Albert Camus affirme «la nécessité d’une mesure».
Or, aujourd’hui, en ces temps troublés où l’on ne sait plus
très bien où l’on va, cette juste mesure fait souvent défaut notamment au
niveau des décideurs politiques, sociaux et médiatiques que ce soit dans la
pensée et dans l’agir.
La démesure, dont Camus dit encore qu’elle «ne trouvera sa
règle et sa paix que dans la destruction universelle» est partout.
Ainsi, celui qui ne regarderait que les chaînes d’info en
continu et leurs mises en scène anxiogènes de l’information, ne lirait que les
attaques virulentes et incessantes du Figaro contre François Hollande ou les
commentaires négatifs du Monde à propos du même (pour des raisons inverses,
évidemment, chaque média estimant qu’il ne va pas assez loin pour sa chapelle),
n’écouterait que les rugissements haineux de Jean-Luc Mélenchon et n’entendrait
que les diatribes xénophobes et anti-européennes de Marine Le Pen, les deux
unis dans une lutte contre la démocratie libérale, ou même seulement les
discours de Jean-François Copé ou Harlem Désir, le tout en observant les jacqueries
corporatistes, celui-là se dirait que tout va mal et que nous sommes proches
d’une révolution, voire de l’apocalypse.
Qu’en est-il?
La France, à coup sûr, est devant des difficultés
indéniables, résultant d’une crise mondiale mais aussi d’un immobilisme de
plusieurs décennies.
Mais tout n’est pas perdu, loin de là, si des réformes
fortes et pas toujours populaires sont prises afin de permettre au pays cette
mise à niveau indispensable qui lui permettra d’être à même de lutter
efficacement dans un monde mondialisé et une économie globalisée.
Cette mise à niveau demande un minimum de consensus de tous
les acteurs politiques, économiques et sociaux.
Non seulement devant les mesures à prendre mais aussi la
difficulté qu’il y a à les prendre.
Si chaque gouvernement, aujourd’hui celui de Jean-Marc
Ayrault, hier celui de François Fillon et demain un autre, est attaqué de toute
part quand il décide de réformer, alors le consensus n’existe pas et la mise en
place des réformes est, non seulement, extrêmement difficile mais impossibles
dans certain domaines, les plus sensibles et les plus cruciaux.
Pourtant, tous les sondages le disent, les Français savent
qu’il faut faire des réformes et des efforts. Mais, ajoutent-ils, ils ne
trouvent pas, face à eux, des dirigeants responsables qui leur montrent le
chemin à suivre et leur insufflent cette volonté de l’effort par une vision du
présent et de l’avenir positive qui lui donnerait un sens.
Dès lors, dans une atmosphère de défiance, ils préfèrent se
recroqueviller sur ce qu’ils ont aujourd’hui au lieu de se projeter sur ce
qu’ils pourraient avoir demain s’ils faisaient les sacrifices indispensables
pour ne pas perdre, et ce qu’ils ont aujourd’hui, et ce qu’ils pourraient avoir
demain.
Cette attitude s’explique, se comprend même, mais ne s’approuve
pas car elle aboutira à une catastrophe si rien n’est fait pour mettre en place
les réformes nécessaires.
Prenons l’exemple ô combien clivant actuellement des
finances de l’Etat.
François Hollande n’a fait qu’une moitié de chemin en
augmentant les impôts que tout président de la république aurait du faire, tout
en ne réduisant pas assez le train de vie de l’Etat (et non les actions
gouvernementales qui permettent de la croissance et qui doivent être maintenues
actuellement) ce que tout président de la république doit faire.
Or, la moitié du chemin en l’occurrence n’est absolument pas
la juste mesure et non plus une moitié de succès tant les deux moitiés,
augmentation des impôts et réduction des dépenses vont de pair en s’équilibrant.
L’une ne vaut rien sans l’autre.
Et ceux qui, en face, hurlent à chaque taxe mise en place
devraient se rappeler que ce n’est pas seulement en baissant le train de vie de
l’Etat que l’on parviendra à redresser la barre mais aussi en faisant rentrer
les recettes fiscales nécessaires.
Dans cette atmosphère indéfinissable où tout le monde trouve
de quoi argumenter en sa faveur et à faire peur à tout le monde, les centristes
doivent être cette force de courage et de mesure, capable de délivrer un
discours rationnel et responsable.
Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas.
Hier, les attaques de François Bayrou contre Nicolas Sarkozy
pouvaient être démesurées. Aujourd’hui celles du même Bayrou et de Jean-Louis
Borloo contre François Hollande peuvent l’être également (sans parler des appels
à la démission du président de la république par Hervé Morin).
Le Centre n’a pas à crier au loup avec la Droite et la
Gauche.
Ce qui le distingue justement, c’est la juste mesure qu’il
met dans sa pensée, son positionnement et sa parole.
Les centristes devraient faire attention à ne pas perdre ce
qui leur spécificité et l’intérêt que peut leur porter les Français.